Paris – Salon l’Aiguille en fête 2014
Paris – Salon l’Aiguille en fête 2014 : I | II | III | IV
L’exposition intitulée « Kimonos au temps de la modernisation du Japon » de la collection de Mme Watanabe Haruko était représentative des kimonos Meisen, fabriqués entre les années 1920 à 1950 au moment où le Japon s’ouvrit largement aux influences artistiques venues de l’étranger
Ces kimonos aux dessins très graphiques surprennent au premier abord par un style très éloigné de ce qu’on apprécie généralement en Occident !
Ces kimonos tissés en fils de soie de qualité inférieure et produits à grande échelle dans ce début du XXe siècle, accompagnèrent l’augmentation du niveau de vie des classes populaires et permirent à beaucoup de femmes le port inespéré de vêtements en soie
Les Chichibu Meisen, kimonos de la région de Chichibu dans le Kantô (région de l’Est du Japon) connue pour sa sériciculture depuis des siècles, étaient par tradition des vêtements résistants, au tissage de simples motifs d’empennes de plumes et de croix en ikat mais surtout tissés en rayures avec des fils de soie de qualité inférieure mais très épais
Ces Shima Meisen, kimonos Meisen à rayures, devinrent très à la mode à l’époque Meiji au tout début du XXe siècle, et connurent un grand succès auprès des femmes vivant à Tôkyô et dans la région proche de la capitale
Ces kimonos bon marché, très populaires dans les années 1920-1930, pendant les époques Taishô et début Shôwa, fabriqués industriellement, furent finalement commercialisés dans toutes les régions de l’Est du Japon
Les dessins et les techniques se développèrent ainsi rapidement provoquant l’émulation entre les tisserands, les simples motifs du début firent place bientôt à des compositions extravagantes, les « Kasuri Meisen » réalisées en simple ou double ikat
La spécificité des kimonos Meisen venait de leurs fils de soie teints avant le tissage et de leurs fils de trame tissés assez lâches car montés de façon provisoire
Les fils de chaîne recevaient les motifs, souvent au pochoir, puis les fils de trame provisoires étaient retirés et avec les fils définitifs préalablement teints, on retissait en décalé par rapport à la chaîne pour obtenir sur la trame un nouveau dessin ikat, ces kimonos Meisen étaient donc tissés en double ikat
Cette innovation technique sophistiquée a permis une production constituée de dessins complexes et variés aux couleurs éclatantes obtenues par l’utilisation des teintures chimiques nouvellement importées d’Allemagne
Les dessins des kimonos Meisen furent très influencés par l’art occidental introduit au Japon en ce début du XXe siècle
Nombre de décors étaient créés par les étudiants de l’école des Beaux-Arts de Tokyo, qui profitaient ainsi des échanges artistiques qu’ils avaient eu avec des dessinateurs français à la même époque
Le kimono est un vêtement dont la coupe simple reste inchangée depuis des siècles, ce sont donc les décors suivant les modes et les techniques qui lui donnent toute sa valeur artistique
Les kimonos Meisen étaient attirants par leurs dessins modernes qui pourraient être contemporains, dont l’inspiration devait beaucoup à l’Art Nouveau pour les lignes courbes et sinueuses, à l’art Déco pour les motifs géométriques
On n’ignorait rien des recherches du Bauhaus ni des textiles dessinés par Sonia Delaunay et le Cubisme fut très tôt adopté par les artistes japonais
Ces kimonos aux couleurs vives et quelque peu tapageuses séduisirent beaucoup les jeunes femmes qui les choisirent comme vêtements de tous les jours
Ces kimonos aux dessins nouveaux, très modernistes, d’inspiration occidentale gagnèrent la faveur également des étudiantes de Tôkyô qui voulaient être à la page !
Mais les années d’après-guerre virent le déclin rapide des kimonos Meisen en raison du travail des femmes en dehors de la maison, car celles-ci adoptèrent, par commodité, les vêtements de mode occidentale
Mme Watanabe Haruko, avec qui nous avons beaucoup échangé, au moment de notre visite au Salon, possède une collection impressionnante de textiles anciens, habitant Tôkyô, elle nous a invités à venir admirer sa collection en avril prochain !
Ce qui ménagera, je pense, un articles sur ces textiles, dans les mois à venir…
NB : Maintenant, cet article est disponible !
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Paris – Salon l’Aiguille en fête 2014 :
* Porte de Versailles – 1ère partie
* Exposition « l’Art textile en liberté
* Exposition de la guilde des brodeuses anglaises
* Exposition de kimonos Meisen
Merci beaucoup pour toutes ces explications qui me ravissent. J’apprécie tous les articles que vous nous faîtes partager. Vivement le prochain et bravo pour toutes vos réalisations: quel beau travail! A bientôt.
Sylvie.
Merci Sylvie, je suis fort contente que mes articles vous intéressent, je les rédige avec plaisir en essayant de communiquer surtout mes passions… et quelquefois mes incompréhensions !
En écrivant le prochain, à n’en pas douter, je penserais à vous ma fidèle lectrice !
Ah, comment aurait-on pu deviner une rétrospective des mouvements artistiques occidentaux du XXe siècle au travers d’une expo de kimonos ? Les subtiles qualités d’impression ou de tissages, même pour des kimonos en soie démocratisés, restent souvent impressionnantes. Je suis toujours impressionnée par les ikats !
Ouf ! L’Aiguille en Fête méritait tout de même son nom quelque part…
Les artistes au Japon ont toujours utilisé les kimonos comme des surfaces pour s’exprimer et le XXIe siècle ne fait pas exception
Je tenais à terminer cette série d’articles sur l’Aiguille en fête par cette exposition de kimonos, chère Katell, tu as bien compris pourquoi !
Ah Marie-Claude : en vous lisant je me demandais ce que pouvait être le double ikat et bien sûr vous ne laissez pas en plan vos lectrices curieuses merci, merci
Nous vous suivrons au bout du monde…je veux dire à Tokyo
bien à vous
Ah ! Chère Ella, j’ai eu quelque mal à comprendre la technique du double ikat pour ces kimonos Meisen modernes car dans les tissus anciens, les fils de trame et de chaîne teints avant le tissage en se croisant donnaient un double ikat mais toujours avec des petits motifs, pour obtenir ces grands dessins il fallait chercher ! Quelle innovation stupéfiante !
Je regrette très souvent les explications « techniques » dans ce genre d’expositions, heureusement que j’ai le virus de la recherche !
Quels merveilleux motifs ! Ce sera une joie de lire vos articles prochains sur cette collection particulière. Bonne journée.
Merci Catherine, ces kimonos Meisen si extraordinaires par leurs motifs et leurs couleurs sont vraiment à connaître
Madame ,je découvre aujourd’hui votre site et malgré la dépression qui me harcèle ,je ressens beaucoup de plaisir à le lire ,j’aime tout .merci et bravo
marie Dominique maque
Merci, Marie Dominique, de lire mes articles avec autant d’attention…et s’ils peuvent être un dérivatif, momentané, à vos angoisses, j’en suis touchée