Voyage de printemps à Kyôto
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Visite par une journée de printemps ensoleillée mais très fraîche du Ninna-ji ou temple de l’ère Ninna qui se situe au Nord-Ouest de Kyôto, dominé par la nature omniprésente de Nishiyama (les montagnes de l’Ouest)
Ce temple reconstruit au début de l’époque Edo, est l’héritier du Nishiyama Gogan-ji (temple du souhait de l’empereur) édifié à la fin du IXe siècle pendant l’ère Heian
Souhaité par l’empereur très âgé Kôkô, il fût finalement construit en 886 par son successeur Uda Tennô, (l’empereur Uda) la ferveur populaire le désignant sous le nom de Omuro Gosho (lieu où se trouve le Tennô)
Le temple achevé, le vocable de Ninna-ji (temple de l’harmonie et de la paix) lui fut attribué d’après le nom du règne, si court de quatre ans, de l’empereur Uda
L’empereur Uda se retira des affaires de l’état après quatre ans de règne, entra en religion et devint le Supérieur du monastère dont les successeurs furent tous choisis parmi les membres apparentés à la famille impériale
Les Monzeki, les abbés de lignée impériale, tinrent la charge de Supérieur du temple pendant trente générations, presque 1000 ans, jusqu’en 1867, au moment de la restauration de Meiji
Pendant la désastreuse Ônin no Ran (la guerre d’Ônin) en 1468, les bâtiments de la capitale Kyôto furent presque entièrement anéantis, le Ninna-ji ne put sauver que quelques précieuses statues dont celle d’Amida Nyorai (Bouddha solaire) qui ne sont dévoilées qu’en certaines occasions
Le Ninna-ji est dévolu au Shingon Mikkyô de l’école Omuro-ha, secte bouddhique ésotérique, adepte d’un enseignement initiatique utilisant les mandara (mandala) comme représentations de l’univers
Pendant la période de paix au début de l’époque Edo, les temples les plus importants de Kyôto furent reconstruits dans le style architectural de l’époque Momoyama précédente
Le Ninna-ji fut rebâti en 1634 sous le patronage et avec les subsides alloués du troisième Shôgun, Tokugawa Iemitsu, mais suite à des incendies ultérieurs, la majeure partie des bâtiments composant le complexe monastique est d’époque beaucoup plus récente
Ni-ô Mon, la grande porte d’entrée, construite de 1641 à 1645, figure parmi les trois plus grandes portes d’entrée de temple existantes encore à Kyôto
L’entrée se franchit en passant sous la porte monumentale à deux étages dont le niveau supérieur se trouve doté d’une balustrade, la longue façade surélevée par de grands degrés comporte cinq baies dont les trois centrales permettent l’accès au temple
Le nom de la porte est associé aux Ni-ô zô chargés de la garder de chaque côté, ces deux impressionnantes effigies de demi-dieux statufiées dans des attitudes menaçantes sont chargés de repousser les esprits malfaisants
Au Ninna-ji, le nom de la porte fait référence également aux deux toits (Ni=deux) d’inégale longueur
L’association de ce couple de Ni-ô zô représente la puissance de la Loi bouddhique régissant le cosmos tout entier
Ces figures en pierre de Edo jidai (époque Edo) sont les ultimes avatars des étonnantes sculptures en bois peint qui gardaient la porte du principal temple bouddhique de Nara, cinq cents ans auparavant
Dès l’entrée dans le Honden (bâtiment principal) un Ikebana évoquant la saison rappelle qu’Omuro ryû est une école d’arrangement floral liée au temple et assez élitiste !
Des démonstrations d’arrangement floral ont lieu, au moment des célébrations, sous le regard attentif de la communauté monastique
Les divers bâtiments se visitent en pied, en ôtant ses chaussures évidemment ! et rangées dans les étagères prévues à cet effet…
…alors que, assis sur les tatamis, la vue sur les jardins devient bien plus attrayante !
Le long des galeries ouvertes d’un côté sur les jardins, se succèdent les unes après les autres les pièces du Shiro shoin (premier bâtiment)
Le Shiro shoin après un énième incendie fut reconstruit dans les années 1887-1890 de l’époque Meiji
Les architectes, pour la structure des pièces en enfilade, ont eu recours au bois d’Hinoki (cyprès) de couleur brun clair laissé naturel
Les Fusuma (cloisons mobiles coulissantes) sont décorés de scènes illustrant les quatre saisons, réalisées en 1937 par le peintre Fukunaga Seihan (1883-1961)
Fukunaga Seihan fut un peintre farouchement indépendant et bien qu’il étudia les humanités chinoises classiques, qu’il voyagea en Europe pour étudier la peinture occidentale, n’exposera jamais ses œuvres en public
Fukunaga Seihan possède un sens brillant de la composition, mélange de réalisme sobre et presque d’abstraction, esthétique favorite des peintres œuvrant dans le style Nihon-ga (style purement japonais) dans les premières décennies du XXe siècle
Son étude attentive de la nature lui permet de rendre palpable l’écorce des tronc noueux des pins ou l’écume de l’eau sur les rochers, ces motifs semblant flotter dans les brumes de poussière d’or mouchetant les Fusuma
Une pièce affiche le style décoratif des résidences nobiliaires développé au XVIe siècle, le Shoin zukuri devenu la norme dans l’architecture à l’époque Edo
Le Ninna-ji, temple affilié à la secte ésotérique Shingon, révère la figure d’Amida Nyorai (grand Bouddha solaire) et pratique l’enseignement de la doctrine à l’aide des mandara (mandala) qui servent aussi de supports à la méditation
Shiro shoin – Mandara habituel de Shingon-shû
Les divers bâtiments composant le Ninna-ji communiquent entre eux par des passages à claire-voie mais voûtés de charpentes
Les Watari rôka (couloirs) sont d’une praticité extrême car ils permettent aux moines d’être abrités pendant qu’ils vaquent à leurs occupations d’un endroit à l’autre !
En empruntant ces passages en bois pendant la déambulation, le sentiment de planer au dessus du sol en contrebas laisse une impression d’étrangeté fort divertissante !
Ces Watari rôka séparent de part et d’autre de très petits jardins, longent des ensembles réservés à l’administration du monastère avant d’amener les visiteurs au seuil des édifices suivants
Les balustres du corridor démontrent le raffinement mis en œuvre dans une construction prosaïque conçue pour la commodité…mais nous sommes au Japon !
Quelques portes au bout des galeries couvertes restent obstinément closes mais leur décor ravissant atténue la déception !
Parcourir les longs corridors ménage des pauses pour observer tant d’infimes détails…
…où le goût décoratif des Japonais sublime au plus haut point les objets de la vie quotidienne
Watari rôka nous amène vers la suite de la visite…
Encore des peintures dans le prochain article…Le Ninna-ji recèle bien des splendeurs !
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