Musée historique de la préfecture d’Aomori
Musée historique de la préfecture d’Aomori
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Nous sommes à Aomori, donc un musée des traditions populaire ne pouvait faire l’impasse sur les incontournables Nebuta !
Le musée s’attache à présenter le mode de vie dans l’extrême nord du Tôhoku, une région froide et si soumise aux neiges abondantes de l’hiver que l’absence de communications l’ont tenu éloignée, pendant toute son histoire, du reste du pays
Les objets du quotidien expliquent l’existence souvent difficile d’un monde rural où la vie quotidienne n’était acceptable qu’aux prix de courageux efforts, mais où l’attente des fêtes populaires, pendant l’été, venaient apporter aux paysans de joyeuses compensations !
Les collections du département des traditions populaires sont disposées autour d’un intérieur de maison paysanne telle qu’on pouvait le voir au mi-temps du XXe siècle avec ses petits meubles bas disposés le long des murs et l’âtre au milieu de la pièce principale comme point focal de la maison
Si une partie de la maison, considérée comme un salon étaient réservée à l’accueil des visiteurs, la grande pièce à vivre était le lieu de préparation des repas qui se prenaient, pour les membres de toute la famille, assis autour du foyer
Les fermes paysannes, en général de grande superficie, abritaient des familles élargies, la taille des maisons permettaient notamment les réunions lors des mariages et des funérailles
Lors des fêtes, la nourriture était préparée en abondance et aux invités qui n’avaient pas pu se déplacer, on apportait, dans des boîtes en bois, les plats qui leur avaient été destinés
J’ai vu à Aomori, de nos jours ce genre de boîte, à peine modifiée, servir à transporter de la cuisine prête à être livrée !
Parmi les rares meubles des maisons japonaises, les berceaux pour les nourrissons et les petits enfants étaient toujours présents, ressemblant à des couffins mais ronds et tressés en paille de riz
Ce genre de corbeille a servi de berceau à mon époux dans les années 1950 !
Les maisons gardaient une place privilégiée pour les autels dédiés aux ancêtres, si le Butsudan l’autel bouddhique est disposé au sol, le Kamidana l’autel pour les Kami du shinto est toujours placé en hauteur, presque sous le plafond
Les maisons paysannes bâties selon un plan quadrillé, gardaient des espaces intérieurs au sol en terre battue, c’est là que l’on mettait à l’abri pendant les périodes hivernales, son cheval, précieux allié pour les paysans dans tous les travaux des champs
Si les fermes dans les plaines gardaient un toit recouvert de chaume remplacé régulièrement grâce à l’entraide paysanne, par contre en bord de mer où soufflent les vents violents, les maisons des pêcheurs avaient un toit fait de planches assujetties sur le dessus par de grosses pierres
Jusqu’à l’introduction massive des objets manufacturés en série, après la seconde guerre, les sociétés paysanne fabriquaient tout ce dont elles avaient besoin dans la vie quotidienne, avec des matériaux pris dans leur environnement, céramiques, bois, bambous, paille…
…en réussissant à joindre à l’utile et au pratique, l’harmonie et l’esthétique naturelle que chaque artisan japonais donne à ses infimes créations
Les objets de protection lors des travaux agricoles, fabriqués en paille, matière abondante disponible après les récoltes, sont étourdissants de virtuosité par les techniques employées…
…les brins de paille et les fibres rugueuses du chanvre et des autres plantes libériennes étaient tissées, tressées ou même tricotées de différentes manières avec beaucoup d’ingéniosité
Les capes confectionnées en paille que revêtaient les paysans pour se protéger des intempéries et tombées en désuétude, étaient pourtant bien plus efficaces dans un climat chaud et chargé d’humidité que les modernes imperméables en plastique !
Ces capes servaient aussi de protection efficace sur le corps pendant les transports de lourdes charges
Le Tsugaru est une région de forêts, aussi une grande partie de la population vivait de l’exploitation des résineux abondants sur les pentes des massifs montagneux
Le bois de chauffe, le charbon de bois et les bois de construction occupaient pendant tout l’été les Yamago les bûcherons en forêt, puis ceux-ci redescendaient au début de l’hiver en profitant des premières neiges pour transporter les bois sur de grandes luges, le dégel au printemps permettait enfin d’acheminer les bois flottés dans les plaines
Le musée possède une collection impressionnante de moules à gâteaux sculptés dans du bois de cerisier sauvage, motifs utilisés pour les gâteaux de fête avec la daurade comme symbole de bon augure car son nom « Tai » forme un jeu de mot avec « Medatai » joyeux !
Si le lotus sert de symbole aux gâteaux offerts au moment des funérailles, les motifs patriotiques, drapeaux et chrysanthème impérial ont eu beaucoup de succès pendant les années de la seconde guerre mondiale
Mais le travail dans les profondes forêts doit obligatoirement ménager la susceptibilité des Kami, les dieux veillant sur leur territoire, les bûcherons, les charbonniers et surtout les chasseurs d’animaux sauvages, étaient astreints, à cause d’une antique légende dont l’origine est à jamais perdue, de toujours éviter d’être au nombre de douze dans leur rang
Quant une douzaine de gaillards partaient en forêt, ils confectionnaient alors des figurines de paille ou de bois, chargées de compléter la troupe et ces effigies mangeaient, dormaient et travaillaient symboliquement à côté de leurs compagnons humains
Le chiffre 12 était un nombre sacré dans les massifs forestiers, jour dédié aux Kami et chaque Yamago s’abstenait de travailler le douzième jour de chaque mois
Ces sociétés paysannes vivant dans des conditions extrêmes rendaient un culte fervent aux forces de la nature personnifiées par des représentations imagées des Kami tout puissants dont on espérait surtout la bienveillance dans tous les actes de la vie
Considérés comme les gardiens du foyer, les Ochira sama étaient représentés en couple masculin-féminin, des femmes chamanes sensées être en communication avec le monde de l’au-delà les animaient et leur insufflaient l’esprit des Kami
Devant l’impossibilité de contempler leur ineffable visage, un voile recouvrait entièrement leur tête, serrée par un collier de grelots, dont les tintements étaient entendus comme la manifestation de la volonté divine
Les figures d’environ 30 cm constituées d’une planche de bois ou d’un bambou sont revêtus de somptueux atours, tissus de soie et de brocard venant de kimono anciens, chaque année nécessitait une parure nouvelle et certains Ochira sama sont bien étoffés !
