Voyage d’automne à Arimatsu
Japon – Voyage à Arimatsu : 1 | 2 | 3 | 4
Ultime article sur la visite d’Arimatsu lors d’une belle journée automnale
Ce sanctuaire shintô dédié à Sugawara no Michizane déifié sous le nom de Tenjin sama, bâti sur une colline boisée au nord d’Arimatsu, est celui d’une petite ville mais il est représentatif de beaucoup de temples shintô rencontrés partout au Japon
Les sanctuaires shintô sont tous précédés par des Torii signalant l’entrée dans un espace sacré, généralement au nombre de trois, ils peuvent être beaucoup plus nombreux
Les sanctuaire shintô étant toujours édifiés au sein de la nature, en général le chemin est long avant d’arriver aux saint des saints, la longue progression permet de se libérer de ses pensées frivoles afin de se préparer à entrer dans un monde sacré
La montée au sanctuaire ne se fait pas en ligne droite, une arrivée trop directe est considérée comme un manque de respect envers les Kami, aussi le chemin doit-il marquer un coude au moins une fois avant d’aborder les bâtiments les plus élevés
La purification est une exigence fondamentale du shintoïsme, aussi dans nombre de sanctuaires, l’eau d’une rivière ou d’un ruisseau se révèle une barrière naturelle purificatrice, mais en l’absence d’un cours d’eau un bassin d’eau pure alimenté par une source le remplace généralement
Afin de se purifier, l’eau est puisée à l’aide de grandes louches en bambou ou en métal, en trois temps, pour se rincer la bouche puis la main gauche et enfin la main droite avant d’accéder au domaine des divinités
Les sanctuaires shintô de montagne, à Arimatsu une colline, alignent de longs escaliers qui se répartissent en plusieurs volées de marches, les paliers permettent aux pèlerins et aux touristes aventureux de souffler un peu avant de continuer l’ascension !
Tout au long de la montée, des lanternes de pierre offertes par les dévots, servaient, quand autrefois elles étaient allumées, à éclairer le chemin pour les fidèles…
…elles ne sont plus de nos jours, dans une grande diversité de formes, que des ex-voto installés aux abords des sanctuaires
Un tout petit sanctuaire shintô, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, était abrité dans l’enceinte du grand temple bouddhiste d’Arimatsu mais en 1810, les prospères négociants en Shibori décidèrent d’édifier, pour abriter les Kami, des bâtiments plus importants sur cette colline
Des étendards teints en shibori ponctuent chaque côté de la montée, offerts par les notables de la ville, ils bruissent joyeusement en signalant le mérite des généreux donateurs dont la manne financière permet l’entretien du sanctuaire
Les animaux fabuleux empruntés à la mythologie chinoise, installés à l’entrée des lieux sacrés sont chargés de veiller sur le site en chassant les mauvais esprits
Les chiens-lions très expressifs veillent de chaque côté d’un dernier Torii, au mi-temps de la montée, ces animaux mythiques, dotés d’une force invincible, viennent d’ailleurs de l’univers bouddhique, mais les sanctuaires shintô ont emprunté la coutume pour en faire les gardiens de la demeure des Kami
D’autres couples de ces animaux légendaires leur succèdent un peu plus haut, le Koma inu à la gueule fermée symbolise l’endurance tandis que le Kara shishi, la gueule ouverte exprime la puissance et la force vitale
On charge aussi ces animaux surnaturels de garder les trésors du sanctuaire, symbolisés par le joyau tenu sous la patte gauche, sphère qui peut aussi être considéré comme une image de l’univers
Même si le style de leurs représentations est toujours immuable, je m’amuse souvent à y discerner nombre de détails dont les dotent certains sculpteurs doués d’une imagination fantaisiste
La réalisation d’un vœu est un prétexte à la visite au sanctuaire, contre une modeste obole, les Ema tablettes votives sur lesquelles sont inscrits les souhaits demandés aux Kami sont ensuite déposées près de l’entrée
Le saint des saints n’est pas accessible au public, la dernière étape des pèlerins s’arrêtent devant la porte de l’enceinte qui entoure et protège le bâtiment le plus sacré
Devant cette porte, le fidèle aperçoit seulement le bâtiment intérieur, demeure du Kami, dans lequel il ne pénètre pas, les dévotions au sanctuaire d’Arimatsu s’effectuant à cet endroit
Bien que le Honden, le bâtiment le plus sacré du sanctuaire soit shintô, l’architecture du toit recouvert de tuiles a emprunté le style habituel des temples bouddhistes de l’obédience zen
Au travers de la porte de bois, une vue est pourtant ménagée vers le saint des saints qui reste hermétiquement clos
Des chiens-lions, également offerts par les fidèles, veillent de chaque côté de la porte du Honden
Avec ce nouveau duo je me suis amusée à compter en tout dans le sanctuaire sept couples de ces gardiens vigilants, l’esprit de Tanjin sama, quant il lui plaira de descendre dans sa demeure, sera bien gardé !
