Voyage d’été à Aomori
Séjour à Aomori – Nebuta Matsuri – autres articles : 1 | 2 | 3 | 4 | 5
Le sixième et dernier jour, le défilé des Nebuta commence à 13 h généralement sous un soleil de plomb pour s’achever vers 15 h
La fête de jour étant boudée par la majorité des touristes, les habitants d’Aomori (dont je fais partie pendant quelques semaines !) peuvent ainsi mieux se réapproprier leur Nebuta
La véritable origine du Nebuta Matsuri reste inconnue et se prête à beaucoup d’interprétations, souvent assez fantaisistes
On rapporte qu’au XIIe siècle, le pouvoir impérial voulut pacifier les provinces du Nord, redoutables contrées peuplées, disait-on, d’hommes insoumis
Une expédition commandée par le général Tamuramaro, partit donc en expédition mais après avoir occis nombre de farouches rebelles fut mise en échec près d’Aomori, par un groupe d’irréductibles Ezo, les habitants du Nord, qui se dissimulant parmi les habitants de la région tenaient tête à son armée
Tamuramaro étant un homme de ressources, on raconte qu’il inventa un stratagème afin de piéger ses ennemis
Il fit construire d’immenses figurines de guerriers qu’il promena sur les chemins accompagnés de tambours et de flûtes, ses soldats priés de danser bruyamment tout autour
L’insatiable curiosité des hommes frustes fit que les Ezo sortirent de leurs cachettes, afin de voir qui faisait un tel tintamarre et ceux qui échappèrent à l’extermination furent repoussés vers l’extrême nord sur l’île d’Hokkaido
Les légendes magnifiant les conquêtes guerrières ne sont pas propres au Japon…Le vieil Homère en savait quelque chose !
Mais depuis quelque temps, cette fable fondatrice n’est plus « politiquement correcte », le nom de Tamuramaro que portait le grand prix attribué au plus beau Nebuta a été abandonné, l’origine même du Nebuta revue, afin de la rattacher à la fête de Tanabata ou fête des étoiles célébrée dans tout le Tôhoku à la même période
Le Nebuta qui était considéré, au cours des âges, comme le retour triomphal de l’expédition, accompagné d’une musique victorieuse et de danses frénétiques, a toujours les faveurs des vieux aficionados d’Aomori, que la nouvelle façon de penser plus correcte des édiles municipaux met en émoi !
Une autre légende met en scène le Daimyô de Tsugaru, Tamenobu, qui arrivant à Kyoto, par un effet de vantardise auprès du Shogun prétendit que dans sa province, les grandes lanternes étaient monnaie courante
Mis au défi, il fit construire une grande lanterne de 3,60 m de diamètre et l’installa devant sa résidence de Kyoto, ce prodige étonna tout le monde et resta dans les mémoires, les Nebuta en seraient le souvenir
Il y a 250 ans, au terminus de l’Oshiu Kaido, la grand route qui partant de Nihonbashi à Tokyo amenait jusqu’à Aburakawa, faubourg d’Aomori, on promenait de grandes lanternes accompagnées de musique et de danses
La vidéo laisse valser le Nebuta sous les cris de la foule enthousiaste !
Le premier dessin de Nebuta date de la fin Edo, la fête est donc bien ancienne et ancrée fermement dans la vie des habitants d’Aomori
Les Nebuta installés sur des chars à roues dotées de pneus de poids lourds sont à la fois poussés à l’arrière et tirés à l’avant par de solides gaillards, se partageant à dix environ de chaque côté, la tâche de manœuvrer l’énorme construction de 4 tonnes !
On ne se contente pas de faire défiler les Nebuta en ligne droite, sur le parcours ils « valsent » sur eux-mêmes afin de faire admirer leurs décorations de tous les côtés…
…Puis au prix d’une grande maîtrise, on les fait basculer vers les spectateurs assis sur les trottoirs…
…Faussement effrayés mais ravis de voir les féroces guerriers plonger vers eux !
