Kokeshi – Poupées traditionnelles en bois

Voyage d’été à Aomori

Depuis peu, beaucoup d’amateurs découvrent ces poupées de bois artisanales, forme d’expression traditionnelle, originaires du Japon que l’on appelle Kokeshi

Elles sont apparues il y a 140 ans, au moment de l’ouverture du Japon sur le monde moderne, à une époque où le régime féodal disparaissait mettant fin à l’isolement du pays

Kuroishi – Musée de la Kokeshi

Hélas, ce nom est utilisé à tort pour désigner des fabrications industrielles « made in China  » en sciure de bois agglomérée ou pire, en résine, peintes de couleurs criardes censées leur attribuer des vertus !

Elles sont commercialisées pour satisfaire les adeptes de feng shui et autres fariboles prétendument extrême-orientales

La plus grande Kokeshi au Japon:un seul morceau de bois de 1,97 m pour 130 kg.

Les traditionnelles Kokeshi sont des poupées artisanales en bois, on ne les trouve, encore maintenant, que dans leur région d’origine, au nord du Japon uniquement, région appelée Tohoku qui garde jalousement ses traditions, même si leurs habitants passent aux yeux des gens de Tokyo pour des ruraux mal dégrossis !

La région de Kuroishi et ses sources thermales

Le Tohoku est une région encore préservée de montagnes, de forêts et de lacs d’une beauté sauvage. La neige y très présente pendant les longs hivers rigoureux

Le passé volcanique de ce pays a donné naissance à de nombreuses sources d’eau chaude qui alimentent chacune un Onsen, établissement thermal un peu partout

L’eau y est soufrée, et si on n’est pas incommodé par l’odeur dégagée, le bain chaud aux vertus thérapeutiques est très agréable

Si les Onsen sont très nombreux à être inclus dans des auberges offrant le dernier confort moderne en guise d’hôtellerie, ils se distinguent de ceux existants encore dans la campagne aux prestations plutôt spartiates ! Même les temples bouddhiques de la région abritent des sources d’eau thermale dans leur enceinte !

Onsen public à la campagne, inchangé depuis des décennies ! La cloison délimite l’espace entre hommes et femmes

C’est justement dans ces Onsen que depuis très longtemps, venaient se délasser les gens de la campagne après la saison des travaux des champs

Les artisans spécialisés dans la confection d’objets de vaisselle en bois, bols et plateaux, désœuvrés par le profond bouleversement du Japon, vers 1870, y vinrent pour vendre des jouets aux enfants des paysans

En visite à Kuroishi – Délassement de pieds touristiques fatigués dans l’eau chaude d’un Onsen (l’homme est un inconnu !)

Les premières Kiboko (poupées de bois en langage régional) étaient des poupées frustes de petite taille destinées aux jeux des fillettes

Les Onsen favorisant un artisanat populaire tourné vers le tourisme, ces poupées devenant plus raffinées, elles commencèrent à intéresser les marchands et les collectionneurs

On les dénomma Kokeshi (de Kogesu : enfant taillé dans du bois) lors de leur première exposition en 1939

Musée de la Kokeshi à Kuroishi (préfecture d’Aomori) abritant plus de 4000 poupées traditionnelles

Les six départements du Tohoku ont chacun leurs Kokeshi spécifiques…

Kuroishi – Musée de la Kokeshi – Style de Tsuchiyu – Fukushima

…même si toutes partagent la caractéristique de porter sur un corps tout droit dépourvu de membres une tête ronde d’un seul tenant ou emboîtée, plus ou moins mobile et des couleurs rouges, vertes et noires

Kuroishi – Musée de la Kokeshi – Style de Tsugaru – Aomori

Leur décor tout de simplicité n’a que faire d’une ornementation excessive

Un artisan sur son tour à bois à Kuroishi

En tirant la langue pour s’appliquer, c’est mieux !

L’artisan après avoir dégrossi une bille de bois, sculpte la forme désirée au ciseau à bois et tout en actionnant le même tour…

Style de Narita – (Kokeshi de ma collection)

…d’un pinceau expert trace les lignes colorées sur le corps et finit en donnant l’expression du visage

Signatures des artisans (Kokeshi de ma collection)

Chaque artisan qu’il travaille seul ou dans un atelier signe son œuvre

Kuroishi – Musée de la Kokeshi – Style de Kijiyama – Akita

Les Kokeshi sortant de la main d’un maître-artisan très réputé atteignent des prix très élevés

Kuroishi – Musée de la Kokeshi

Le Japon fait peu de différence entre artistes et artisans, le moindre objet sortant de mains expertes est assimilable à une création artistique

Kuroishi – Musée de la Kokeshi- Style de Tsugaru

Les artisans s’amusent à exécuter toutes les tailles de la plus minuscule 2 cm à la plus grande 1,90m

Kokeshi typiques d’Aomori – Kuroishi – Musée de la Kokeshi

Diverses essences de bois sont utilisées, selon la région, mais celle que je préfère est en bois de Sugi, le cryptomère dont l’odeur subtile me rappelle tellement le Japon !