Les petites « fenêtres » qui ménagent une vue sur le Honden sont découpées en forme de fleur de pêcher, fleur que Michizane affectionnait beaucoup, on raconte même que dès qu’il partit en exil, un pêcher auquel il était particulièrement attaché se déracina pour aller le rejoindre !
Sugawara no Michizane, haut dignitaire et grand érudit de l’époque Heian au début du VIIIe siècle fut nommé ministre à la cour de Kyôto mais des rivaux, jaloux de son influence, l’accusèrent de complot contre l’empereur, il fut par conséquent exilé dans l’île de Kyûshû où il mourut de désespoir au bout de trois ans sans cesser de proclamer son innocence et sa fidélité à l’empereur
Après sa mort, divers évènements dramatiques comme des incendies et de nombreux décès dans la famille impériale furent attribués à l’esprit vengeur de Michizane
Afin d’apaiser son ressentiment, on le réhabilita officiellement et on lui conféra à titre posthume les plus hautes dignités puis on le déifia comme Kami de la littérature sous le nom de Tenjin sama
D’innombrables sanctuaires lui sont consacrés dans tout le Japon où il est vénéré comme dieu de la calligraphie et des belles-lettres
Si l’histoire légendaire de Sugawara no Michizane est fertile en évènements merveilleux, son existence reste surtout attaché à l’Ushi, bœuf ou vache car en japonais Ushi désigne indifféremment l’un ou l’autre
Il était né et avait célébré sa majorité l’année de l’Ushi, avait été sauvé d’une embuscade tendue par ses ennemis grâce à la charge furieuse d’un taureau qui tua le chef des agresseurs, avait ramené chez lui une vache blanche « au regard humain » perdue en forêt, enfin d’autres histoires tout aussi symboliques afin de personnifier le travailleur infatigable au caractère doux et paisible
On raconte qu’au moment de ses funérailles, les bœufs qui tiraient son char funéraire refusèrent obstinément d’aller au-delà d’une certaine limite, là même où son premier sanctuaire fut construit
Dans tous les sanctuaires dédiés à Tenjin sama, les vaches ou bœufs devenus son animal tutélaire, sont toujours représentés en effigie de pierre
Tenjin sama est le Kami invoqué par les étudiants soucieux de réussir leurs examens, il est de ce fait devenu extrêmement populaire !
Dans ce Jinja d’Arimatsu, petit sanctuaire, les sculptures de pierre y sont plutôt frustes, bien différentes artistiquement des grands sanctuaires de Kyôto, mais tel qu’il est sur sa petite colline boisée, au milieu des chants d’oiseaux, il nous aura favorisé le temps d’une matinée ensoleillée, un moment de paix méditative
Le prochain article à venir évoquera aussi le textile : le Kogin à Aomori
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Japon – Voyage à Arimatsu :
centre historique de la teinture Shibori
Capitale du Shibori
Le quartier ancien des négociants en shibori
Le sanctuaire shintô Arimatsu Tenmansha