Voyage d’automne à Arimatsu
Japon – Voyage à Arimatsu : 1 | 2 | 3 | 4
Pour actualiser un ancien article de ce blog fort consulté (ici)…nouvelle incursion dans le monde passionnant du textile au Japon
Si la ville d’Arimatsu, proche de Nagoya, reste encore le centre historique des textiles Shibori (Shiborizome en japonais) le net déclin de cette ancestrale technique de teinture amorcé depuis quelques décennies se poursuit de nos jours inéluctablement
La vie contemporaine au Japon ne réservant plus le port des kimonos que pour les cérémonies familiales ou les occasions festives, les fabricants de textiles traditionnels peinent à trouver des acheteurs pour les merveilles dont regorgent leurs magasins
Le coût d’un kimono de soie en shibori peut atteindre des sommes exorbitantes s’il est teint avec des motifs élaborés, avec plusieurs couleurs ou si on lui adjoint des broderies
Quelques 120 000 à 300 000 points noués sur les 12 mètres d’une pièce de tissu pour un kimono nécessitant le travail d’une personne pendant 1 an à 1 an 1/2, ajoutés à la qualité irréprochable de la teinture, font s’envoler les prix pour atteindre les 1500 à 5000 euros !
Il ne reste plus ensuite qu’à faire confectionner le kimono…
Mais une pièce de tissu pour kimono beaucoup moins luxueuse en Kanoko shibori sur soie aux 100 000 points noués seulement ne coûtera guère plus de 750 euros !
Les grands rouleaux de tissu nécessaire à la confection des kimonos laissent donc la place à des dérivés textiles de moindre coût, sacs, pochettes, cravates, foulards et petits objets décoratifs proposés comme souvenirs touristiques
« Arimatsu Shibori Kaiken » le centre « officiel » du Shibori à Arimatsu souvent décrit comme un musée n’est en fait qu’une grande boutique exposant quelques pièces anciennes et proposant des démonstrations sur la technique de shibori… les articles exposés dans le magasin sont à vendre !
Comme je m’étonnais du prix relativement modeste des petits articles textiles, j’appris que ceux-ci étaient fabriqués en Chine ! mais avec des motifs de style typiquement japonais quand même !
Mais le procédé du Shibori, long et minutieux, devient maintenant trop onéreux en Chine même, et la production de ces textiles cessera petit à petit tout comme au Japon où les artisans maîtrisant cette technique sont à l’heure actuelle très âgés
Cette méthode de teinture par réserve est pratiquée depuis des temps immémoriaux dans les pays où les plantes tinctoriales étaient abondantes, dans l’Inde, l’Indonésie et la Chine et jusqu’en Afrique
Dans le Japon du VIIe siècle, ces textiles contribuaient à la magnificence des cérémonies bouddhiques, en témoin les pièces conservées au Shôsô-in à Nara (réserve des plus anciens objets artistiques du Japon ancien)
Parmi les pays qui pratiquent pourtant les mêmes procédés de base, le Japon se place en tête car sur une centaines de dessins de shibori recensés de par le monde, 90 motifs sont japonais !
L’évolution technique ne cessa de s’accroître tout au long des siècles jusqu’à atteindre un déploiement des couleurs et un raffinement inégalés
Les motifs sur le tissu à lier n’y sont pas distribués de façon aléatoire, un travail de préparation très élaboré à l’aide de pochoirs donnent des repères préalables aux endroits où le tissu sera noué
Les motifs les plus simples et les plus abondants restent les Kanoko shibori, ainsi nommés par analogie aux taches sur le pelage des daims…
…qui peuvent remplir des surfaces entières de petits motifs bien alignés ou compléter le fond des étoffes aux dessins plus complexes
Les Boshi shibori nécessitent un petit chapeau (boshi) sur l’endroit noué qui de ce fait ne prend pas la teinture, quant aux Hitta shibori, ils sont obtenus en pliant le tissu en quatre avant de le ligaturer
Si les fils de soie fins nouent les tissus de soie, des fils de chanvre suffisent sur les tissus de coton, les fils doivent être très solides car nouer se fait de façon énergique afin d’éviter les bavures de teinture à l’intérieur des motifs
Le travail est toujours fait à la main, bien que l’on utilise de plus en plus le système ingénieux de placer l’endroit à nouer sur un crochet, muni d’une fine aiguille, fixé sur un bâton devant l’exécutant afin de lier plus aisément et de gagner ainsi un temps précieux
Un travail de shibori est considéré comme réussi quand le tissu obtenu donne l’impression d’avoir été peint à la main !
Si Kyôto s’était fait une réputation de teinture shibori sur de luxueux tissus de soie, destinés à l’aristocratie, la ville d’Arimatsu, quant à elle, la pratiquait surtout sur des cotons, pour la classe des bourgeois enrichis qui se voyait toujours interdite, par les autorités shogunales, du port de vêtements trop somptueux
Toutes les chutes de tissu teint en shibori de cet article ont été trouvées à Arimatsu et sont dues aux coups de ciseaux malencontreux des personnes chargées de couper les fils noués après teinture !
Quand la chance sourit à Arimatsu …
Le centre historique préservé de la ville d’Arimatsu, fière de ses 400 ans d’histoire, a ménagé une belle promenade, ce sera l’objet du prochain article
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Japon – Voyage à Arimatsu :
centre historique de la teinture Shibori
Capitale du Shibori
Le quartier ancien des négociants en shibori
Le sanctuaire shintô Arimatsu Tenmansha