Paris – Bibliothèque Forney
Exposition Kimonos d’enfants – autres articles : I | II
Cette exposition conçue par Shukuko Voss-Tabe de l’association Amitiés Tissées met en scène la collection, patiemment assemblée pendant des décennies, des kimonos pour enfants de Nagano Kazuko
Madame Nagano, pendant longtemps, acheta dans les brocantes des vieux kimonos quelle découpait soigneusement pour faire du patchwork, puis vint le désir évident de préserver ces témoins d’époques révolues et ce fut le début d’une collection riche de plusieurs centaines de kimonos destinés aux enfants s’échelonnant des années 1860 à 1930
Une partie de cet ensemble est constituée de kimonos en soie teints avec la technique de Yuzen -ici-
Les kimonos obtenus avec cette technique coûteuse étaient des vêtements destinés aux enfants des classes aisées et revêtus seulement au moment des grandes fêtes liées aux saisons ou portés lors de circonstances particulières comme pour les célébrations des rites de passage d’un âge à l’autre
Si les kimonos pour enfants ne se distinguent guère dans leur usage, dans leur coupe en T et dans leurs décors de ceux des adultes, le moyen de fermer le vêtement est en revanche différent
L’obi, la longue ceinture qui termine la tenue des adultes (l’obi pour les femmes est beaucoup plus élaboré que pour les hommes) serait incommode pour les enfants, aussi deux pans d’une petite ceinture sont-ils cousus de chaque côté des devants, puis noués dans le dos, laissant une grande liberté de mouvement pour les activités enfantines
Comme le dos des kimonos des enfants, ainsi que celui des adultes, présente nécessairement une couture, la croyance populaire craignant que des esprits malfaisants n’arrivent à s’insinuer entre les deux parties de cette couture, faisait qu’on rajoutait en haut du dos des points et des fils cousus sensés protéger les enfants sans défense de toutes les maux pouvant les atteindre
Les kimonos des très jeunes enfants, taillés dans un seul lé de tissu, donc sans couture dans le dos, étaient aussi brodés de figures symboliques de protection
Les kimonos ne sont pas des vêtements ajustés, ils sont toujours plus grands que la taille de l’enfant, pouvant ainsi être portés pendant plusieurs années ou bien être réutilisés dans la fratrie
Les plis que l’on bâtit sur les épaules et à la taille du vêtement pour l’adapter à la mesure de l’enfant sont décousus au fur et à mesure de sa croissance
Les kimonos destinés aux garçons portent souvent des décors évoquant les traits valeureux des héros du passé, sujets repris des évènements célèbres des guerres entre les clans Taira et Minamoto au XIIe siècle
L’archer fait allusion à la maitrise du tir à l’arc par un guerrier du clan Minamoto tandis que…
… Ushiwakamaru, nom d’enfant du fameux Yoshitsune est représenté dans le combat qu’il mena victorieusement sur un pont contre Benkei, un moine guerrier redoutable
Les parents des garçons choisissaient ces histoires, fort connues de tous les Japonais, afin que l’honneur, la force et le courage attribués à ces personnages influencent quelque peu leurs enfants !
Des héros de contes populaires sont aussi en faveur pour illustrer les kimonos, comme l’histoire d’Urashima Tarô, le pêcheur qui vivait au fond de la mer …
Sur ce kimono, les décors font allusion à ce conte, aux éléments de la mer, tortues à longue queue, coquillages et canne à pêche
Sur le kimono officiel pour garçon appartenant à une famille de samurai, le décor de bambous dont la croissance est drue et des pins toujours verts, comparable à une peinture à l’encre de Chine exprime des souhaits de santé et de croissance, motifs destinés plutôt aux garçons
Les kimonos pour les filles sont généralement parsemés de toutes sortes de fleurs, chacune traditionnellement ayant une signification poétique ou spirituelle ne peut que convenir à la gent féminine !
Si les kimonos pour garçons privilégient les couleurs foncées, noir, bleu ou gris, ceux des filles sont souvent réalisés dans toutes les couleurs variant des teintes claires et nuancées aux plus vifs coloris de bleu, violet, rouge et orange jusqu’aux teintes plus sourdes de gris doux
Les fleurs sont souvent accompagnés de papillons, leur grâce et leur légèreté sont des symboles appropriés pour caractériser les femmes
L’association des motifs de grue et de tortue Tsuru-Kame exprime le souhait de longévité, la croyance populaire attribuant à ces animaux des vies de 1000 ans !
