Les tissus que j’utilise pour mes travaux de patchwork entre autres sont des tissus japonais anciens et proviennent de kimonos usés ou tachés donnés par ma famille japonaise ou encore de chutes, généralement de soie, trouvées en parcourant les petits magasins et les brocantes
Sur les marchés aux puces de Kyoto, parmi d’innombrables textiles d’époques récentes, il est possible de trouver des kimonos d’enfants destinés à être portés pendant les jours de fête et pendant la célébration de Shichi-go-san, litt. sept-cinq-trois ans, au moment où les enfants arrivés à cet âge, habillés de vêtements traditionnels très colorés, sont emmenés au sanctuaire shinto pour remercier les Kami de leur protection
Ces kimonos sont toujours décorés de motifs auspicieux symbolisant longue vie et prospérité souhaitées pour chaque enfant
Mais selon les époques, le style des décors des kimonos suivent la mode en cours, ainsi le kimono rose datant des années 1950-1960 est encore assez sobre dans des couleurs douces même si le rouge, couleur de la joie, se fait omniprésent, les motifs sont encore très classiquement japonais
Sur le kimono vert plus récent et datant des années 1990-2000, les motifs imbriqués sont devenus plus nombreux et plus colorés, de nouveaux dessins comme les grosses roses empruntés au style de l’Occident voisinent avec les motifs de tradition japonaise dans des couleurs devenues assez tape-à-l’œil !
Un kimono se compose de longs rectangles de tissu, chaque côté du devant ayant son prolongement dans le dos, chaque lé se trouve plié au-dessus des épaules sans coutures
Les motifs imprimés en continu sur l’étoffe se retrouvent donc logiquement tête-bêche
Pour prolonger mon propos…
Tous les guides de voyage au Japon recommandent d’aller au Nishijin ori Kaikan, centre de tissage Nishijin à Kyôtô, renommé pour ses informations sur les précieux tissages de soie
Las, le centre est plutôt un grand magasin de souvenirs pour touristes pressés, les textiles vendus avec le label « Esprit de Nishijin » ne sont que de jolies soies imprimées !
Et je ne suis pas sûre que cela soit fabriqué au Japon !
Les tissages de soie de Nishijin réputés à juste titre pour leur savoir-faire et leur beauté étaient représentatifs de la Momoyama bunka, et plus précisément des cinq années de la Genroku bunka, la culture de l’ère Genroku, considérée comme l’Age d’or de la civilisation japonaise de l’époque Edo
Si à Nishijin étaient confectionnés les somptueux kimonos de la société de Cour et ceux toujours revêtus par les acteurs du théâtre Nô, actuellement les artisans y tissent surtout les Maru Obi, les précieuses et très coûteuses ceintures de kimono mesurant plus de quatre mètres sur une largeur de 70 cm
Kyôtô connut au XVe siècle, pendant la guerre d’Ônin, une succession de combats fratricides qui détruisirent une grande partie de la ville
Les tisserands alors se réfugièrent en province et ne revinrent s’installer dans la vieille capitale que plusieurs années plus tard…
…pour reprendre leur activité, protégés par les défenses de l’Armée de l’Ouest stationnant dans cette partie de la ville, le quartier de Nishijin, le Camp de l’Ouest, en a gagné sa toponymie
L’activité tisserande, enrichie d’un savoir-faire venu de Chine pendant l’époque Edo, amorça pourtant un déclin à la fin du XIXe siècle en raison des coûts pharamineux de sa production …
…avant que de nouvelles techniques venues d’Europe ne réussissent à sauvegarder cette tradition centenaire
Des métiers à tisser Jacquard furent importés de Lyon et sont encore employés presque exclusivement à Nishijin aujourd’hui, même si des œuvres originales demandant un savoir-faire unique sont encore tissées minutieusement sur des métiers à l’ancienne, respectant l’antique tradition
Les dessinateurs pour kimonos et Obi confient leurs croquis mis en couleurs aux tisserands qui se chargent de réaliser de grands échantillons comme essais avant leur mise définitive sur les métiers
Quelquefois, il est possible de se procurer quelques uns de ces échantillons … si la chance sourit !
N B : Malgré les nombreuses demandes que je reçois pour obtenir des adresses et des « bons plans » de recherche textile, je ne peux donner aucun renseignement valable, les offres de textiles fluctuant de façon peu fiable au cours des années aussi bien en France qu’au Japon