Voyage d’automne à Aomori
Aomori, capitale de l’ancienne province de Tsugaru, où la broderie Kogin (ici) s’est développée, manque pourtant cruellement d’un musée digne de cet art fascinant
Aussi, est-ce dans l’ASPAM l’office de tourisme, que quelques personnes exposent des réinterprétations de pièces anciennes dignes de collections
Une talentueuse brodeuse a accepté d’exécuter une démonstration de la technique du Kogin en constatant mon intérêt véritable pour cet art singulier
Elle a aussi accepté, exceptionnellement, que je prenne quelques photos des articles en vente car les artistes essaient de protéger dessins et modèles originaux d’un piratage dénué de scrupules
Le tissu de chanvre est le support des travaux de Kogin, les brodeuses d’Aomori l’utilisent toujours car sa trame tissée assez lâche permet le passage aisé des gros fils de coton
Afin de respecter la tradition ancestrale de la région, elles n’utilisent pas de support en coton
Les broderies anciennes en Kogin servaient à renforcer et à embellir les kimonos de travail puis, en raison de la complexité croissante de la broderie, seulement les kimonos de fête
Savoir broder en Kogin était inclus dans l’apprentissage des jeunes filles qui, au moment de leur mariage, apportaient dans la maison de leur mari 4 à 6 pièces de Kogin comme richesses domestiques
Le Kogin était généralement brodé sur un support et en raison de sa raideur, appliqué seulement sur le haut des devant et dos des vêtements, le reste de l’étoffe unie recevant un bain d’indigo
Si les Kogin brodés à la maison anciennement ne faisaient pas l’objet d’un commerce, de nos jours ces broderies ornent toutes sortes d’objets dans une veine artisanale
Les coûts des beaux articles en Kogin varient selon la complexité des dessins et leur originalité, les grands sacs atteignent des sommes qui rivalisent avec les accessoires griffés mais fabriqués en série, de marque prestigieuse !
Nombre de petits objets à des prix beaucoup plus accessibles se trouvent aisément dans toutes les boutiques destinées aux touristes partout dans la ville d’Aomori
Comme pour tous travaux de broderie, les accessoires qui les reçoivent, s’ils ne sont pas utiles comme le proclament les désabusés, servent avec raffinement à agrémenter les gestes de la vie quotidienne, et comme le répètent à l’envie les artisans du Japon, s’entourer de beauté élève l’esprit !
Les Noren, rideaux de porte des restaurants et des boutiques sont aussi largement utilisés dans les habitations du Japon contemporain, les brodeuses trouvent là de magnifiques surfaces pour y déployer leur talent !
Le sac, acheté à Aomori, est un sampler de dessins traditionnels mais la disposition asymétrique en est originale, suivant en cela le désir des brodeuses d’actualiser quelque peu le style traditionnel
Le corps du sac recycle une pièce de coton ancienne utilisée dans les distilleries et qui servait à contenir et à filtrer le moût du saké, la toile y a gagné sa couleur jaune caractéristique et son odeur légèrement sucrée !
La réutilisation des textiles et des papiers anciens, des bois et des bambous de récupération par de jeunes artisans partout au Japon est une démarche volontaire comme une opposition symbolique aux objets dépourvus d’âme et fabriqués en série dont regorge la société de consommation
Que les broderies blanches sont belles sur ce chanvre rustique teint à l’indigo ! C’est un style spectaculaire que le Kogin, mais paradoxalement il me semble plus proche que le sashiko car ce sont des broderies plus universelles, ne trouves-tu pas ? Dans divers lieux et à diverses époques dans le monde les femmes ont eu sans doute envie, comme tu l’écris si bien, de s’entourer de beauté pour élever l’esprit… La densité des broderies Kogin m’apparaît néanmoins exceptionnelle. Cela fait plaisir et rassure de voir que cet art perdure.
Ah la teinture au saké, qui l’eût cru ? Elle semble être grand teint !!
Chère Katell, je sais que tu apprécies comme moi toutes formes d’art d’origine populaire qui nous enchantent…
Le sashiko était répandu dans toutes les régions du Japon qui avaient la possibilité de se procurer du coton, rare et cher néanmoins jusqu’au XIXe siècle, leurs motifs sont empruntés aux différents styles décoratifs en vigueur depuis des lustres
Mais le Kogin est resté dans le Tsugaru sa région d’origine au nord du Japon, isolée du reste du pays pendant très longtemps, ce qui a permis la floraison de dessins tellement maîtrisés et uniques…qui pourtant rejoignent des formes universelles !
