Teinture traditionnelle de textiles
Le « Shibori » est une technique de teinture à la réserve connue depuis des siècles dans beaucoup de pays
On suppose qu’elle était connue en Inde avant notre ère, car on en trouve des traces sur les fresques d’Ajanta
La Chine au Ve siècle la pratiquait sur la soie. Quand aux civilisations pré-incaïques du Pérou, elles teignaient par cette méthode du coton
Le terme japonais « Shibori » devenu si populaire est actuellement utilisé pour désigner cette technique de teinture dans le monde entier
Mais il n’y a qu’au Japon où ce procédé, par le raffinement des dessins et des couleurs, soit devenu un art à part entière
Les plus anciens textiles teints avec cette méthode au Japon datent du VIIIe siècle, par leur rareté et leur préciosité, ils étaient réservés aux dais et bannières lors des cérémonies bouddhiques
Puis les techniques et le savoir-faire des artisans teinturiers évoluèrent pour atteindre une maîtrise de cet art quelques siècles plus tard
A une époque qui correspond à notre Moyen Age, les classes nobles dirigeantes revêtent de somptueux kimonos de soie teints en Shibori, marque de richesse et de prestige
Les classes populaires, quant à eux, n’ont droit qu’au coton « Aizome » pour vêtements mais teints aussi avec cette méthode
La classe montante des négociants se verra interdire le port de vêtements teints de cette manière, trop ostensiblement luxueux et il faudra attendre que le monopole de la teinture réservé à Arimatsu, au centre du Japon et à Kyoto, tombe à la fin du XIXe siècle pour que la technique se répande dans tout le pays et que des centaines de nouveaux dessins soient créés
Après un lent déclin, les années d’après guerre voient un regain de popularité pour cette pratique si élaborée et actuellement Arimatsu proche de Nagoya est devenu un centre actif pour la vente de textiles shibori
Il existe même dans cette ville une fête spéciale en juin en l’honneur du Shibori où des démonstrations des différentes techniques sont enseignées, les rues du centre ancien de la ville se voient égayées par des expositions de kimono teints en Shibori évidemment
Le terme « Shiborizome » nom exact au Japon, vient du verbe « Shiboru » : tordre, plisser, presser et de « Someru » : teindre
Trois techniques principales sont utilisées : nœuds ligaturés avec des fils, couture et toutes sortes de pliage fort élaborés, avec ou sans l’aide de bâtonnets de bambou ou de bois, donnant une diversité inouïe de dessins sans cesse renouvelés
Les pièces de tissu sont soit immergées complètement ou en partie dans les bains de teinture, soit recouvertes de couleur au pinceau de façon aléatoire
Les ceintures des kimono de mon mari sont très usées, car ayant déjà servies avant lui à son père, mais je les garde précieusement comme un souvenir familial auquel je reste très attachée
Le dessin le plus populaire s’appelle « Kanoko shibori » par allusion au pelage tacheté des petits des daims
Cette technique de teinture avec nouage est particulièrement appréciée pour la confection de kimonos de célébration des 20 ans d’une jeune fille ou de kimonos de mariage, car les daims étant des envoyés des dieux dans la mythologie shinto, c’est se placer sous de bons auspices que de revêtir pareil symbole
Les « Kanoko shibori » existent dans toutes les couleurs, seuls ou associés à une multitude d’autres motifs
Ce motif si simple d’apparence permet tout un jeu de combinaisons avec les autres techniques, ou avec les bases des tissus à teindre
Une pièce de tissu pour un kimono, soit 12 m de long sur 36 cm de large, peut contenir jusqu’à 100 000 nœuds liés avec le motif simple du Kanoko shibori !
Et il faut environ 1 mois pour arriver à nouer tout le tissu !
Il est très long de faire les nœuds mais aussi très fastidieux d’enlever les fils après la teinture en espérant ne pas couper le si précieux tissu !
Le kimono obtenu devient un objet de luxe et de ce fait reste très onéreux
Chaque style porte un nom, comme les motifs rayonnant, carrés, en petits grains, en toile d’araignée, il y en a une bonne centaine !
La méthode classique du coton aussi traité de cette manière et plongé dans les cuves d’indigo « Ai shibori » donne des résultats captivants
Ce travail de nouage se fait toujours à la main, pourtant il existe une méthode qui permet de travailler un peu plus rapidement, en utilisant un crochet sur lequel on place chaque partie du tissu où la ligature doit se faire, le travail y gagne environ un tiers d’économie de temps
Généralement, les reliefs ainsi obtenus ne se repassent pas, on les détend avec beaucoup de vapeur des deux côtés
Tous ces tissus de ma collection seront peut-être un jour coupés pour en faire un quilt, mais pour l’instant, je me contente de les conserver tel quels comme témoignages d’un art unique qui je l’espère va perdurer
Utilisation de shibori pour un petit quilt-ici-
Article actualisé en 2013 après le voyage à Arimatsu, « capitale » du shibori-ici-