Les représentations des grues en vol, associées aux fleurs de prunier et aux chrysanthèmes sont très fréquentes ainsi que les canards mandarins toujours représentés en couple comme incarnation de la fidélité conjugale
Les canards mandarins et certains oiseaux sont rebrodés afin d’accentuer le relief du dessin
Les couleurs de ce kimono nuancées du vert clair au bleu assez vif aux dessins élaborés mêlant les fleurs des quatre saisons comme symboles de bon augure est vraiment typique des vêtements luxueux destinés aux filles des classes fortunées
Ce kimono dans le même style est décoré du motif Hana ikada, radeaux de fleurs qui voguent au fil de l’eau
Les fleurs des quatre saisons font allusion de façon poétique à la beauté des changement des saisons
Les motifs porte-bonheur de pin, bambou, fleurs de prunier réunis sur un même vêtement évoquent surtout le tout début du printemps, ce sont des images typiques du Nouvel An
A partir de 13 ans, une fille quittait le monde de l’enfance et devait porter, avec un kimono à longues manches flottantes décoré du Mon blason familial, l’obi, la ceinture apprêtée, ce qui semble le cas pour ces splendides kimonos
La coupe des kimonos étant toujours la même, c’est la répartition des décors qui marquent les différents styles, les motifs peuvent être répartis dans le bas du kimono et des manches…
… où bien éparpillés de façon savamment aléatoire sur le corps de vêtement ou encore envahir toute la surface disponible
Si les décors de l’époque Meiji (1868-1912) sont encore très raffinés, l’époque Taishô (1912-1926) aima en général les kimonos aux grands motifs dans des couleurs bigarrées présentant de forts contrastes avec le fond du vêtement
Les kimonos deviennent souvent voyants, l’abondant décor fleuri sur fond sombre occupe tout l’espace, à la limite de la confusion
L’époque Shôwa (1926-1989) s’inspira de tous les styles anciens avec plus ou moins de bonheur, surtout au début de l’ère…
…les motifs ayant tendance à se styliser après la seconde guerre mondiale
Sur les kimonos, les motifs de fleurs ou de bon augure voisinent avec des évocations de la vie de cour raffinée de l’époque Heian
Les jeux aristocratiques de cette époque fournissent nombre de décors comme l’allusion au jeu de reconnaissance des parfums dont la notation des joueurs devient un motif se prêtant à beaucoup de fantaisies
Les Temari, balles décorées de fils, jeu favori du Nouvel An, se retrouve aussi sur nombre de kimonos…
…ainsi que les représentations de la vie littéraire ou artistique avec des motifs de rouleaux de peinture ou de calligraphie
Les kimonos étaient souvent réalisés spécialement pour les enfants, mais en cas de nécessité on pouvait retailler dans un kimono d’adulte soit un peu usagé soit démodé, un vêtement de moindre coût pour les enfants, ce qui semble le cas de cet Haori, veste portée au-dessus du kimono
Les poupées donnent un bon aperçu des tenues revêtues par les jeunes femmes
Souvent les décors assez peu différenciés conviennent aussi bien aux deux sexes, les scènes d’envolée de grues au-dessus de tortues, de pins, de bambous et de fleurs de pruniers résument à elles seules tous les symboles de bon augure souhaitées par les parents sur les kimonos de leurs enfants !
Les kimonos les plus précieux, à l’instar des kimonos pour femme étaient enrichis de broderies en fils d’or et d’argent
Comme les kimonos, les vêtements spécifiques de cérémonies pour les hommes sont aussi réalisés en taille réduite pour les enfants des classes supérieures
Les kimonos en coton ou en fibres libériennes comme le ramie étaient des vêtements considérés comme discrets et portés généralement dans la vie quotidienne
La technique dite Tateyoko gasuri (double ikat) prouve la grande habileté des tisserands japonais, ce kimono a peut-être été retaillé pour un enfant dans un kimono d’adulte
Ce vêtement curieux se portait par-dessus le kimono pendant le très célèbre pèlerinage aux 88 temples de Shikoku
A chaque visite, on fait apposer la contremarque du temple visité, contre espèce trébuchante, sur son livret de pèlerinage prévu à cet effet, mais ici les cachets rouges ont été appliqués sur les vêtements que portaient une mère et sa fille
Pour accompagner de façon plus personnelle cette exposition, quelques photos venant des archives familiales qui m’ont été confiées par ma belle-mère
La famille paternelle de mon époux n’était pas spécialement riche, le grand-père, un rêveur n’ayant pas manifesté de talent particulier dans son état de commerçant !
Mais pour la séance chez le photographe, la grand-mère a revêtu ses enfants de vêtements de circonstance
Kimonos de cérémonie pour le bébé, avec Hakama (pantalon) porté sur le kimono pour le grand frère
La suite de l’article sera consacrée à des kimonos moins luxueux et à quelques pièces d’habillement d’usage quotidien de la collection de madame Nakano
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