Quilt en tissus japonais anciens
Je collectionne depuis longtemps les tissus anciens, en fait depuis mon premier voyage au Japon dans les années 1975
J’ai toujours aimé ce que dans ma propre famille on appelait dédaigneusement des vieilleries !
J’accumulais les tissus, pas seulement pour le seul plaisir d’en remplir les cartons au moment des déménagements, mais pour essayer de sauvegarder des bribes d’un savoir-faire ancestral
Tous ces tissus de coton viennent de la famille de mon mari, d’où le nom du quilt, plusieurs ont une centaine d’années, chutes rescapées de kimonos et de vêtements de travail pour la plupart
Certains tissus, les plus anciens, étaient déjà des récupérations
Selon l’usage dans les sociétés qui ont connu des temps de misère, ma belle-mère avait recyclé en tabliers de travail, en pochettes et en petits sacs les parties les moins usées des kimonos
Au grand étonnement de mes beaux-parents, mais au fond ravis qu’une étrangère s’intéresse aux objets quotidiens du Japon populaire, j’ai commencé à les recueillir comme des trésors, alors ils ont eu à cœur de trouver dans leur entourage des tissus anciens, mais la plupart finissaient déjà leur vie en chiffons !
Ce sont des textiles typiques des régions rurales du Japon teints souvent en Aizome (indigo), des tissages en Kasuri (ikat), avec une variété incroyable de tissus rayés tissés
Le centre de chaque hexagone est fait en Sarasa tissus venant généralement de l’Inde ou de l’Indonésie ou inspirés par ceux-ci, imprimés à la planche et teints avec des colorants végétaux, tissus de coton précieux et très souples utilisés pour confectionner les kimonos de dessous
J’aime particulièrement les quilts composés d’un seul patron, carré, losange ou hexagone comme pour cet ouvrage, car ils sont fréquemment utilisés dans les arts décoratifs au Japon
La disposition des tissus à rayures n’est pas fortuite, il se révélait nécessaire de tailler 6 pièces semblables pour chaque hexagone dans un sens ou dans un autre pour exploiter au mieux la grandeur de mes chutes
Afin de pallier au manque de tissus à rayures, j’ai entouré quelques hexagones de différentes bordures rouges, mais en fait elles sont là pour donner un accent à l’ensemble
La bordure recycle les grandes longueurs d’un kimono en laine tissé en Ikat de feuilles d’érable, vêtement taché et abimé que j’ai décousu sans remord !
La doublure est faite d’un kimono imprimé décousu pour la circonstance car le tissu en coton mélangé ne supportant pas un repassage à fer chaud, il était difficile à inclure dans un quilt
Jusqu’au XVIe siècle, le coton était pratiquement inconnu au Japon et il ne sera accessible à la grande majorité de la population qu’au cours du XIXe siècle
Les vêtements de la population rurale étaient en fibres végétales, chanvre, ramie, fibres de bananier, difficiles à teindre, les vêtements obtenus étaient de couleur généralement unie ou avec des rayures monochromes
Les teintures réagissant de manière aléatoire, les parties non teintes devenaient des rayures inattendues
Au XVIe siècle, à l’époque Momoyama l’arrivée des Portugais au Japon avec des costumes de coton comportant des rayures de couleurs différentes, surtout jaunes et rouges provoquèrent l’étonnement mais firent des émules ensuite chez les artisans du textile !
Le coton, importé de l’Inde ou de l’Asie du sud-est, léger et doux, fut apprécié pour son toucher proche de la soie et pour la beauté de ses dessins et de ses rayures
L’ancien nom des tissus rayés Watari-mono (matière venant d’ailleurs) et comme le nom actuel Shima-mono (matière venant des îles) font allusion à leur provenance
Vers le milieu de l’époque Edo, on ne cultivait le coton que dans quelques provinces, le coton demandant une terre riche, on fumait les champs avec de l’huile de poissons, souvent des sardines !
