Voyage d’été à Hikone
En montant à l’intérieur du château, malgré la pénombre, la chaleur était accablante, les planchers de bois étaient si chauds sous les pieds nus ! Eh ! Oui même dans les châteaux, on est prié d’ôter ses chaussures !
Reliant les étages, d’étroits escaliers presque verticaux aux très petites marches rendent la montée extrêmement rude, il vaut mieux les attaquer de profil mais la descente a ménagé bien des fous-rires au sein des visiteurs-grimpeurs intrépides !
L’architecture traditionnelle du Japon repose entièrement sur l’utilisation du bois et la technique de construction des charpentes résulte d’une très ancienne connaissance
La pierre (exception faite pour le soubassement des châteaux) et la brique ne furent utilisées seulement qu’à la fin du XIXe siècle
Les piliers de soutien du toit ont la plus grande importance, les murs extérieurs comme intérieurs sont pratiquement inexistants, formés d’un léger lattis de bois recouverts d’une épaisse couche de plâtre, ils structurent l’espace entre les piliers par des cloisons mobiles, coulissantes
Le bois n’est pas peint, car laissé à nu il supporte mieux les écarts de température, l’humidité récurrente au Japon fait que les colonnes de large diamètre sont souvent fendues afin de permettre au bois de gonfler sans se déformer
Grâce à ces techniques éprouvées, et à la légèreté des édifices, lors des tremblements de terre, les bâtiments peuvent suivre les mouvements du sol en se déformant légèrement mais ne s’écroulent pas
Ainsi les assemblages des charpentes fort complexes qui ne comportent ni clous, ni vis, ni colle peuvent jouer librement en glissant les unes sur les autres sans compromettre leur solidité
Les poutres horizontales assurent la verticalité des piliers et la solidité de la structure est renforcée par des pièces de bois qui les relient et les soutiennent
Les énormes poutres de bois étaient souvent acheminées depuis le nord du Tohoku, de la région d’Aomori là où poussent les Hiba, une sorte de cyprès dont les troncs bien droits se révélaient excellents pour les charpentes
Les incendies, par contre, ont toujours été catastrophiques pour ces architectures entièrement de bois, mais la précarité des constructions était naturellement intégrée à un mode de vie proche de la nature où rien n’est durable et sujet à une dégradation inéluctable
Cette philosophie de la vie, bien propre au Japon, fait que toutes les constructions sont refaites périodiquement, avec les techniques ancestrales, et à l’identique
Le Mon des Daimyô du clan Ii représente la fleur de tangerine (une espèce de mandarine) fruit très parfumé venant de Chine, inconnu au Japon à cette époque
Les petites meurtrières, pratiquées dans les murs, de formes diverses, ici triangulaires, étaient destinées à décharger sur l’assaillant un feu nourri d’arquebuse et de mousquet
Les solives des toitures sont recouvertes de planchers de bois puis de tuiles en terre cuite qui apportent une touche pratique bien sûr mais surtout de l’élégance
C’est de Chine, par l’intermédiaire de la Corée que vint la technique de cuisson des tuiles et l’habitude d’en couvrir les toits, la tradition japonaise privilégie aussi les toits de chaume et les bardeaux d’écorce
Le Daimyô, contrairement aux habitudes des seigneurs de notre Moyen Age, ne résidait pas dans le donjon en temps ordinaire, celui-ci abritait les soldats de la garde et servait à entreposer les munitions et les vivres indispensables en cas de siège
La résidence seigneuriale, nécessairement entourée d’un grand jardin se trouvait dans la dernière enceinte, au pied du donjon et à l’abri assuré par le dispositif de défense de la citadelle
La ville de Hikone, située sur une rive du lac Biwa, le plus grand lac du Japon, a prospéré grâce notamment au commerce du riz qui était transporté jusqu’aux ports lacustres
Recherchant un semblant de fraîcheur, nous avons beaucoup apprécié le dispositif mis à la disposition des touristes accablés par la chaleur
Sur le terre-plein du donjon, sous un léger auvent de roseaux, un ingénieux système de brumisation !
Une petite halte tout en haut de la colline, et en l’absence de vent coulis, nous avons savouré quand même une ombre bienfaisante…
…A l’abri des grands et beaux arbres
Dans l’enceinte du château, un pavillon de thé nous a irrésistiblement attiré…
…pour un instant de repos et de sérénité
Construite de façon naturelle sans ostentation à la manière des « cabane au toit d’herbes » avec des matériaux simples, bois et bambous rappelant la campagne
La décoration très dépouillée, habituelle des pavillons de thé permet de se libérer des pensées frivoles et facilite la contemplation
Juste à côté du pavillon de thé, une grosse cloche laisse entendre cinq fois par jour un son sourd et pénétrant, une institution chère au cœur des habitants d’Hikone
La descente sur l’autre versant de la colline se parcourt au travers d’un sous-bois assez sec et caillouteux
La ville d’Hikone s’est constituée autour de son château et s’est peu à peu agrandie, elle en garde des quartiers anciens bien restaurés
Mais la ville construite autour de la citadelle ne s’est pas étendue de façon anarchique, une disposition hiérarchique stricte décidée par le Daimyô a décidé de l’aménagement de l’ensemble
Ainsi les maisons de Samurai se situaient aux abords immédiats du château, puis au-delà les citadins et les artisans se regroupaient par profession
Les douves extérieures du château ont été comblées au fil du temps mais la ville est en train de les réaménager, l’eau circule de nouveau comme dans un petit canal qui va se jeter dans le lac Biwa tout proche
La promenade en suivant le fil de l’eau, avec les vieilles maisons le bordant et les barques pour naviguer sur le lac nous a agréablement fait oublier pour un moment le béton et le macadam des rues surchauffées
Quittant Hikone, nous embarquâmes sur le lac Biwa pour une autre aventure…