Ces anciens textiles sont issus de la collection de Mme Watanabe Haruko
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Pendant notre séjour à Tôkyô, nous avons passé un après-midi fort plaisant autour d’une tasse de thé chez Mme Watanabe dont j’avais fait la connaissance lors de son exposition sur les Kimono Meisen au Salon l’Aiguille en fête à Paris en février de cette année
Mme Watanabe possède une collection vraiment impressionnante de textiles anciens, plusieurs milliers de pièces aussi bien en coupons qu’en vêtements, rangés soigneusement par style de tissage ou d’impressions, tissus qu’elle chine depuis longtemps, dans les marché aux puces ou dans les salles de vente à Tôkyô et Kyôto principalement
La collection est axée sur les textiles datant de l’époque Meiji, période s’étendant de la fin du XIXe siècle au premier quart du XXe siècle
Mme Watanabe s’intéresse particulièrement aux textiles de la vie citadine du tournant du XXe siècle, vêtements quotidiens simples et pratiques, se distinguant nettement des luxueux kimonos de la bourgeoisie enrichie ou de la noblesse de Cour de la même époque
Les textiles du monde rural sont particulièrement importants dans la collection, et Mme Watanabe apprécie particulièrement les Boro !
Nous avons plaisamment discuté de ce sujet à polémique…mon article sur les Boro -ici- et j’ai préféré admirer d’autres styles de tissus que recèle cette abondante collection !
La collection de Katazome, teinture à l’aide de pochoirs, m’a beaucoup fascinée autant pour les couleurs profondes des indigo de plus de 150 ans quand même ! que pour les motifs très traditionnels qui se retrouvent abondamment sur ces textiles
Tortues, grues, bambous comme symboles de protection, de prospérité et de longévité, motifs espérés propices au porteur du vêtement
Les motifs des Katazome sont dans leur grande majorité teints en blanc sur fond indigo, le contraire est extrêmement rare, les dessins bleus sur fond blanc étant délicats à obtenir
Mme Watanabe s’est prêtée de bonne grâce à une petite séance photo pour laquelle elle a posé avec amusement en revêtant quelques Juban, les vêtements légers portés en dessous du kimono, composés de véritables patchwork !
Ces Juban, kimonos de dessous, en patchwork sont tous originaires du Tôhoku, cette région du nord du Japon que les colporteurs sillonnaient en approvisionnant les femmes en tissus de récupération
Ces kimonos de dessous recyclaient beaucoup de petites chutes de soie rescapées du démembrement de kimonos luxueux, cousues à de grands morceaux d’autres vêtements achetés d’occasion
Les femmes laissaient libre cours à leur imagination et assemblaient ces étoffes de récupération en des patchwork librement et de manière astucieuse pour utiliser au mieux ces tissus si précieux pour des Juban qui n’étaient de toute façon pas destinés à être vus en société
Le Tôhoku est une région froide, les kimonos de dessous constitués de pièces de soie contribuaient à restreindre la déperdition de chaleur…
…à contrario, les kimonos légers tissés en chanvre, en ramie et dans d’autres fibres libériennes permettaient de supporter la chaleur humide des étés japonais
Dans ces sociétés laborieuses anciennes où l’économie domestique était une nécessité, aucun morceau de tissu n’était sacrifié s’il pouvait encore servir
Toutes sortes de sacs, pochettes, bourses et autres contenants étaient confectionnés avec habileté en recyclant les chutes de kimonos, de futon…de textile divers et variés !
Les Komebukuro étaient des sacs confectionnés avec des chutes de tissus et destinés à contenir du riz comme offrandes faites aux sanctuaires shintoïstes ou aux temples bouddhiques
Les généreux fidèles à leur aise économiquement offraient des Komebukuro constitués de pièces de soie, les plus modestes se contentaient de chutes de coton teintes en indigo
Les chutes d’étoffes étaient choisies de préférence en fonction de leurs motifs réputés être de bon augure mais sur des tissus sans dessins particulièrement propices l’application de motifs aux vertus bénéfiques y remédiaient avantageusement !
Confectionner des Komebukuro en patchwork de textiles anciens était une marque de respect envers ces étoffes rares et précieuses chargées symboliquement de valoriser les dons
Les plus infimes chutes de tissus impropres à faire des sacs pouvaient encore finir, déchirées en lanières, à tisser des petites largeurs qui cousues entre elles réchauffaient, dans les campagnes, les sols recouverts de planchers de bois
Mme Watanabe possède des catalogues d’échantillons de tissus anciens, spécialement répertoriés par un de ses amis, tisserand de son état qui a consacré de très longues années à constituer un inventaire des principaux motifs représentés sur les textiles
Nous avons passé de longs moments à les feuilleter avec délectation…
…en admirant le savoir-faire des maîtres-artisans anciens, représentatifs d’une culture textile hautement raffinée, dont les motifs traditionnels sont maintenant bien connus et répertoriés
Mais quand le Japon ouvrit ses frontières, à la fin du XIXe siècle, aux influences étrangères, beaucoup de dessins inconnus jusque là vinrent compléter la grammaire stylistique des motifs textiles
Ainsi les dessins de parapluies à la mode occidentale vinrent orner des kimonos, tout en restant traités dans un style traditionnel japonais !
De même, les lettres occidentales, illisibles pour la plupart des Japonais de cette époque vinrent s’afficher comme motifs décoratifs nouveaux de façon tout à fait amusante sur les vêtements et restèrent furieusement à la mode pendant quelques années
Ne sachant les écrire correctement, les artisans transcrivirent nos abécédaires avec une grande fantaisie ornementale
A cette période de grands bouleversements de la société japonaise, le gouvernement pour rattraper un retard estimé écrasant par rapport aux pays étrangers envahisseurs, importa nombre de techniques occidentales, le métier Jacquard fut une innovation à cette époque pour le développement de l’industrie textile
Si la technique doit tout à l’Occident, les motifs, eux, restent traditionnels mais ils sont répartis de façon trop symétrique selon le goût prévalant en France à la même époque
Le monde des textiles au Japon est infini…si bien que d’autres articles seront à venir qui j’espère, seront assez attrayants !