Peu à peu avec l’accroissement de la culture du coton, la fabrication de vêtements devenue importante favorisa sa popularité surtout avec le processus de teinture en Aizome (indigo) qui tenait particulièrement bien sur les fils de coton tout en les rendant plus solides
A la fin de l’époque Edo, au milieu du XIXe siècle, les fabricants devenus aussi des commerçants, inventèrent de nouveaux styles de rayures et éditèrent des Shimachô ou catalogues de tissus à rayures que l’on offrait en cadeau aux filles à marier
Le tissage est alors artisanal, chaque maison à la ville comme à la campagne possède son métier à tisser, le travail en est irrégulier mais très solide et contribue à la diversité des textiles rayés
A l’époque Meiji, à la fin du XIXe siècle, l’industrialisation et les machines remplacent le tissage à la main, travail d’appoint qui périclite dans les campagnes, les fermes où l’on tissait artisanalement n’arrivant plus à vendre leur travail
Mais le Japon produisant du coton à fibres courtes, les fils ne passant que difficilement sur les machines, la production mécanique alors peu rentable abandonne le coton autochtone pour s’approvisionner en fils de coton mercerisés bon marché venant de l’étranger, ruinant ainsi les producteurs de coton dans tout le pays
Dans sa nouvelle « Kokoro » (traduite en Pauvre cœur des hommes) écrite en 1914, le romancier Natsume Soseki en se promenant dans la banlieue de Tokyo, évoque avec nostalgie la vision de deux femmes en train de filer et de tisser, activités déjà presque entièrement disparues à cette époque
Le Japon est le pays qui a certainement produit la plus grande variété de textiles rayés !
Ma belle-mère a confectionné ce porte-monnaie à l’ancienne mode avec un reste de tissu rayé bleu, dont le cordon se termine par une antique pièce en cuivre, le rouge, quant à lui est une fabrication récente
Cette petite exploration dans les tissus à rayures anciens se conclut avec un espiègle petit bonhomme …à rayures !
Tissus rayés : parce que directionnels, ils ne sont pas faciles à fondre dans un ensemble… et là sans flatterie, j’aime vraiment beaucoup.
Quant aux collections d’étoffes, un ami artiste m’a dit en plaisantant que plutôt que de les assembler, on devrait en faire des installations ! Elles sont déjà un plaisir pour les yeux, et recèlent tant d’envies de se mettre en route!
Ces vieux tissus, je les collectionne pour ce qu’ils représentent, un passé pas si lointain, d’un Japon rural disparu sous les coups de la modernité galopante
Ce qui est bien avec les tissus c’est qu’en plus de les garder pour le plaisir de la collection, on peut décider d’en faire quelque chose !
Même si je les coupe avec une certaine appréhension n’étant jamais sûre, en commençant, d’en tirer un ouvrage intéressant
En confidence, moi non plus, mais bon si on les garde tels quels, on les respecte, mais on ne crée rien. Si on crée en les utilisant, on prend toujours le risque de gâcher …dilemme de la quilteuse, et en plus ce qui sera « gâchis » aux yeux des uns sera « audace aux yeux des autres… Alors ma foi …autant se donner la joie de créer et de leur donner peut-être une nouvelle vie !
Eh ! Oui Jacqueline, utilisons nos vieux tissus sans trop d’état d’âme ! Sans nous et nos petites créations, tous ces textiles finiraient dans les réserves d’un musée…où à la poubelle !
Ah, tu fais vraiment des merveilles, Marie-Claude……c’est MAGNIFIQUE !!!
Mais heureusement, tu es douee…moi, je garde un souvenir piteux d’un magnifique batik d’Indonesie cadeau d’un oncle que j’ai coupe pour en faire une jupe, et completement rate…direction poubelle, mais il faut die, j’etais gamine aussi…
Bonne semaine ! (c’est dommage qu’on ne puisse pas s’abonner a ton blog….on rate des billets, si on ne fait pas attention !)
Merci Flo,
Ah ! C’est dommage, j’aurai bien récupéré les restes de l’essai avorté ! J’adore les tissus indonésiens !
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merci pour la culture tout en légèreté de votre article et la beauté des photos !
et le dialogue de deux créatrices…aussi: alors
Bon Jour !
