Quilt indigo en tissus anciens japonais
Le titre de mon quilt pourrait être aussi Aka to Ao, rouge et bleu, mais la formule Shu to Ai, rouge (rouge de la laque au Japon) et indigo, se révèle beaucoup plus traditionnel… et poétique !
L’idée de cet ouvrage vient de la combinaison de ces deux couleurs Shu to Ai que revêtent nombre d’objets de la vie quotidienne au Japon…
…papiers, vaisselles, tissus, kimonos, jusqu’aux Hanten, vestes teintes en indigo revêtues au moment des fêtes par les artisans et les commerçants où les noms des firmes s’affichent en rouge vif au dos des vêtements
Les tissus composant ce quilt viennent de plusieurs sources différentes
Lors de notre dernier séjour à Tôkyô nous visitâmes une brocante où se négociaient beaucoup d’objets disparates à des prix conséquents …
…mais je n’y vis que peu de textiles, sinon un stand proposant des kimonos anciens mais dont le coût ne satisfaisait pas ma bourse !
Sur ce stand, en attendant d’éventuels acheteurs, une personne décousait des kimonos usagés teints en indigo pour proposer à la vente des coupons plus facilement négociables, les parties très usées des étoffes tombaient dans un carton à ses pieds…Je pensais alors que je me contenterai volontiers de ces petits bouts mis au rebut !
A la fin du marché, au moment du remballage, je passai de nouveau devant le stand et y achetai quand même quelques coupons de cotons indigo puis j’osai mettre les mains dans le fameux carton, objet de mes convoitises, quand les vendeurs pressés de ranger, me demandèrent si je voulais ces chutes ! et en souriant ils ajoutèrent gracieusement ces bribes de tissus à mes achats !
Ces chutes une fois triées, se révélèrent être de très petites bandes assez courtes et ne dépassant pas les 3 cm de large, je choisis donc ce modèle de bloc pour les utiliser au mieux en sachant que la longueur des petits bouts permettait juste de coudre 4 bandes autour d’un carré central
Comme les premiers blocs réalisés me plurent je décidais de continuer en piochant dans les boîtes de chutes rescapées de mes ouvrages précédents
Et comme j’entrepris alors de découdre des vieux kimonos des années 1930 bien abimés que je venais de recevoir, mon stock de textiles destiné à cet ouvrage s’agrandit de manière inattendue…
…car j’eus la surprise de trouver sous les doublures, les parties de renfort des cols recyclant des bandes étroites d’étoffes teintes en indigo bien plus anciennes encore !
Je réservai les plus grandes pièces d’au moins 5 cm de large pour y tailler des losanges (pour un projet futur !) ce qui était en-dessous fut redécoupé en bandes, toutes les plus petites chutes y passèrent afin de reconstituer des bandes de 3 cm de large
La majorité des tissus en coton fut complétée avec des chutes d’étoffes en laine, la diversité des teintes de bleu, des textures et des épaisseurs en firent un ouvrage assez plaisant à coudre mais à cause des structures différentes des points de repère le long des bords furent nécessaires pendant l’assemblage afin de garder chaque bloc bien carré
Des Kasuri (Ikat) des Shibori (teinture à la réserve) des Katazome (pochoirs) voisinent avec des textiles rayés et des unis, ces tissus anciens ont pour dénominateur commun une teinture à l’indigo
Les tissus unis bleu clair des centres des carrés, afin d’apporter de la variété à l’ouvrage, cèdent souvent la place à un coton aux motifs blancs teints au pochoir sur fond bleu
Mon ouvrage fut prévu au début pour être uniformément bleu mais au fur et à mesure du montage, je ne pus me résoudre à accepter cette trop grande uniformité froide et sans éclat, il y manquait une couleur intrigante !
Je décidai alors d’y ajouter du rouge selon la combinaison Shu to Ai ! Marié à cette teinte ardente, je trouve que le bleu y gagne en intensité et en profondeur
Quelques centres de carrés furent taillés aussi dans des vermillons pour servir d’écho aux blocs tout rouge
Le quilting accentue la régularité des formes, mais les marges de couture assez denses sur ces petits blocs nécessitèrent d’employer pour le matelassage un fil épais afin qu’il ne se perdit pas dans les épaisseurs des étoffes
La bordure provient d’un Hanten neuf, une veste portée au-dessus du kimono
Datant des années 1960, le vêtement, au coton très raide teint en indigo, ayant été mal coupé, je l’ai décousu sans remord !
Je choisis comme doublure un coton français à rayures dont la finesse me facilita grandement l’épreuve du quilting !
Les tissus indigo restent pour moi fascinants à utiliser…Des quilts déjà en œuvre seront l’objet d’autres articles…Avec du rouge… sûrement encore !
superbe !
Merci Sylvie, je suis ravie que ce nouvel opus vous plaise aussi !