Cette vie paysanne si rude était animée par d’innombrables fêtes tout au long de l’année, cérémonies de reconnaissance envers les Kami protecteurs mais les réjouissances après le repiquage du riz étaient les plus attendues
Pour obtenir une bonne récolte on devait se concilier tous les dieux susceptibles d’avoir un pouvoir sur le temps, sur les armées d’insectes parasites dévastateurs et sur les épidémies envoyées par les forces maléfiques aux ordres de puissants génies
Le Takarabune, le bateau sur lequel prennent place les sept dieux du bonheur du panthéon chinois, adopté par le Japon comme figures du Shinto, faisaient des émules encore au milieu des années 1980 !
Sept hommes de paille à la tête de bois sont donc disposés sur un bateau avec des offrandes de nourriture et de saké et accompagnés par la musique joyeuse des tambours et des flûtes, sont poussés à la mer en espérant que ces boucs-émissaires chargés d’esprits malfaisants les emmèneront loin des terres habitées
L’équipage faisant office aussi de prévision ! le cours que prendra le bateau sur la mer renseignera en plus sur le bon déroulement espéré des moissons à venir
Cette plongée dans la société du Japon rural dans un espace de temps pas si éloigné de nous, rencontre bien des points de similitude avec notre paysannerie occidentale
Les textiles en usage dans cette société campagnarde seront l’objet du prochain article
N B : J’ai reçu de la direction du « Musée historique de la préfecture d’Aomori » toutes les autorisations de photographier et de publier les collections de ce musée pour mon blog
Ces autorisations n’incluent pas les copies qui pourraient en être faites sur d’autres sites ou blog
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Musée historique de la préfecture d’Aomori :
La civilisation Jômon
Arts et traditions populaires
Les textiles du monde rural
Quelques bribes de l’histoire régionale
J’ai ADORE ce témoignage d’une vie passée avec tous ses rites et toutes ses coutumes. C’est vrai que chaque région de chaque pays vivait avec des ustensiles et des croyances similaires ou « cousines ». Merci beaucoup,grâce à vous j’ai voyagé sur un autre continent et dans le temps! A bientôt. Sylvie63.
Merci Sylvie, j’espère que vous m’accompagnerez pour la suite du voyage qui devrait vous plaire puisque ce sera sur les textiles
C’est vrai, ce que vous montrez n’est pas sans rappeler ce que l’on peut voir dans nos musées des Arts et Traditions populaires.Je note en particulier les moules à gâteaux de bois sculpté qui font écho aux « tapes » qui servaient à mouler les plaques de beurre dans notre Savoie.Et ce délicieux berceau tressé me rappelle les corbeilles à faire lever le pain utilisées par mon oncle dans les années 50.Ce rapprochement me réjouit: l’enfant n’est il pas mis à « lever » lui aussi, comme une miche de bon pain?
Des ressemblances, mais les Japonais me semblent avoir été un cran au dessus pour le raffinement des objets artisanaux.Les fermes aussi, bien que proches dans leur organisation, paraissent plus belles que nos rustiques chalets .Mais bien sûr, je ne vois ici que d’impeccables maquettes.
Tout cela est bien intéressant.Merci, Marie Claude.
Oui Françoise, je n’ai guère été dépaysée dans ce musée car les modes de vie des populations vivant dans une certaine pénurie se ressemblent partout sur la planète
Les fermes bien restaurées servent aujourd’hui de « Guest House » dans un confort à la japonaise c’est-à-dire assez spartiate ! Mais l’architecture en est restée époustouflante de beauté
J’ai beaucoup aimé, chère Françoise, votre métaphore de l’enfant et du pain !
merci merci Marie-Claude
@ suivre
Ella, je vous emmènerai donc deux fois encore du côté d’Aomori !
Quel superbe voyage dans l’espace et le temps !
Comme Françoise, tout au long de la lecture j’ai été amusée de voir que l’ingéniosité des hommes vivant proches de la Nature ont inventé de nombreux objets plus ou moins similaires à des milliers de kilomètres : aux mêmes problèmes, les mêmes solutions ! Et les besoins de merveilleux, de religion, de superstition et de fêtes sont universels également.
L’architecture est magnifique avec tous ces matériaux naturels et ces belles proportions.
A bientôt pour d’autres découvertes !
Certes, Katell, beaucoup de points communs nous rapprochent de cette culture souvent désignée comme étrange voire incompréhensible… je vais donc continuer à essayer de pourfendre d’autres idées reçues !
Encore une fois merci infiniment Marie Claude , c’est passionnant ! Et pour toutes vos explications idoines… un régal… Tania
Merci Tania, je suis heureuse que mon dessein de faire découvrir un tout petit pan de la civilisation japonaise vous plaise autant !