Paris - Musée Cernuschi
Au XVIIIe siècle, les peintures conventionnelles des écoles Kanô au service de la classe des militaires et Tosa travaillant pour la Cour de Kyôto ne pouvaient sortir de l'académisme auquel le pouvoir les contraignait
Le nouvel essor artistique revint à des artistes indépendants travaillant pour des mécènes, bourgeois enrichis de la capitale et supérieurs des grands temples bouddhiques
Maruyama Ôkyo (1733 - 1795) devint le fondateur d'une école de peinture au style naturaliste, s'inspirant des œuvres artistiques européennes introduites subrepticement dans un pays qui ne s'ouvrait que peu, à cette époque, aux influences extérieures
Ses observations d'après nature, ses motifs d'oiseaux pris sur le vif, l'impression de volume et d'ombrage obtenue par des gradations de couleurs renouvellent de façon originale les thèmes empruntés à la peinture chinoise de fleurs et d'oiseaux
L'aspect didactique et réaliste de ses œuvres, l'emploi de la perspective linéaire et surtout ses recherches sur le rendu atmosphérique à l'instar de l'art pictural occidental, démarche innovante en cette fin de siècle, annoncèrent les mutations de la peinture japonaise après l'ouverture définitive du pays
L'influence du réalisme dans la peinture de Maruyama Ôkyo s'exerça sur Nagasawa Rosetsu (1754 - 1799) un disciple issu de la classe des samurai mais dont le caractère fantasque se retrouve bien dans ses œuvres !
Le style original de Nagasawa se retrouve dans ses compositions audacieuses aux traits incisifs, s'éloignant des combinaisons chinoises en vigueur par un foisonnement de motifs, chacun représenté de façon naturaliste
Nagasawa Rosetsu prit une grande liberté avec le thème classique chinois des "Trois amis de l'hiver (pin, bambou et prunus) et cent oiseaux" en substituant un rosier sauvage au prunus et en associant un étonnant perroquet rouge au-dessus d'une assemblée d'oiseaux exotiques, volatiles venus du Sud de l'Asie et collectionnés en ce temps par la noblesse aisée
D'autres écoles d'artistes adoptèrent le style naturaliste de Maruyama Ôkyo pour représenter les mœurs animales de façon descriptive, suivant des esquisses prises sur le vif en pleine nature
Mori Sosen (1747 - 1821) développa un goût prononcé pour les peintures de singes et de daims, les attitudes et les expressions des animaux décrits avec un certain humour témoignent de l'acuité de ses études d'après nature
Employant la technique picturale de Mokkotsuga "la peinture sans os" peinture sans contours, il arriva à rendre le pelage des singes de façon légère mais tout à fait réaliste
L'école Kishi fondée par le peintre Ganku (1749 ou 56 - 1838) traduisit avec éclectisme et vigueur les thèmes picturaux empruntés à la Chine associés au style naturaliste hérité de Maruyama Ôkyo
Ganku, célèbre pour ses peintures de tigres (thème emprunté à l'art chinois car l'animal était inconnu au Japon) développe des compositions amples où la tension dramatique est tangible comme cette puissante figure d'un aigle aux aguets dont l’œil acéré traque un minuscule et fragile petit oiseau apeuré en bas de la scène
L’école de peinture fondé par Ganku se perpétua avec ses fils dont l'un, Gantai (1782- 1865) réalisa des compositions élégantes à la parfaite unité, œuvres commandées par de puissants Daimyô afin d'en orner leurs châteaux
Cette peinture élégante et raffinée d'un bel oiseau joue sur le contraste délicat entre la blancheur rosée presque transparente des plumes de l'oiseau rendues avec précision et le splendide rouge nuancé des feuillas d'érable en automne
Un autre courant dans la peinture de l'époque Edo sera l'objet du prochain article