Reconstitution d’une maison d’artisan

De petites aux très grandes Kokeshi

Les traits des visages, intuitivement propres à chaque artisan, pleins de jovialité tendre ou d’étonnement naïf reflètent bien la sérénité des habitants vivant en symbiose avec la nature dans ces régions rudes mais pourtant tellement accueillantes

Coiffures typiques des Kokeshi de Tsugaru, région la plus au nord (Kokeshi de ma collection)

J’ai acheté, lors de mon premier séjour au Japon, une Kokeshi en bois de Sugi que j’aimais particulièrement pour sa simplicité

Et j’ai retrouvé 30 ans après le premier modèle de l’artiste, celui à l’origine de sa production de Kokeshi ! Cet artiste représentait la 7e génération d’une lignée d’artisans

Le « prototype » poétiquement illustré – style de Narita (Kokeshi de ma collection)

Les artisans contemporains tout en respectant les traditionnelles couleurs rouges, vertes et noires, en introduisent de nouvelles selon le goût d’aujourd’hui…

Du jaune, du bleu et du rose, mais dans la tradition (Kokeshi de ma collection)

La légende dit que le fils d’un empereur aurait octroyé aux artisans leur tout premier tour à bois ; celui-ci devenu le dieu des artisans, selon la mythologie shinto, est honoré par le décor de chrysanthèmes peint sur beaucoup de Kokeshi, car c’est la fleur emblématique de la maison impériale

Le décor peint de chrysanthèmes rouges (Kokeshi de ma collection)

Depuis les années 1950, dans tous les lieux touristiques du Japon, on trouve des Kokeshi dites modernes, de la petite figurine achetée comme souvenir n’ayant pas de caractère propre à celles signées par des artistes dont les formes sont extrêmement variées

Elles sont souvent caractérisées par un décor peint ou gravé illustrant les saisons, les fêtes traditionnelles ou symbolisant le caractère idéal attribué à la femme japonaise

Multiplicité des formes … (Kokeshi de ma collection)

Leurs prix varient de quelques centaines de yens à plusieurs milliers ! Selon la créativité de l’artiste, son savoir-faire, l’harmonie avec le matériau … et sa renommée !

Toutes les essences de bois sont utilisées et la mise en valeur de la structure du bois, de ses veines ou de ses défauts sont exploités de manière ingénieuse

Les Kokeshi, artisanat typique du Tohoku

La poésie et le charme qui se dégagent de ces poupées sont des critères séduisants pour les collectionneurs passionnés, dont je suis depuis longtemps !

Ma fille aînée au musée de la Kokeshi à Kuroishi

Évidemment, mes Kokeshi ont perdu leur fraîcheur d’antan, elles nous accompagnent depuis de si nombreuses années, les manipulations, les jeux de mes enfants ( que j’ai laissé faire !) leur ont fait prendre une belle patine !

Elles reflètent pour moi le geste artisanal authentique, images symboliques d’un Japon pas encore disparu sous les fabrications industrielles

Le reste de ma collection est sur mon site « chambre.des.couleurs« 

30 réflexions sur « Kokeshi – Poupées traditionnelles en bois »

  1. Bonjour,

    merci pour cet article ! J’ai vu quelques kokeshis anciennes dans la région de Matsushima, mais elles n’étaient pas à vendre ! Je ne connaissais pas l’existence du musée. Vous me donnez envie d’aller voir sur place !
    Beatrice.

  2. Encore un bel article, j’étais intriguée par cette collection de poupées de bois sur ton site (les dés m’étant bien plus familiers…), merci de nous faire découvrir cet artisanat si raffiné !

  3. Magnifiques ces poupées, mon fils part en court séjour au Japon en mars, je vais essayer de l’orienter sur cet artisat superbe et peut-être aussi des tissus. Merci pour vos articles, toujours très intéressants

  4. J’ai appris très récemment ce qu’étaient ces poupées japonaises pour en avoir acheté deux. Le hasard d’un vide-grenier m’a fait tomber sur un couple dont le décor est vestimentaire et fleuri. Chaque poupée en contient deux autres à la manière des poupées russes… Je les ai photographiées au moment de cet achat et les avais mises en ligne sur mon blog. Par le mot-clé, vous pourrez aller les voir et me dire ce que vous en pensez ?

