Un périple bleu – Bibliothèque Forney – VI – 2015
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En Europe, la teinture bleue du pastel connut une popularité sans faille pendant des siècles, établissant la fortune des marchands du « bleu azur » de Picardie avant de faire celle du « Pays de Cocagne » du Sud Ouest de la France
Le florissant commerce d’exportation par la France du pastel, produit de la culture de la guède, vers tous les pays d’Europe s’effondra pourtant au milieu du XVIIIe siècle au moment où l’importation massive d’indigo des colonies américaines puis des Indes remplaça le pigment indigène pour devenir le bleu commun des teinturiers
La concentration du pigment d’indigo bien supérieur à celui du pastel et d’un coût moindre, associé à la diffusion nouvelle du coton, permit de teindre la garde-robe de toutes les couches de la société, des nobles aux bourgeois et des soldats aux paysans ainsi que les tissus pour l’ameublement et la décoration
Mais l’indigo de synthèse mis au point par l’industrie chimique à la fin du XIXe siècle remplaça très rapidement, comme dans bien d’autres contrées, le pigment végétal naturel d’importation
L’indigo de synthèse permettant d’obtenir rapidement et de façon économique les couleurs recherchées de bleu foncé « grand teint » résistantes au lavage, c’est ce colorant qui sera dorénavant employé massivement dans l’industrie textile dès les dernières décennies du XIXe siècle
L’exposition accentue quelque peu la confusion dans les connaissances des visiteurs sur le terme « indigo », car nombre de vêtements sont manifestement bien teints en indigo…mais de synthèse !
Pratique d’ailleurs revendiquée par les quelques teinturiers d’indigo contemporains en Europe qui montent ainsi plus facilement leur cuve de bleu
L’Europe de l’Est aussi se convertit à la pratique de l’indigo de synthèse car les communautés paysannes gardèrent leurs costumes traditionnels jusqu’aux années 1950
De nos jours, les costumes ne sont plus que folkloriques, mais quelques accessoires teints en indigo demeurent encore commercialisés comme les mouchoirs, les foulards et les tissus d’ameublement pour nappes, rideaux et autres accessoires de décoration
Quelques indigoteries artisanales prolongent encore la tradition en Allemagne, Autriche et dans les pays de l’Est et continuent à teindre avec de l’indigo de synthèse des toiles de lin principalement, un lin importé de France car plus aucune culture de cette plante ne subsiste dans ces pays
Les jeans, dans cette exposition, ne pouvaient échapper au bleu indigo !
Le denim, la toile venue de Nîmes (l’origine restant controversée !) en coton très solide et encore teinte en indigo végétal remplaça très vite la toile de bâche primitive à l’origine des jeans, mais le succès aidant, des toiles de coton denim beaucoup plus souples ne connurent plus que l’indigo de synthèse
La série d’articles se conclut naturellement sur un quilt bleu et blanc !
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Exposition Indigo – Un périple bleu – Bibliothèque Forney :
I – Le Japon
II – Les minorités chinoises
III – L’inde et le sud-Est asiatique
IV – L’Afrique et le Moyen Orient
V – L’Amérique centrale
VI – L’Europe
Exposition de toute beauté à ne pas manquer si vous êtes à Paris. Merci pour toutes ces belles photos et ces explications.
Belle expo en effet
Merci, Miss, d’être sensible à mes articles qui tentent de restituer quelque peu l’atmosphère …bleue !
Un grand merci ,Marie-Claude, pour ce reportage tellement précis et exhaustif.
J’ai visité cette superbe exposition mais votre oeil de lynx me permet de voir les détails…
Je mesure aussi tout le travail que représente ce compte-rendu!
Très bonne journée!
Merci Elizabeth, la rédaction des articles a été un dérivatif bienvenu aux longues séances actuelles de quilting !
Quand je visite une exposition, je pense toujours à mes amies lointaines qui ne peuvent venir à Paris, aussi je m’attarde sur des détails que je trouve significatifs
C’est toujours un bonheur de lire vos articles, on apprend à chaque fois et cela ravive les souvenirs ! merci Marie-Claude.
Merci beaucoup Kristine, je suis sensible à l’intérêt que vous prenez à lire mes articles
Bonjour Marie-Claude,
Quel beau compte-rendu ! De retour à Paris pour un WE fin mai, je me disais qu’avec un peu de chance, je pourrais aller la voir… Mais non, elle se termine le 2 mai… Je vous remercie en tout cas pour ce beau tour du monde en bleu.
Je me demandais aussi si la couleur bleue dans ce cas de figure universel et populaire avait une signification pratique, symbolique ou autre.
Amitiés.
Chère Catherine, quelquefois, les expos ayant rencontré du succès obtiennent un prolongement…Il faut espérer !
La couleur bleue, comme toutes les couleurs, véhicule nombre de significations, différentes d’un pays à l’autre évidemment, mais les plantes donnant de l’indigotine, le pigment bleu, sont nombreuses dans le monde et la teinture qui n’a pas besoin de mordançage pour colorer les textiles pouvait plus empiriquement être employé par les artisans, ce qui explique son universalité
Catherine, je vous conseille le livre de Michel Pastoureau « Bleu » aux éditions du Seuil, essai sur la couleur bleue mais uniquement dans les sociétés européennes, c’est une mine d’informations pour qui aime ce sujet et en plus l’auteur, bien qu’universitaire écrit plaisamment ! et pourfend à l’occasion bien des idées reçues !
Encore un reportage qui ne donne pas le blues, bien au contraire, tant il est précis et bien illustré. Du coup j’ai ressorti du placard un petit métrage de toile de coton acheté au début des années 70 par l’intermédiaire de la revue Cent Idées, dont j’étais fan.Cette étoffe était teinte de véritable indigo, d’après le journal.Vu qu’elle laissait des traces sur les doigts, c’était peut être vrai…J’aurais besoin de votre oeil d’experte pour savoir la vérité!
Très bonne journée, avec le soleil, je l’espère.
Françoise
Ah ! Chère Françoise, c’est que je ne suis pas spécialiste ! J’ai appris que la décoloration sur les doigts n’est pas forcément signe d’un indigo entièrement naturel !
Car depuis près de 150 ans l’indigo naturel (donc qui déteint) est souvent associé à la poudre bleue de synthèse qui permet de donner des bleus profonds plus rapidement
Le problème c’est ce que recouvre les mots comme dans l’exposition, et l’indigo chimique qui sert aussi à « monter » une cuve, est appelé indigo par rapport aux teintures bleues industrielles actuelles
De nos jours le terme indigo recouvre une couleur foncée, et en général « grand teint » bien définie, alors que la palette des bleus teints en indigo est infinie
Je ne pourrais rien dire de votre tissu gardé soigneusement, et si ce n’est pas trop sacrilège, utilisez le pour un projet qui vous tient à cœur !