Les petites lanternes qui courent autour des Nebuta portent chacune le nom des généreux donateurs ayant contribué à leur financement
Les grands Nebuta sont en général au nombre de 22 à défiler chaque année, mais pendant les 6 jours que dure la fête, ils ne sont pas tous présents, leur nombre selon les soirs, peut varier de 14 à 20 par exemple
Malgré la difficulté de la tâche, quelques femmes apportent leur participation avec enthousiasme
La taille des Nebuta est limitée en hauteur…
… Environ 5mètres leur permet de passer juste sous les fils électriques qui forment des réseaux inextricables aux carrefours de la ville
Les figures des Nebuta sont représentées en une action figée, les muscles tendus, dans des poses qui doivent beaucoup au théâtre Kabuki…
…Mais en perspective « ramassée », les jambes étendues, afin qu’ils ne dépassent pas la hauteur réglementaire et soient en même temps bien visibles par les spectateurs situés en contrebas…
Chaque Nebuta est suivi d’un char sur lequel sont installés les grands Taiko les tambours…
… chars qui ont aussi besoin de tireurs endurants…
…Même si la chaleur étouffante d’août fait quelquefois fléchir les bonnes volontés !
Les joueurs de tambours qui ont la chance d’être montés sur un char…
..Se voient privilégiés par rapport à ceux qui doivent frapper tout en marchant !
Les femmes se trouvent beaucoup d’aptitude au maniement des baguettes !
Derrière le Nebuta, on tire les chars des tambours…
…Puis viennent les flûtistes…
…Revêtus du Yukata distinctif de chaque Nebuta
En principe, tout est bien réglé pour que les participants respectent le temps et l’espace de sécurité recommandé entre chaque grand Nebuta…
…Mais en fait les impondérables sont toujours présents…
…Que l’on essaie de neutraliser à grands coups de sifflets et d’agitations autoritaires d’éventails…
…Ce qui rend cette fête populaire, bien que préparée longtemps à l’avance, tellement vivante !
Nos photos avec la foule qui n’arrête pas de se mouvoir en nous heurtant ne sont pas d’un grand professionnalisme !
Ce sont des photos prises en pleine action, sans le souci du joli, nous qui sommes aussi des fous du Nebuta !
Si les tambours apportent le rythme, les flûtes jouent les 7 mélodies propres au Nebuta
…Tandis que derrière viennent les Teburi gane, les percussions, le mot Jagari est le langage spécifique d’Aomori
Les petites cymbales qui n’existaient pas à l’origine, apportent à la musique les accents indispensables…
…Que les enfants apprécient tant !
Les participants s’entourent la tête d’un Tenugui, rectangle de tissu en coton imprimé de dessins ou de textes publicitaires, indispensable pendant les fêtes, qui sert pratiquement à tout…
…dans ce cas précis, roulé ou plié, à éponger la sueur qui perle sur les fronts
Les très grands tambours continuent de marteler le rythme du défilé
Leurs sourdes vibrations, comme une onde de choc…
..Règlent jusqu’à nos pas quand nous les suivons tout au long du parcours
Les danseurs suivent …Mais là, l’enthousiasme de la jeunesse …et quelques boissons alcoolisées ! apportent le petit grain de folie qui manquait encore !
————————
Séjour à Aomori – Nebuta Matsuri – La fête de l’été :
I – Le Nebuta de nuit
II – Nebuta Bayashi
III – Les Haneto
IV – La fin du Nebuta
V – Nebuta no Sato
Impressionnant. Merci aussi pour les explications.
Merci Catherine, j’espère que vous aimerez la suite !
Peut être vue en Occident comme une fête un peu étrange comparée aux clichés habituels sur le Japon
Ce qui me fascine, du moins c’est ce que je perçois de vos commentaires, c’est que les participants (chars et public) ont l’air très au courant de leur passé, même s’il est remis au goût du jour.
Oui, c’est ce que j’ai constaté à de nombreuses reprises; les évènements historiques ont été repris dans de nombreuses pièces de théâtre, le Kabuki en est un exemple, puis au cinéma (l’un des Daimyô d’un Nebuta est le protagoniste du film « Kagemusha » de Kurosawa) et maintenant sous forme de manga bien passionnants !
Les Japonais sont fiers de leur passé, aiment leur pays plus que tout (voir l’élan de solidarité après le tsunami), ne ressentent pas comme nous le besoin de se justifier d’évènements passés, bien que d’éminents historiens essaient de dire le contraire