    • Vos Kokeshis dateraient des années 50 ou plus sûrement 60…Ce genre de Kokeshis dites modernes se trouve encore un peu partout au Japon dans les lieux touristiques.
      Elles sont faites sans prétention artistique, souvent proposées comme jouets pour les enfants ou comme souvenirs de vacances.
      Elles reflètent bien le caractère enjoué et bon enfant du Japon populaire.
      Les Kokeshis ont inspiré les Matriohkas russes au début du 20° siècle.
      Je regrette fortement tous les dérivés absurdement commerciaux de ces poupées qui ont l’art de transformer un artisanat authentique en marchandises privées d’âme et d’authenticité !

  5. Votre collection est magnifique !
    Merci de cet article passionnant. Je ne connaissait les kokeshi que pour en avoir vu dans la vitrine d’un antiquaire à Tokyo. N’y connaissant rien, j’ai eu peur de me tromper. Maintenant, grâce à vous, je saurais reconnaître le travail des VRAIS artisans japonais :).

  6. Et dire que j’en avais une. Une vraie en bois. Il y a des années. Un jour de mise à plat, je l’ai donnée à Ema!us. Bien avant de découvrir le japon. Parfois on pêche par ignorance !

  7. En cherchant des modèles de sashiko je découvre votre blog. J’aime beaucoup Je m’intéresse au Japon et à tout ce qui les concerne. Ma belle-fille est japonaise. Je vais lui demander de me rapporter une petite kokeshi, mais une vraie. Celles que l’on vend ici m’ont toujours paru « criardes ». Merci pour cet article sur ces petites poupées dont je ne connaissais absolument pas l’origine.
    SYLVIA

  8. bonjour je possede 2 poupees kokeshi je pense qu elle sont tres anciennes puisque cela fait 40 ans que je les possede elle ont la tete qui se separent du corps et les dessins representes sont des peinture plutot romantique (paysage) j aurais aimes en connaitre leur valeur pourriez vous m y aider merci cordialement

    • D’après votre description elles dateraient des années 1950-60 au plus tôt
      Les dessins de paysages sont typiques des Kokeshi de Onsen (station thermale) que l’on rapportait comme souvenir
      Le prix est toujours déterminé par la taille de la Kokeshi, en général de 10 à 25 cm de haut, elles valent à peu près de 10 à 30 € si elles sont en bon état évidemment

  9. Merci pour ce reportage fort intéressant je ne connaissais pas du tout l’origine des kokeskis, je ne pourrai jamais hélas visiter ce musée.
    Tu a une très belle collection

    • Oui, je sais que ce musée est assez confidentiel sauf pour les habitants de la région qui aiment beaucoup « leurs » Kokeshi !
      Mais les blogs peuvent servir à faire connaître… merci d’avoir été sensible à mes petites explications

  10. Ma fille étant fan de poupée russe c’est mise depuis peu au kokeshi (moderne , grand plublic, normal à 6 ans) mais dans un vide grenier , elle a craqué sur un modèle ancien comme ici. il y a un décor peint de chrysanthèmes rouges et une signature dessous…je peux le laisser à ma fille ou est-ce que ça a de la valeur ?

  11. Merci pour cette petite visite, j’ai acheté pour offrir une petite Kokeshi, je vais maintenant en plus pouvoir expliquer sa petite histoire.

  12. Je viens de découvrir ce qu’est la vraie poupée kokeshi; quelle merveille; quelle belle collection vous avez et merci de nous faire partager toutes ces belles choses;je me contente de la poupée »touriste » que l’on vend en boutique mais rien à comparer; amicalement cathy(de belgiq)

  13. Bonjour,

    j’ai chez moi deux Kokeshi que j’ai acheté dans un magasin japonais il y a 30 ans au moins
    Je voudrais les faire estimer,ou puis-je m’adresser
    Merci par avance
    Cdlt
    Dominique

  14. Je ne connaissais pas les Kokeshi…encore une jolie découverte.
    Je continue à parcourir votre blog, toujours avec le même bonheur : merci pour tout ce partage enrichissant 🙂

    • Merci de cet éloge qui flatte mon égo ! mais que je prends aussi comme un encouragement à continuer
      Votre blog m’apprend beaucoup sur les techniques de peinture, entre autres…Moi, qui ne m’intéressais jusqu’à présent qu’à l’émotion que dégage l’art sans me pencher sur « les dessous » des tableaux ! Apprendre, toujours apprendre, quel bonheur !

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