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La basilique Saint Sernin de Toulouse, sur le modèle originel de Saint Martin de Tours est un admirable exemple des grandes églises de pèlerinage édifiées sur la route de Saint Jacques de Compostelle et qui partagent d’ailleurs en commun des éléments architecturaux caractéristiques comme de vastes déambulatoires pour permettre la circulation des pèlerins venus vénérer les reliques des saints
L’épanouissement de la magnificence romane qui caractérise Saint Sernin suppose des connaissances acquises dans la construction d’édifices précédents moins grandioses mais qui demeurent inconnus, l’une des deux cryptes creusées sous le chœur n’a gardé que des vestiges ténus de l’église primitive
La construction, à la fin de ce XIe siècle si puissamment créateur, s’est faite sur un plan exceptionnellement développé et avec une élévation savante, à un moment où se substituant aux charpentes de bois antérieures, les couvertures en pierre des édifices devenaient la norme
Sur le fond formé par les grandes lignes du transept, le chevet étagé a retrouvé sa couverture de tuiles restituées lors des dernières restaurations des années 1970
Au soleil couchant, les couleurs rosées très douces de la pierre et de la brique savamment alternées donnent de l’édifice un aspect plus touchant qu’impressionnant !
Des fenêtres surmontées d’oculi séparent les absidioles ouvrant sur le déambulatoire, leurs contreforts formés d’un pilier carré sont surmontés d’une colonne puis d’une colonnette, dispositif qui scande les façades sans alourdir l’ensemble
Les fenêtres hautes du chœur ont des voussures moulurées retombant sur les chapiteaux des colonnettes qui les encadrent dans un parti pris d’élégance et de simplicité
Si les contreforts-colonnes subsistent à l’abside, au transept s’élèvent de puissants piliers rectangulaires à ressaut contrastant fortement avec la rondeur des chapelles qu’ils surmontent
A la croisée du transept se dresse le clocher, haute pyramide octogonale de briques dont les cinq étages en retrait l’un sur l’autre sont surmontés d’une flèche
Seuls, les trois premiers étages sont romans, le premier comporte des ouvertures aveugles tandis que les deux autres reprennent les fenêtres groupées deux à deux surmontées d’un archivolte de pierre
Les deux étages supérieurs gothiques de la fin du XIIIe siècle ont leurs baies surmontées d’arcs mitrés
Le clocher de St Sernin, recopié aux Jacobins à la fin du XIIIe siècle servit ensuite de modèle à tous les clochers de briques polygonaux en Languedoc et dans tout le Midi pyrénéen
L’extérieur de Saint Sernin comporte peu de décors sculptés, le passage du temps ayant eu raison de l’iconographie habituellement rencontrée sur les édifices romans
Quelques figures forts restaurées sur la Porte Miégéville donnent un petit aperçu du décor originel
Beaucoup de fantaisie dans les quelques chapiteaux historiés des colonnes supportant le linteau de la porte, bestiaire fantastique rencontré habituellement dans l’art roman et traité avec verve mais non sans vigueur
A Saint Sernin, la longue et haute nef élevée au XIIe siècle, voûtée en berceau est composée de deux étages d’arcades qui la réduisent à une architecture légère d’arches et de piles
Les voûtes des tribunes épaulant assez haut celle du vaisseau principal ne laissent pas de place aux fenêtres, la nef, au travers de ces tribunes des bas-côtés, est inondée par la lumière venant des baies des collatéraux extérieurs
La nef est encadrée de deux collatéraux de hauteur décroissante, mais au contraire de celle-ci voûtée en berceau, les bas-côtés sont voûtés d’arêtes
Leur élévation est identique à celle de la nef, les demi-colonnes engagées dans des piles qui reçoivent les doubleaux de la voûte partent toutes du sol
Les grandes églises de pèlerinage ont privilégié de larges bas-côtés afin de permettre aux foules des fidèles venus vénérer les reliques des saints de circuler plus aisément
Le cheminement entre les piliers du vaisseau central et ceux des collatéraux ménagent, la tête levée, de belles échappées visuelles vers la nef inondée de lumière
Sur le mur extérieur, des chapiteaux ornementés décorent la retombée des voûtes d’arêtes du collatéral
La voûte des dernières travées de la nef a des doubleaux qui finissent sur des colonnes engagées dans des piliers massifs, ces arcs doubles et ces piliers viennent renforcer la structure de l’édifice afin de supporter le poids du clocher
Ces énormes piliers construits tardivement à l’époque gothique pour soutenir la surélévation du clocher ont reçu une décoration polychrome de fausses pierres afin d’en amenuiser l’impact visuel
Au dessus de la croisée du transept, la coupole lanterne, dont les huit nervures se rejoignent en une clé centrale, possède à sa base des fenêtres qui laisse pénétrer la lumière
Les murs du transept fortement saillant doublé d’un déambulatoire à cinq chapelles rayonnantes …
…révèlent des peintures romanes restées cachées sous des badigeons postérieurs et découvertes récemment lors de travaux de restauration
La figure peinte de Saint Augustin reste un vestige des fresques du cloître détruit après la Révolution
Les couleurs minérales dont le très beau bleu du fond, protégées par une vitre, sont encore perceptibles (et difficiles à photographier !)
