Ninna-ji – II-

Voyage de printemps à Kyôto – Ninna-ji autre articles : I | II | III | IV

Watari rôka (le corridor) dessert le Kuro shoin (bâtiment en retrait) dont les portes coulissantes ouvrent sur les petits jardins intérieurs

Si le Shiro shoin (article précédent) est l’habitation habituelle du Supérieur du temple, le Kuro shoin quant à lui sert aux entrevues et aux audiences privées

Kuro shoin
Le bâtiment est couvert d’un Irimoya zukuri (toit à demi-croupe de facture traditionnelle)

Pour les 1000 ans de la prise de fonction d’Uda tennô au monastère et les 1100 ans de la fondation de la secte Shingon par Kobo Daishi, une pièce spécialement surélevée fut consacrée à des célébrations sous le gouvernement de Meiji

Kuro shoin
Jôdan no ma (pièce surélevée) aménagée en l’honneur du fondateur

La décoration des Fusuma fut commandée au peintre Dômoto Inshô (1891-1975) qui les réalisa en 1931

Kuro shoin
Shunsô no ma (chambre des herbes d’automne)

Peintre formé à Kyôto aux arts traditionnels, il dessina des motifs pour textiles avant de se consacrer à la décoration intérieure de nombreux temples de Kyôto

Bouddhiste convaincu, il ébauchait ses peintures après s’être au préalable purifié l’esprit en récitant des sûtra et le corps en s’aspergeant d’eau glacée même en plein hiver !

Kuro shoin
Peintures de Dômoto Inshô illustrant les quatre saisons, avec pins, bambou, saule et herbes d’automne

Pour le Ninna-ji, des peintures vigoureuses dans le style de l’école Kanô (style traditionnel de peinture décorative) furent envisagées mais Dômoto peignit de façon délicate sur les Fusuma dans le style Nihon-ga des thèmes classiques, paysages, peintures de fleurs et d’oiseaux, ce qui lui valut beaucoup de succès

Kuro shoin
Détail de Kachô-ga (peintures de fleurs et d’oiseaux)
Sujets conventionnels de style purement japonais

Après la guerre, il voyagea en Europe et changea radicalement de genre, abandonna les peintures de style japonais et s’inspirant de la modernité occidentale, s’adonna avec des couleurs intenses au cubisme puis à la peinture abstraite tout en conservant des matériaux japonais typiques comme les fonds d’or

Kuro shoin
Matsu no ma (chambre des pins)
Motif de pins traité en Sumi-e (peinture à l’encre de chine)

Son utilisation des couleurs fut révolutionnaire en son temps et amena l’art japonais vers une nouvelle direction …même si son style traditionnel garde encore beaucoup d’admirateurs…dont je fais partie !

 

Kuro shoin
Détail des poignées permettant de faire glisser les Fusuma

Le Shinden, bâtiment le plus important de Ninna-ji est réservé aux rites bouddhiques sous l’autorité du Supérieur du temple

Façade Nord du Shinden
Le toit Irimoya zukuri (style de toit) est coiffé de Hiwada buki (bardeaux d’écorces) provenant de bois d’Hinoki (cyprès)

Le Shinden primitif de Ninna-ji détruit dans un incendie en 1887 fut reconstruit en 1914 à l’époque Meiji afin de remplacer le Shiro shoin qui servit provisoirement de salle pour les cérémonies religieuses

La façade Sud du Shinden est dotée de grands volets se rabattant pour protéger les cloisons extérieures

Le style architectural du Shinden correspond au Shoin zukuri, modèle de résidence aristocratique, développé un siècle plus tôt et qui devint la norme des constructions résidentielles pendant la période Edo

Shinden – Engawa, la galerie de circulation enserrant la façade

Le Shinden est couvert d’un toit en demi-croupe recouvert de bardeaux d’écorce, d’une véranda sur pilotis pourtournante, de portes centrales en bois plein et à claire-voie et des portes latérales avec des ouvertures à abattants

Shinden – Shoji ouvrant sur la véranda

Les cloisons extérieures sont faites d’un bâti de bois tendu de papier translucide et protégées des intempéries par d’épaisses cloisons amovibles

