Paris – Musée du Quai Branly 2012
La suite de l’exposition introduisait les mœurs culinaires de la période dite classique sous les dynasties des Song et des Ming avec de merveilleuses porcelaines
Au milieu du XIe siècle, l’émergence de grandes villes au nord et au sud de la Chine se substitue à la culture aristocratique de la dynastie Tang…
…et se tourne vers d’autres arts décoratifs, abandonnant le style extravagant des vases inspirés par les urnes du monde antique occidental !
Les cités florissantes regroupent une population pleine de diversité dans des quartiers dédiées aux loisirs, avec ses rues commerçantes, ses fêtes et ses divertissements
Le développement des classes moyennes urbaines à la recherche d’expériences culinaires nouvelles favorise l’essor des marchés, des auberges, des maisons de thé et de plaisirs et d’innombrables restaurants …
…qui organisent des banquets composés de toutes les cuisines et spécialités régionales élaborées dans le vaste empire
Loin de cette agitation populaire, la classe des lettrés choisit un mode de vie simple à la campagne ou dans la montagne en s’adonnant au plaisir de la poésie et à la dégustation du thé devenu une boisson à la mode
La plantation à grande échelle de théiers à cette époque permit à chacun son luxe quotidien !
La pratique du thé par les lettrés devient une approche poétique et sa consommation s’élève au rang de cérémonie esthétique dans lesquelles les céramiques prennent une place déterminante
L’univers qui entoure le thé inspire une multitude de céramiques d’une diversité remarquable, les pièces ont en commun la recherche du dépouillement, formes simples et linéaires, glaçures unicolores, rares effets chromatiques se produisant spontanément en cours de cuisson
Les porcelaines d’un blanc teinté de bleu pâle fabriquées dans le sud de la Chine, très fines et résistantes, sont fréquemment ornées de petits décors incisés comme des brindilles, des fleurs ou des vagues
D’autres sont revêtues d’une épaisse couverte à la tonalité douce bleue ou grise mouchetée ou éclaboussée de pourpre ou de violet avec de fines craquelures pour tout décor
Merveilleux petit « Chawan » (Tasse à thé en japonais) dénommé « Clair de lune » que j’élirais bien pour boire mon thé !
Les céramiques Song à couverte noire appelées « Temmoku » (dénomination japonaise) étaient préférées par les tenants du bouddhisme « Chan »
Elles furent importées au Japon par les moines bouddhistes Zen et devinrent très appréciées lors de la cérémonie du thé car la glaçure noire faisait ressortir la couleur verte du thé battu
Ces petits bols coniques en grès, recouvert d’une épaisse couverte brun sombre tirant sur le noir sont connues sous le nom de « fourrure de lièvre » ou « plumes de perdrix » effets que donnent les striures aux multiples nuances couleur d’ambre
Le bon usage du thé, comme toutes choses en Chine, est très tôt codifié, si après avoir été consommé bouilli et aromatisé antérieurement, le thé sous les Song est réduit en poudre, c’est un « thé battu », il deviendra quelques deux siècles plus tard sous la dynastie Ming, un thé infusé tel qu’il est préparé encore actuellement
L’écrivain Wu Zimu au XIIIe siècle, dans un ouvrage traitant de la vie quotidienne sous les Song du sud à Hangzhou faisait cette relation :
– « Il y a huit denrées nécessaires pour la vie d’une famille, le bois de chauffage, le riz, l’huile, le sel, le vin, la sauce de soja, le vinaigre …et le thé » ce qui prouve assez que cette boisson était devenue indispensable
Sous la dynastie mandchou des Qing, la démesure au palais impérial dans la Cité interdite, devient la norme lors des fêtes saisonnières ou les réceptions d’état …
…qui peuvent réunir plusieurs milliers de convives !
Quatre cent officiants secondés par cent cinquante eunuques assurent, au milieu du XVIIIe siècle, environ douze mille repas par jour !
L’idéal gastronomique mandchou est plutôt orienté vers les collations, avec thé et gâteaux plutôt que vers les repas traditionnels
Hormis les fêtes familiales, les repas quotidiens se prennent traditionnellement dans la solitude
Le couvert impérial est dressé sur une table…
…et les plats arrivent des cuisines dans un ordre rigoureux
Auparavant, un intendant vérifie le contenu des plats…
…l’empereur se contentant d’en goûter quelques uns, les autres servant de décor !
La desserte est ensuite offerte aux concubines et aux princes impériaux
Ces bols utilisant des émaux de couleurs vives importés d’Europe, sont décorés de motifs symbolisant les caractères attribués aux fleurs comme la pivoine évocation de la noblesse, de l’opulence et de l’amour, céramiques fréquemment offertes en cadeau de mariage ou le chrysanthème allégorie d’une vie longue et paisible remplie de persévérance
La figure de Zong Kui, personnage très populaire du panthéon taoïste, valeureux exorciste de démons, représenté dans un état d’ivresse courant chez les Immortels chargé de traduire l’union idéale avec le Tao, libérer son esprit pour se laisser aller au flux de la vie avec spontanéité, sans juger ni forcer les évènements pour s’insérer dans l’harmonie universelle en perpétuel changement
Un état d’esprit qui aurait pu inspirer les nombreux critiques détracteurs de cette exposition, dont le thème a été jugé trop ardu, et les objets pas assez spectaculaires
J’espère que mon article arrivera à démontrer le contraire !