Paris – Salon l’Aiguille en fête – V – 2015
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L’exposition affichant des textiles ethniques venant en majorité de provinces de Chine était issue des collections de la boutique « La Cité interdite » installée à Carpentras
J’ai pris les notes qui nourrissent mes légendes auprès de la boutique de Carpentras, mais suite à une communication (en janvier 2017) venant d’un lecteur/spécialiste de tissus ethniques asiatiques il semble que nombre d’erreurs se soient glissées parmi elles, aussi les informations tangibles seront-elles les bienvenues !
Des textiles venaient de la province de Guizhou, au sud de la Chine, région enclavée dans les montagnes, dont la seule économie rurale peine à apporter des ressources suffisantes aux nombreuses ethnies qui la composent
La diaspora de ces populations dans le reste du monde et notamment en Guyane française, est effective depuis de nombreuses années
L’ethnie Hmong que les Chinois nomment plutôt Miao est la plus nombreuse dans cette province de Guizhou considérée comme peu développée, leurs habitants faisant toujours figure de peuple « arriéré » aux yeux de la majorité des Han
Les Miao, essentiellement des agriculteurs, vivent dans des villages compacts aux maisons serrées pour libérer le maximum de terres arables nécessaires à la survie de leurs différentes communautés
Ces minorités Miao conservent encore quelques habitudes séculaires, les familles se composant de plusieurs générations se rangent sous l’autorité d’un chef de village et mènent cette vie communautaire pratiquée habituellement dans les régions défavorisées
Les traditions préservées se rencontrent surtout dans la confection des pièces textiles…
…comme les couvertures et pièces d’étoffes offertes aux nouveaux mariés, tissées de symboles propitiatoires sensés repousser les démons et les esprits malins afin de favoriser la fertilité du jeune couple nouvellement constitué
La culture animiste encore largement répandue s’accompagne de signes distinctifs de protection attachés au chamanisme, renforcés par les multiples bienfaits de la teinture en indigo
De nos jours, les vêtements et les accessoires brodés aux couleurs éclatantes ne sont plus arborés qu’à l’occasion des fêtes traditionnelles
Les porte-bébé sont un élément essentiel des textiles Miao, les jeunes filles les portent même dans le dos, les jours de fête, pour signifier qu’elles sont prêtes à se marier !
Ces porte-bébé sont abondamment décorés, la broderie joue un rôle essentiel pour la protection des enfants se trouvant, dans leurs premières années, menacés par les forces démoniaques qui cherchent à s’emparer d’eux
C’est généralement la grand mère maternelle qui offre un porte bébé composés de morceaux de tissus cousus ensemble, puis brodés, décorés et appliqués de motifs protecteurs en volutes serrées recouvrant chaque pouce d’étoffe
Ainsi, les démons ayant la réputation de pénétrer dans les corps des enfants toujours en ligne droite se retrouvent emprisonnés dans les motifs entrelacés et sont réduits dans l’incapacité de nuire
Mais les motifs symboliques de protection ne le cèdent en rien aux jeux d’étoffes dans lesquels peut se reconnaitre le goût et l’esthétique des brodeuses !
Dans la province du Yunnan, les minorités ethniques des Naxi revêtaient des vêtements caractéristiques comme les robes courtes à l’avant mais se déployant sur toute la longueur au dos et abondamment recouverte d’un réseau de broderies de petits points de croix
Ces étoffes proposées à la vente, et d’après les cartels ne donnant pas d’explications précises sur les lieux d’origine ni sur l’époque, il est difficile de savoir si ces textiles sont vraiment originaires des différentes cultures indiquées
D’irrésistibles chapeaux d’enfants chinois mettaient en lumière les croyances et le souci affirmé des adultes d’assurer la survie des tout-petits
A une époque où les virus et autres infections étaient considérées comme des attaques pernicieuses de démons, les protections vestimentaires essayaient de pallier à la mortalité infantile importante surtout pendant la première année de la vie des enfants
Les chapeaux et autres bonnets étaient ornés de figures d’animaux, chiens, chats et tigres sensés mettre en fuite les fantômes et autres esprits malveillants pour les empêcher de nuire à l’enfant
Les fantômes ayant peur du bruit, des grelots étaient accrochés sur les chapeaux ou dissimulés dans des pompons, le tintement des clochettes à chaque mouvement effrayaient les mauvais esprits et les faisaient s’enfuir
D’autres chapeaux rendaient bien compte que la naissance d’un enfant mâle est une bénédiction pour les parents !
Les couvre-chefs enfantins décorés de palais miniatures couronnés sur le haut d’un minuscule trône sous un dais, affirmaient qu’un enfant-roi venait ainsi combler les espoirs de toute une famille !
L’Ouzbékistan possédait une riche tradition textile et maîtrisait la technique de l’ikat pour des caftans et différentes pièces textiles…
…le magasin « La Cité interdite » exposait deux patchwork aux motifs bien connus des quilteuses mais dont les intentions s’éloignent de l’aimable passe-temps qui nous est cher !
Les Caroq ou patchwork recyclent des chutes de tissus usagés ou neufs et mêlent aux cotons unis ou imprimés, des jacquard et des ikat de soie, mais aussi des textiles artificiels, souvent agrémentés de broderies, de perles de verre et s’ornent fréquemment de franges de soie cousues sur les galons de finition brodés à la machine
Ces Caroq utilisés comme courtepointes ne comportant que rarement une doublure, pliés et soigneusement entassés dans un coin de la maison pendant la journée au-dessus des piles de matériel de couchage, apportent la gaieté de leurs couleurs dans des intérieurs habituellement dépourvus d’ameublement
Les multiples petits triangles ou les losanges qui les composent possèdent des propriétés de protection contre les esprits malfaisants, les pointes aigües étant chargées de les détourner de leurs mauvais desseins
Les Caroq intégraient aussi des pièces de tissus ayant appartenu à quelques personnes renommées pour leur vertu ou respectées pour leurs mérites afin de renforcer leur pouvoir symbolique et protéger efficacement le sommeil de la famille contre le mauvais œil
Tous ces textiles aux motifs géométriques qui sont repris, imités et utilisés de nos jours sans la symbolique qui y était attachée dans les cultures anciennes, méritent ce genre d’exposition pour permettre de regarder sous un autre aspect que le seul « joli » les textiles habituellement employés
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Paris – Salon l’Aiguille en fête – 2015 :
I – Le Salon
II – Expositions « Au fil de l’Orient » – Les kimonos d’enfants
III – Expositions « Au fil de l’Orient » Les Pojagi de Corée
IV – Expositions « Au fil de l’Orient » Broderies de la Chine et de l’Inde
V – Expositions « Au fil de l’Orient » – Des minorités chinoises aux Ouzbek