A l’instar de tout l’édifice, les voûtes présentaient aussi un décor peint aux couleurs franches que notre esthétique contemporaine a un peu de mal à se représenter
Le chœur est aussi entouré d’un déambulatoire où sont regroupés des retables et des grands reliquaires du XVIIe siècle, décors chargés où l’or est utilisé à profusion, Saint Sernin étant toujours un pôle d’attraction pour venir célébrer le culte des saints
Tandis que l’abside est éclairée directement par une lumineuse couronne de fenêtres, la voûte et tous les murs du chœur présentent des peintures narratives à fresques du XVIe siècle, fortement restaurées au XIXe siècle comme dans bon nombres d’édifices religieux
Des grilles en fer forgé clôturent le chœur englobant quelques belles réalisations de la fin du Moyen Age
Le fond antique sous-jacent, relayé par les expériences sculpturales carolingiennes …
…ont influencé le style des anges ou des apôtres taillés dans le marbre
La tradition présente ces œuvres comme venant de la main d’un hypothétique Gilabertus Gilduinus, sculpteur actif au XIIe siècle
Six statues d’apôtres en bois polychrome au réalisme pittoresque ont récemment quitté la crypte pour se tenir dans le déambulatoire du chœur…
…figures minces et allongés légèrement déhanchées aux traits fortement marqués, œuvres attribuées à un grand atelier de sculpture languedocien de l’époque gothique
Le grand baldaquin au-dessus de l’autel illumine le chœur de ses volutes baroques et de tous ses ors accompagnant l’ascension irrésistible de Saturnin vers l’apothéose
Je prête toujours une grande attention aux pavements des église…
… sujets trop prosaïques qui ne retiennent généralement pas l’attention des amateurs d’histoire de l’art !
Ces pavements me ravissent tant par leur variété que pour leur source d’inspiration !
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Le musée des Augustins – IV
Par les rues et les places
Ces mosaïques sont pourtant magnifiques (quels beaux quilts on pourrait en faire) Notre époque n’aime pas la géométrie régulière sauf si elle est « magnifiée » par la peinture…Il vaut mieux se recommander de l’op art, que de la mosaïque …surtout si elle est faite pour qu’on marche dessus. même si la dernière est l’art premier sans lequel le mouvement sus-cité n’existerait peut-être pas. Il est important de faire croire qu’on innove et qu’on vient tout d’inventer…
Au delà, merci pour ces splendeurs détaillées et expliquées avec clarté, c’est toujours un plaisir de suivre le guide!!
Le guide n’en a pas encore fini avec Toulouse ! Encore des églises, des musées, si tu n’es pas lassée, Jacqueline, c’est à suivre…
Merci pour ce formidable cours sur l’architecture religieuse du sud-ouest.
Pas de vitraux ? Je suis à Strasbourg, et imaginerait-on « notre » cathédrale sans eux …
La structure des édifices romans aux petites fenêtres étroites ne permettait guère les vitraux, bien que les premiers aient été posés très tôt dans les ré-constructions du XIIe siècle comme à Chartres, hélas les vicissitudes des temps n’en ont guère laissé de traces
Les vitraux accompagnent les grandes cathédrales gothiques où la science et les techniques des bâtisseurs permettaient une élévation des voûtes jamais vue auparavant, les arcs-boutants extérieurs contrebalançant la poussée des voûtes ont permis de supprimer les épais murs de pierre remplacés par de hautes fenêtres garnies de grandes verrières, comme à Strasbourg par exemple !
Quelles belles photographies, étayées par des explications précises, techniques mais accessibles.C’est vrai, on a vraiment l’impression de vous avoir accompagnée dans cette visite.Et on attend la suite !
Pour ce qui est des sols de ces monuments anciens, je fais partie des amateurs et je les photographie quand je peux.Je donne les photos à une amie patcheuse de Saint -Jorioz,qui les interprète avec brio.
Comme je n’ai pas envie d’assommer mes lecteurs avec une encyclopédie d’architecture, je fais avec ce que je connais !
Merci Françoise, de me confirmer que mes explications sont accessibles et que ce que j’essaie de transmettre n’est pas si rébarbatif !
L’inspiration est partout… sous nos pieds…Même si en l’occurrence, ces antiques carrelages ne sont foulés que par des pieds privilégiés !
Merci Marie Claude pour cette merveilleuse visite de St-Sernin ! Je l’avais visitée il y a une vingtaine d’années avec une bonne guide, puis m’y suis promenée maintes fois… mais éclairée par ton reportage je vais y retourner ces prochains jours et l’apprécier d’autant plus !
Merci Katell, Saint Sernin est un lieu où souffle l’esprit…Des œuvres sous-tendues par une foi, certes, mais à laquelle je ne suis pas sensible, ce sont plutôt les créations de l’esprit humain qui forcent mon admiration