Shinden -Cloisons et portes de la galerie

Dans le type d’installation Shoin zukuri, s’ouvrent sur la véranda les pièces de réceptions luxueusement décorées, séparées par des Shoji (portes coulissantes) recouverts de peintures ornementales sur leur face interne

Shinden – Grande pièce pour les services religieux importants avec au fond, un Chôdaigamae (estrade surélevée)

Le décorum somptueux se trouve en pleine affinité avec l’image aristocratique d’un temple dont les Monzeki (Supérieur du temple) étaient issus d’une lignée impériale

Détail du Chôdaigamae, estrade (ici derrière les vantaux peints) où prend place un personnage important lors du cérémonial

L’aménagement comporte de façon systématique des tatamis au sol, des plafonds à caissons, des Fusuma (cloisons mobiles) décorés de peinture, souvent une Jôdan no ma (pièce surélevée) utilisée pour les réceptions et un Tokonoma (alcôve)

Shinden – Tokonoma (alcôve) complété de Chigaidana (étagères pour recevoir des objets précieux)

Même dans une ombre propice, la décoration toute de faste et de magnificence des différentes pièces intérieures resplendit de tous ses ors !

Shinden – Fusuma décorés de peintures illustrant la saison
Les cerisiers en fleurs du printemps là aussi !

Dans le Shinden où les pièces se succèdent, les cloisons coulissantes séparent la pièce d’apparat des autres salles en ménageant dans la hauteur des espaces à claire-voie décorés de Ranma, frises décoratives aux dessins complexes en bois ajouré

Shinden – Ranma, imposte de la salle de réception

Les motifs sculptés de ces bandeaux décoratifs sont d’une diversité inouïe !

Je n’en ai jamais photographié deux semblables parmi les nombreux temples visités !

Shinden – Les Ranma laissent passer la lumière et les vents coulis !

Les peintures des Fusuma sont l’œuvre du peintre Hara Zaisen qui les exécuta en 1914 au moment de la reconstruction du Shinden

Hara Zaisen (1849-1916) était peintre de la quatrième génération de Hara-ha (école Hara) fondée par son aïeul Hara Zaichû (1750-1837), élève du célèbre Maruyama Ôkyo qui modernisa au XVIIIe siècle, influencé par l’art pictural occidental, la manière de peindre les thèmes immuables de « fleurs et oiseaux « 

Shinden – Représentation de la vie courtoise de l’époque Edo

Hara Zaichû étudia méthodiquement la peinture chinoise de paysage et en renouvela l’union avec l’Ukiyo-e, le style japonais traditionnel

Shinden – Détail des Fusuma
Le déplacement d’un Daimyô avec le cortège de sa suite

Hara Zaisen peignit les Fusuma de Ninna-ji en y appliquant la méthode de précision extrême préconisée par l’école Hara, pour des thèmes choisis correspondant au décor d’un Shinden attaché à la maison impériale

Détail – Divertissement en bateau !

Les sujets abordés s’inspirent des peintures contemporaines de l’époque Edo, reflétant les distractions de la classe aristocratique et les fêtes au fil des saisons

Détail d’un bateau

Les représentations de motifs floraux, sujets emblématiques de la peinture décorative de l’époque Edo …

Shinden – Les Shoji (cloison mobile) ouvrant à l’extérieur sur l’Engawa (la véranda)

…d’une précision méticuleuse se détachent sur des fonds dorés à l’extrême !

Détail de la partie basse des Shoji

Même sur les panneaux en bois naturel fermant la galerie longeant le Shinden, la diversité des thèmes décoratifs est surprenante !

Shinden – Scène de Gagaku (danse aristocratique) sur une estrade en plein air

Si je suis restée éblouie par tant de solennité un rien clinquante ! je me suis aussi attardée sur tous ces détails qui ne laissent pas de m’enchanter car…

Détail de la décoration d’un devant d’autel

…dans l’édification de ces somptueux appartements pour religieux princiers, aucun détail ne fut laissé au hasard !

Poignée au décor végétal stylisé pour faire glisser les Fusuma

Le prochain article descendra au jardin !

Le prochain article exposera des Printemps à Kyôto –  Ninna-ji
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Japon – Printemps à Kyôto –  Ninna-ji :
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