Paris – Musée Cernuschi
Au XVIIIe siècle, quand le Japon reprit ses relations longtemps interrompues avec la Chine, il importa l’étude de la civilisation et des classiques chinois, dès lors le confucianisme imprégna toute la société sous le gouvernement des Tokugawa
Le style artistique du continent influença durablement les artistes japonais qui créèrent une nouvelle école de peinture, le courant Nanga « peinture du Sud » (de la Chine) par référence aux œuvres chinoises de l’époque Ming
Les peintres de l’école Nanga, indépendants et souvent excentriques, animaient la vie artistique et intellectuelle des grandes villes en se tenant à l’écart des cercles aristocratiques du pouvoir
Ike no Taiga (1723 – 1776) artiste important du courant Nanga, étudia le style Bunjinga « peinture des lettrés » (de Chine) avant de transcrire à sa manière les thèmes classiques de la peinture chinoise
Les images classiques de lettrés retirés dans la montagne symbolisent un idéal de retraite hors du monde et une vie plaisante dans la nature
Même si le paysage Sansuiga « montagne et eau », peint par Ike no Taiga est imaginaire, l’impression de vie spirituelle donnée par la virtuosité de la composition, les légères constructions couvertes de chaume, les rochers et les pins invitent à contempler intensément ce monde immatériel
L’influence artistique de l’étude du Zen et de la calligraphie étudiés par le peintre anima durablement ses représentations de bambous sous la neige
Le bambou, image du lettré « qui plie mais ne rompt pas » est une constante dans la peinture chinoise mais le style de Ike no Taiga de les représenter plein de vigueur et en plan serré caractérise un geste du pinceau maîtrisé
Le genre traditionnel des Shikikachô-ga, « peintures des quatre saisons » avec fleurs et oiseaux, fut beaucoup traité par les artistes de cette époque
Nakabayashi Chikutô (1776 – 1853) grand admirateur des peintures chinoises de bambous, au point d’en changer son nom ! réalisa des séries de Kakemono mettant en scène des oiseaux chargés de personnifier chaque période du calendrier
Sur une berge, un couple de hérons blancs s’abritant sous les frondaisons frémissantes d’un saule évoque l’été…
…tandis que les canards mandarins, incarnant l’automne, s’ébattent sous des rochers émoussés, pittoresques ornements des jardins chinois
Okamoto Shûki (1807 – 1862) célèbre pour ses peintures de fleurs et d’oiseaux, prolongea la tradition des Suibokuga « peinture eau et encre » notamment dans ses représentations de neuf aigrettes au bord de l’eau
Symbole des neuf commandements moralisateurs de la philosophie confucianiste, ce genre de figures furent traités fréquemment par les peintres-moines de la pensée Zen
Si la même habitude de peindre des aigrettes pour évoquer la saison estivale se situe bien dans l’héritage chinois, les attitudes des oiseaux rendues avec réalisme et la description répétitive des petites vagues s’inscrivent à merveille dans la tradition décorative japonaise
Les Kachôga « peintures de fleurs et d’oiseaux », thème classique chinois, exécutées dans un style naturaliste et sans contours linéaires appuyés évoquent les conventions des images dans les albums de botanique du XVIIIe siècle au Japon
Yamamoto Baiitsu (1783 – 1856) s’inspire dans ses Makimono, peintures en rouleau, de la tradition Hana chirashi, des fleurs coupées et éparpillées décorant traditionnellement divers objets décoratifs ainsi que des paravents
Yamamoto Baiitsu avait une prédilection particulière pour les peintures de bambous, respectant ainsi une certaine tradition chinoise, mais qu’il rendit avec un sens décoratif typiquement japonais
Lieu imaginaire captivant, refuge paisible pour des lettrés, des cascades au pied de hautes montagnes se voient cernées par de foisonnants bosquets de bambous qui, traités de façon répétée, envahissent tout l’espace
Tani Bunchô (1763 – 1840) issu de l’aristocratie militaire, peintre et théoricien très influent à la fin de l’époque Edo, étudia tous les styles et toutes les traditions picturales alors en vigueur au Japon ce qui le forma à un éclectisme rarement atteint dans la vie artistique de l’époque
Le Fuji san est le thème par excellence de la peinture japonaise ! Il fut et reste honoré et célébré par les artistes, en référence aux montagnes sacrés de Chine, résidences des Immortels taoïstes
Tani Bunchô influencé par la peinture occidentale donne une image réaliste du Fuji san, loin des poncifs de la peinture traditionnelle japonaise, son œuvre peinte au printemps sur le motif, en lavis d’encre nuancé du très sombre au gris clair en donne une vision quelque peu dramatisée
Les évocations de la lune en différentes saisons reste un thème poétique chinois mais transposé par les peintres japonais, il exprime beaucoup plus la personnalité des artistes qui s’en inspirent
Cette « lune montant au-dessus des herbes folles » de Tani Bunchô qui reflète un instant particulier lors d’une promenade de l’artiste près de la rivière Sumida à Edo reste pourtant une vision poétique troublante semblable à un rêve
Une promenade au printemps et en été à Kyôtô vue par Yamamoto Baiitsu sera la suite du reportage
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