De Fukushima à Nagano – Voyage d’hiver en train dans les Alpes japonaises
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Nous partîmes le matin, sous une neige tournoyante agitée par un vent glacial pour visiter le musée de Karamushi, le nom au Japon pour désigner la ramie, plante exploitée dans la région d’Aizu
Le musée était encerclé d’amas de neige de hauteurs impressionnantes, et il régnait à l’intérieur du bâtiment aux grandes baies vitrées un froid humide qui nous transit peu à peu
Nous avions deux heures de latitude pour la visite avant de reprendre l’autocar nous ramenant vers la gare de Tadami sen… mais grande déception, les collections surtout constituées de photos se sont révélées très pauvre en textiles
Nombre de plantes libériennes, ainsi que des fibres tirées des écorces d’arbre sont utilisées dans le monde pour fabriquer des textiles depuis des millénaires
Au Japon, l’histoire de la ramie dont les fibres obtenues sont d’une solidité exceptionnelle, remonte au IIIe siècle de notre ère
La ramie cultivée au Japon, est une des 40 variétés de la grande famille des orties, plantes dont on exploitait les avantages pour la production de textiles essentiels à la protection vestimentaire de la majorité des habitants des campagnes
Au Japon, avant l’arrivée massive du coton à la fin du XIXe siècle, ces fibres étaient travaillées par les sociétés paysannes en même temps que le chanvre afin de confectionner vêtements traditionnels et autres objets nécessaires à la vie quotidienne
La région de Shôwa mura, grande productrice de ramie exportait dans d’autres régions les fibres préparées en vu du tissage, les communautés rurales trouvant dans cette activité un débouché venant augmenter leurs maigres ressources habituelles
Le Karamushi produit à Shôwa mura était exporté et transporté à dos d’homme en gros ballots de 30 kg pour être tissé à Ichigo, situé de l’autre côté des montagnes, dans la préfecture de Niigata, sur la côte de la mer du Japon
Le gouvernement japonais a classé le travail ancestral de Karamushi, de la plante aux fils prêts à être tissés comme Mukei Jûyô Bunkazai, patrimoine culturel important
Actuellement, pour perpétuer la tradition, les villageois continuent l’exploitation de la ramie, mais ce n’est plus qu’une activité de loisirs destinée à de jeunes citadins qui viennent à Shôwa mura pendant l’été s’initier à la préparation des fils et à leur tissage
Le travail pour obtenir à partir de la plante cultivée des fibres prêtes à être tissées, nécessite une main d’œuvre abondante pour effectuer des tâches longues et pénibles
Le travail commencé à partir de la première lune du mois de mai, consiste en brûlis sur les terres suivis d’épandage d’engrais, à Shôwa mura les déjections de poulaillers ! puis de paillage afin de garder une bonne humidité résiduelle
Des clôtures brise-vent bien ajustées obligent les plantes à pousser en masse compacte, les tiges devant rester bien droites pour une bonne utilisation ultérieure
Fin juillet, les plantes ayant atteint deux mètres de haut, coupées une à une à une longueur précisément désirée, les feuilles enlevées, sont mises à tremper dans l’eau froide afin de faciliter l’épluchage de l’enveloppe extérieure puis les fibres constitutives de la plante sont grattées, liées en faisceau et restent immergées jusqu’à la prochaine étape
Le jour choisi, les fibres amollies mises à sécher à l’ombre, sont déchirées plus finement afin de confectionner en les tressant un fil épais propre à être filé sur un rouet
Dans les périodes d’exploitation intensive de la ramie, le travail de tissage venant parachever ces minutieuses préparations, était confié à des artisans spécialisés
De nos jours, quelques personnes ayant gardé ou ré-appris la pratique initient au tissage, pendant les mois d’été, des personnes intéressées par les anciennes techniques artisanales
Tisser un Obi, la ceinture fermant les kimonos, généralement d’une longueur comprise entre 3,60 à 4,50 mètres sur une largeur de 30 cm environ, nécessitait 3 à 4 mois de préparation de fibres de ramie pour fournir la quantité de fils nécessaire à disposer sur le métier
Les kimonos tissés en Choma, la ramie, étaient extrêmement recherchés par les classes aisées pour leur confort à être portés pendant les mois d’été
La boutique du musée proposait de l’artisanat local, de beaux paniers…
…de petits objets confectionnés avec les tissus rayés artisanalement d’Aizu…
…et quelques tous petits ouvrages en Karamushi
Utilisés au Japon comme dessous de tasses à thé, je les ai alloués à mes derniers Maneki neko !
La suite de l’article conclura le voyage d’hiver dans les Alpes japonaises
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Japon – Printemps 2014 Voyage d’hiver en train dans les Alpes japonaises :
I – Tadami sen
II – Shôwa mura
III – Minshuku à Shôwa mura
IV – Karamushi à Shôwa mura
V – Un restaurant populaire à Kaneyama
VI – Fin du voyage