Merci Marie-Hélène, mon mari s’implique beaucoup, par ses lectures, à parfaire mes connaissances des textiles du Japon !
Quel magnifique ouvrage! et grâce à tes explications, on le sent empreint de beaucoup plus que la merveilleuse composition des imprimés.
Bravo!
Au fait, comment fais-tu pour reconnaître l’âge d’un tissu????
Merci Béatrix, en fait, ma belle-mère couturière par nécessité après la guerre et ensuite pour le plaisir faisait elle-même les yukatas, watahire,chanchanko de la famille
Elle gardait par conséquent toutes les chutes depuis des décennies…J’ai même récupéré des tissu de kimonos des grand-mères et grand-tante qui remontent au début du XXe siècle
C’est mon seul critère de datation, je ne suis pas assez savante pour reconnaître autrement l’âge d’un tissu ! Quoique je sache reconnaître par expérience la qualité des fils, des motifs et du tissage à force de visiter des expos !
j’apprécie beaucoup votre blog que je trouve toujours trés intéressant et culturel.
J’ai particulièrement aimé ce post que je trouve trés émouvant en ce qui concerne la sauvegarde et l’utilisation de ces précieux tissus d’origine populaire; votre travail est remarquable tant au niveau agencement des tissus, des couleurs et de la réalisation. On ressent en tout cela un sens artistique trés développé et cela laisse bien rêveur quand on reste soi-même de longs moments devant trois bouts de tissus à associer sans parvenir à rien de bien satisfaisant…
Merci beaucoup pour tout ce que vous nous faites parvenir
Merci Michèle, votre commentaire met ma modestie à rude épreuve !
J’ai été débutante moi aussi un jour ! Il faut persévérer… et pour faire des progrès rien ne vaut les visites de musées, d’expos, la consultation de livres d’art, de bons livres de patchwork aussi, tout cela nourrit l’esprit et l’imaginaire
Courage, lancez-vous, les erreurs font souvent avancer quand on a la passion !
C’est vrai, votre talent rend modeste , mais loin de décourager, il incite à persévérer! J’ai bientôt soixante et dix ans, c’est un âge un peu avancé pour une débutante, mais est-ce une raison pour ne rien faire? Au contraire, il n’y a plus une minute à perdre.
Merci pour ce que vous transmettez.
Françoise
PS:J’ai regardé aussi le blog de Jacqueline Fischer et j’ai beaucoup aimé son manifeste en faveur du patchwork. Art mineur? Et d’abord, qui en décide?
Merci Françoise, je partage les écrits si bien argumentés de mon amie Jacqueline, il faudrait qu’elle soit plus entendue !
Bonjour,
merci pour ce superbe article (comme les autres, d’ailleurs !)
Une petite question : le livre présenté « trouvé à Paris » serait-il encore disponible dans le commerce ? A défaut, pourriez-vous m’indiquer son ISBN afin que j’amorce quelques recherches. Merci d’avance.
PS une autre personne amoureuse des rayures en patch : Isabelle Paquin, dont vous connaissez très certainement le travail. Béatrice.
Merci Béatrice, j’ai trouvé ce livre à la librairie du Musée du Petit Palais ! Ces livres en japonais apparaissent ici et là dans les librairies des musées en très peu d’exemplaires, mais curieusement quand on les trouve dans la fameuse librairie japonaise de Paris, ils coûtent trois fois plus cher !!!
Je saisis l’occasion à chaque fois, c’est toujours cela en moins dans mes bagages en revenant du Japon !
Quel plaisir de découvrir votre blog. Evidemment, dès que j’ai aperçu des rayures japonaises, mon coeur a fait un bond dans ma poitrine. J’ai une grande passion pour les tissus rayés avec lesquels je travaille et j’utilise quand je le peux des rayés japonais. Grâce à vos informations j’en apprends beaucoup plus sur ces magnifiques tissus japonais. Vos ouvrages sont superbes et votre utilisation de tissus anciens très intéressantes.
Cordialement.