C’est ce que nous aimons toutes les deux tellement, la concordance des idées, des créations et des savoir-faire, ces belles rencontres au-delà des barrières géographiques
Votre article et votre choix final illustre,oui, cet abolition des frontières :
Artistes#Artisans, c’est dépassé.
Merci de prendre la peine de partager
Bon Jour
Merci Ella, moi c’est surtout la pléthore des stylistes en tout genre qui suivent une certaine mode qui m’horripilent ! Un peu de fantaisie « poudre au yeux » saupoudrée sur des idées éculées en espérant drainer l’engouement du public…
Les artisans, leur savoir-faire et surtout la modestie de leur comportement sont-ils vraiment tendance ?
Merci de partager encore une fois vos découvertes et connaissances textiles.
Bonne journée
Merci Martine, si les voyages forment la jeunesse, dit-on, ils peuvent aussi combler l’âge mûr ! De nouvelles connaissances s’engrangent…Après décantation, je restitue !!!
Marie-Claude bonjour, moi qui aime les broderies, je suis comblée à la lecture de votre article, je ne connaissais pas ce type de broderie. C’est magnifique ! Savez-vous si on utilise le même fil que pour le sashiko ? ou un simple fil de coton fait l’affaire ? Merci
Je suis contente, Christine, de faire découvrir ces broderies Kogin que j’apprécie infiniment
Le fil pour le Kogin est différent de celui utilisé pour le sashiko, c’est un gros fil torsadé propre à couvrir la toile de chanvre tissée assez lâche, mais je pense qu’on peut le remplacer par du Retors DMC
Sinon, si vous employez une toile de coton comme support, n’importe quel fil peut faire l’affaire
Le Kogin possède un beau relief, cela participe à sa beauté
Merci Marie-Claude pour ce renseignement, par expérience, je trouve que le Retors DMC « s’use » quand on le travaille à force de passage dans la toile, il s’effiloche, peut-être qu’un coton perlé (le plus gros) pourrait faire l’affaire ? Expérience à tenter ! Belle journée.
Le Retors DMC a été conçu pour la tapisserie et donc logiquement, il ne devrait pas s’user en passant sur la toile à canevas aussi raide que la toile de chanvre, mais voilà la qualité a peut-être baissé…Ce qui ne m’étonnerait pas plus que cela !
Le perlé brillant, oui c’est une idée, ce qui donnera une jolie broderie, différente du Kogin dont le rendu est mat, mais je vous encourage, Christine, à vous lancer
Bonjour,
Comme le dit Christine, vous nous comblez par cet article encore une fois si détaillé, il faudrait écrire un livre avec vos vécus incomparables…!!
Bonne journée et encore merci
Merci Arlette, Je suis ravie de partager mes quelques petites connaissances surtout quand je peux les illustrer !
Je prends bien des notes pour un livre éventuel mais cela reste toutefois à l’état de projet lointain…
Votre blog est un ravissement
Merci pour ce partage
Merci Andrée, de me donner vos impressions si courtoisement
Encore un article qui donne envie ! je pense que je vais essayer ce genre de broderie, tant vos photos sont inspirantes.J’ai déjà brodé un sac et un coussin en sashiko sur une toile indigo.Là ce sera différent, plus long, sans doute.Je vais tenter une pochette, pour commencer.Pour le fil, vos échanges avec Christine vont m’être utiles .Je me régale à l’avance.
Amitiés de Françoise
PS: le livre, ce serait une bonne idée !
Je suis ravie, Françoise, que mon article suscite des envies de broderie … Mais je réclame une photo en son temps de l’objet brodé !
Quant au livre…je pense que mes idées sortent trop des sentiers battus pour intéresser quelque éditeur de « loisirs créatifs » bien conventionnels, en général, ce genre d’édition ne prend pas de risque avec les trublions !
Merci Marie-Claude, je ne vais pas être originale, j’ai les mêmes mots que les admiratrices ci-dessus et dans vos autres articles. bien sur, un livre est maintenant la suite logique de votre démarche. les éditions Quiltmania me semblent les plus appropriées, et j’ai entendu que c’était très agréable de travailler avec elles. alors si votre livre parait, ce sera avec plaisir que je le dégusterai. une question, y a t’il un moindre rapport avec nos points de tapisserie? merci beaucoup, et mes encouragements pour la rédaction 🙂 catherine
Je suis ravie, Catherine, que vous appréciiez mes petits articles !
Quant à un livre éventuel, les éditions Quiltmania, que je connais pour leur avoir fourni des traductions de livres japonais, je ne pense pas que cette hypothèse les intéresse…car depuis le temps que l’on se connaît …