Quel art de la récup’! Quelle richesse tous ces tissus!
Merci de nous faire partager tous ces magnifiques ouvrages si bien équilibrés dans les formes et les couleurs.
Et merci aussi pour l’art pictural japonais. Que de délicatesse!
Le besoin de recycler les tissus anciens pour faire des quilts est une passion qui m’a toujours guidée dans mes choix des formes et des couleurs, il est vrai
Je m’estimerai satisfaite si mes articles sur la peinture japonaise rencontrent quelques échos chez les personnes qui me lisent
Merci Clo, d’être sensible à tout cela
Magnifique !
Comme à chaque fois, vous me donnez envie de me replonger dans mes propres tissus (en caisses pour le moment depuis plusieurs mois et pour un temps encore non défini, hélàs).
Amitiés.
Ah ! Catherine, je compatis de tout cœur à votre désagrément car mes tissus (et mes livres) bientôt dans des cartons vont subir le même sort à cause de notre déménagement prévu au début de l’année prochaine, mais je vais prévoir quand même un carton de survie !
Les mots manquent pour dire mon admiration, et le plaisir trouvé à lire ce récit de création.Et le résultat …!!! Heureux les murs qui peuvent accueillir de tels chefs d’oeuvre! On se prend à regretter que votre travail ne soit pas davantage publié.
Toutes mes amitiés,
Françoise
Merci de votre constante bienveillance chère Françoise, mais vos propos mettent ma modestie à rude épreuve !
j’aime les braises des feux de cheminée; c’est dire si je suis comblée par ce travail
mais parce que vous ne soliloquez pas vos créations sont sublimes
la modestie est un vilain défaut !
merci Marie-Claude !
Chère Ella, à mon âge on ne se refait pas !
Quelle beauté Marie-Claude !
Vous m’inspirez toujours autant, mes petites boîtes de couleurs (je n’ai pas de chambre !) s’agitent à chacune des merveilles que vous nous livrez. Aoki no haru suivra sous peu.
Moi aussi j’ai eu des surprises en décousant ce qui était considéré comme de « vieilles nippes » sans intérêt ni valeur à Kyoto !
Les bandes découvertes ont été intégrées dans mon Nibammeno furusato ! De vieux indigos, magnifiques même mutilés qu’ils étaient par les ciseaux et les coutures.
Merci pour ce magnifique partage.
Pierrette
Merci Pierrette, je suis tellement contente de partager avec vous cette prédilection pour d’antiques tissus du Japon surtout quand ils servent notre inspiration
Les va-et-vient entre nos deux cultures ne laissent pas d’enrichir notre existence et puis avec ces recyclages, nous voilà bien dans l’air du temps !
Bonjour Marie-Claude,
Noyé dans la tristesse de ces temps troubles, je trouve un refuge paisible dans la très grande beauté de votre ouvrage « Shu to Ai ». Encore une fois, je me trouve bouleversé par tant de beauté, rien ne me touche aussi profondément.
Toute mon amitié.
Damien Larose
Merci Damien, la façon d’exprimer votre sensibilité me touche infiniment
Si seulement la création artistique (la véritable création et pas ce que l’on nous inflige actuellement sous ce nom) et la beauté pouvait combattre la barbarie…Mais je crains que ce ne soit qu’une illusion…
Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai un amour fou pour les tissus japonais … et les indigos particulièrement. Je ne suis jamais allée au Japon, mais vous me faites rêver. Un grand merci.
Ce quilt est magnifique avec le rouge au milieu, quelle bonne idée !
Nous partageons donc, Liberty, une passion commune pour les tissus japonais !
Mes articles sur le Japon sont destinés à apporter, modestement, un peu de connaissance mais surtout du rêve… j’espère que vous continuerez à m’accompagner encore en voyage…
Je suis moi aussi une grande » fan »de tissu japonais et j’ai découvert les goûts surprenants des Japonaises pour les couleurs très éclatantes et les mariages que nous n’aurions jamais fait autrefois genre rose et rouge ou orange et qui sont pourtant très modernes maintenant…les indigos ne sont pas facile à trouver au Japon, je pense que les Japonaises se les gardent… Vous utilisez le moindre bout de tissu, j’aime beaucoup cette idée.j’admire beaucoup votre travail,vous êtes très créative, c’est un plaisir de regarder votre site et vos réalisations.
Merci Michèle, il est vrai que les mariages de couleurs sont bien spécifiques du goût japonais, je m’en inspire beaucoup pour mes quilts car je vois l’univers des couleurs autrement que les stéréotypes européens !
J’essaie de travailler les cotons indigos et les soies chatoyantes des kimonos avec la même passion car je n’ai pas de préférence marquée pour l’un ou l’autre car comment rester indifférente devant tant d’art et de techniques ?