Gabrielle Paquin
Merci Gabrielle, évidemment j’ai pris connaissance de votre travail, nous avons donc un petit point commun : les rayures ! J’en suis ravie !
merci Marie-Claude pour cet article qui m’a passionnée !;o) j’ai beaucoup appris et cette nouvelle connaissance me sera utile pour de futurs patch (je suis débutante) ou vêtements de poupées ou encore autres choses ! (les idées ne manquent jamais, c’est juste le temps qui parfois … est un peu court ;o)) kenavo !
Merci Claudine, je suis ravie que mes petites connaissances vous soient profitables
Bonjour Madame,
Bravo pour vos articles passionnants…
Je suis créatrice décors muraux peints et suis actuellement en train de reconcevoir mon site. pour accompagner les photos de mes peintures je recherche pour chaque une photo « inspiration ». L’un de vos quilt me parle particulièrement et j’aimerais savoir si vous accepteriez que je l’utilise, moyennant une citation de votre nom bien sur ..
Mais oui, vous pouvez utiliser la photo avec mon adresse , et merci de me l’avoir demandé !
Très intéressant cet exposé. Merci !
Merci Monique, les couleurs sont un peu plus exactes que la photo de la revue !
Bonjour Madame,
Je suis émerveillée par votre blog et vos ouvrages tous plus beaux les uns que les autres.
J’adore ce quilt aux hexagones et je voudrais me lancer dans la réalisation de mon 1er quilt en m’inspirant du votre. J’ai fabriqué des gabarits mais j’ai beaucoup de mal à assembler les pièces entre elles. Organisez vous des stages pour apprendre votre technique ? Bien cordialement Anne-Marie
Merci Anne-Marie, les hexagones sont, pour moi, très faciles à assembler et ne me demande pas une technique particulière mais je peux peut-être vous aider à débuter….
Chere Marie-Claude, ces tissus sont ravissants, et vraiment, tu en fais des merveilles !!!
Je sais qu’il sera de plus en plus difficile de trouver ces vieux tissus dans le Japon actuel, je les aime tellement car ils me parlent d’un mode de vie disparu !
Bonjour, nous avons déjà eu quelques contacts, je trouve tes photos et tes réalisations toujours magnifiques.Serait il possible d’avoir l’adresse ou tu commandes tes tissus japonnais car c’est à fondre devant tellement ils sont beaux. Je n’ai jamais trouvé un site pour en commander de jolis.Merci d’avance, Amitiés, Françoise
Françoise, presque tous mes textiles anciens viennent de ma famille japonaise, pour les tissus contemporains je les trouve au hasard des visites aussi bien au Japon qu’en France, surtout dans les Salons de loisirs créatifs
J’aime beaucoup la boutique en ligne « Euro Japan Links » (mais qui est présente aussi sur quelques Salons) leurs tissus sont beaux et bien choisis, vous devriez y trouver votre bonheur !
Je consulte votre blog régulièrement,merci pour vos articles.
Quel plaisir de vous retrouver dans les Nouvelles du Patch.
Merci Nicole, votre intérêt pour mes articles me fait grand plaisir
Je n’ai pas encore consulté la revue…J’espère que l’article est élogieux !
Bonjour
j’ai beaucoup apprécié la visite de votre site – j’ai un faible tout particulier pour les tissus japonais et notamment les indigos – vos réalisations sont magnifiques – je ne me
lasse pas de les regarder – avez-vous des adresses pour se procurer des indigos et ces superbes tissus à rayures ?
encore mille mercis pour toutes ces splendeurs
Je comprends bien que vous aimiez tout comme moi ces étoffes !
Les tissus que j’utilise sont en général anciens, venant de ma famille japonaise ou trouvés au hasard des brocantes au Japon, alors il m’est difficile de vous donner des pistes pour vous en procurer
Liebe Madame, Ich bin fasziniert von ihrer Seite! So wundervolle Quilts, Geschichten aus Japan! Unglaublich, immer wieder schau ich da herein. Und so wundervolle japanische Stoffe. Gestreifte Stoffe. Sehr, sehr schön. Ich danke ihnen für diese Bilder, Informationen. Auch Anleitungen. Merci, merci.
Brigitte, Danke schön !