Voyage d’été à Hikone
La paix qui suivit la fin des guerres civiles fut gagnée de haute lutte par le grand homme d’état Tokugawa Ieyasu qui imposa l’unité du pays sous son autorité
Ce nouveau Shogun récompensa la fidélité de quelques Daimyo en leur permettant de se faire construire un château pour renforcer le contrôle sur leurs terres
Ces citadelles militaires, postes de guet et de commandement en cas de bataille, en principe inexpugnables, commodes à défendre évoluèrent assez rapidement comme symbole de l’importance et de la puissance affichées du seigneur qui l’occupait
Le plan classique du château se compose d’un donjon à l’intérieur d’une première enceinte suivie par d’autres disposées selon les avantages stratégiques du terrain
Le château d’Hikone, fief du clan du grand feudataire Ii, construit dans les vingt premières années du XVIIe siècle, édifié comme une citadelle défensive n’a jamais eu à subir aucun siège ni assaut de l’ennemi !
Bien que les châteaux n’aient jamais été construits très hauts, d’énormes citadelles se seraient effondrées de manière catastrophique lors des tremblements de terre, le donjon de Hikone s’élevant sur le sommet d’une colline naturelle dominant la ville était considéré par les habitants comme le symbole de la cité
La fonction primordiale du château est de repousser une attaque de l’ennemi, donc à l’entourer d’un réseau complexe de fossés et de douves
Des tours de guet surveillaient l’intérieur de la forteresse où se trouvaient la résidence du Daimyô et les services administratifs du domaine
Les fondations des murailles et des remparts en gros blocs de pierre assuraient une défense supplémentaire
Certains se dressant même entre les passages et les clôtures d’enceinte, rendant la pénétration de l’ennemi extrêmement périlleuse, voire impossible
Plusieurs ponts sont naturellement prévus pour franchir les douves
Après ce pont, un petit sentier monte à l’assaut de la colline, longeant la deuxième enceinte qui ceinture le sommet de cette colline
Le sentier est constitué d’une longue volée d’escaliers de pierre, chaque marche est irrégulière de hauteur comme de profondeur, un peu éprouvantes à monter surtout avec la chaleur étouffante, même de bon matin, qui dépassaient ce jour-là les 35° à l’ombre !
Ces marches aussi incommodes ont été faites intentionnellement pour « casser » les jambes à de supposés soldats ennemis et rendre l’accès au château plus difficile
Des tours d’angles surveillaient chaque point stratégique commandant l’accès à l’ensemble du donjon, elles étaient reliées entre elles par des murs de pierres appareillées ou des galeries fortifiées
Les ponts-levis étaient rares, des passerelles en bois enjambaient les douves, on les détruisait en cas de siège afin d’éviter l’intrusion ennemie
La passerelle permettait d’arriver plus rapidement au donjon en temps de paix en survolant le chemin de garde, mais…
… Actuellement les amateurs de châteaux doivent continuer leur longue montée en cheminant le long de l’enceinte, il faut mériter le plaisir de la visite !
Heureusement, les Japonais toujours attentifs au besoin des touristes, ont prévu en haut du chemin une petite halte pour se rafraîchir !
Une boutique de souvenirs aussi, peut-être incongrue dans un domaine architectural classé, mais cette habitude marchande se retrouve partout au Japon (et je l’avoue, quelquefois bien agréable !)
Magasin où l’on peut acheter ses armoiries sur papier ou en métal doré, les armoiries au Japon, réservées primitivement à l’aristocratie militaire, se répandirent pour tous à la restauration de Meiji et n’importe qui peut choisir dans un vaste répertoire son insigne ou encore s’inventer son propre emblème
On ne peut accéder au donjon que par un chemin étroit et sinueux cerné par de hauts murs gardé par des entrées successives qui constituaient autant de miradors et de base de tir à l’époque des seigneurs Ii
Nous continuons à gravir la colline en franchissant de nouvelles douves, où entre des murs appareillés nous passons sous deux portes en chicane, ouvrant l’une sur l’extérieur et l’autre sur l’intérieur du château
Les chicanes multiples des portes et des passages étaient là pour éviter que les assaillants ne puisse progresser en ligne droite jusqu’à la dernière enceinte
L’entre-deux portes, forme un sas ou un réduit où l’on pouvait attirer et bloquer les assaillants pour les attaquer du haut des remparts
A l’époque héroïque du château, les assaillants ne pouvait atteindre le donjon…
…qu’après avoir franchi cette imposante entrée à deux étages fermée par de lourdes portes en bois bardées de fer …
…et traversé une seconde petite cour dans laquelle ils se trouvaient à portée de fusil ou de flèches des guetteurs
Autour de la dernière porte, les pentes des remparts de pierre, déjà fort raides se terminent vers le haut par un redoutable surplomb qui en rendait l’escalade plus difficile encore
Les bâtisseurs de châteaux choisissaient évidemment pour dresser leur donjon l’emplacement le plus élevé dans le dernier périmètre de la place forte
Ce donjon, enfin atteint ! domine l’ensemble du château de toute sa hauteur, 21 mètres, il offrait, à l’époque, le point de guet idéal à l’observation des mouvements de l’ennemi
Il est bâti sur un plan carré, isolé des autres édifices qu’il surplombe, accolé d’une tourelle ou d’un petit donjon constituant un « complexe simple » dans la classification des châteaux japonais en général à la structure plus élaborée
Les murs sont enduits de plâtre, à l’aide d’un mélange de chaux et de poudre de coquillages afin de protéger la bâtisse contre l’incendie
Le plâtre blanc crée un saisissant contraste avec les tuiles sombres des toitures et le bois noir des poutres et des volets des étages supérieurs
Le château construit en temps de paix a servi uniquement de résidence aux Daimyo, l’élégante décoration des extérieurs, surtout des toitures, mais aussi des intérieurs a pour cela été extrêmement recherchée
Le style d’architecture en vigueur au début de l’époque Momoyama (début du XVIIe siècle) est encore inspiré du style classique chinois mais l’adaptation donnée par les Japonais est tout à fait originale
Ainsi deux types de toits se côtoient dans un même bâtiment, le style Kara-hafu de forme convexe et le style Chidori-hafu de forme triangulaire, les deux typiquement japonais soulignent chaque étage
Les fenêtres cintrées, pareilles à celles de l’architecture zen, apportent un raffinement supplémentaire
L’emblème familial des Daimyo du clan Ii est abondamment représenté, sur les tuiles faîtières, et sous l’arc des toits
Les étroites meurtrières pratiquées dans les murailles du château étaient faites pour pointer les arquebuses sur l’ennemi, artistiquement réparties, elles ajoutent à la beauté de la structure
L’architecture des palais ou des demeures aristocratiques, était calquée essentiellement sur le modèle religieux des grands temples bouddhiques ou shintoïstes, le style de construction des châteaux est un bel exemple par contre d’une architecture séculière
La visite à l’intérieur, très sobre, du château sera pour le prochain article