Voyage d’hiver de Fukushima à Nagano –
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L’autocar emprunté pour nous emmener à Shôwa mura nous déposa bien à l’arrêt désiré mais situé au bord d’une route déserte au milieu de nulle part, la neige tombée en abondance brouillant tous les repères
Nous déambulâmes alors dans un monde de silence, entre des habitations hermétiquement closes, à le recherche de notre logis, retenu d’avance, pour y passer la nuit
Situé dans la région d’Aizu, la partie montagneuse de la préfecture de Fukushima, Shôwa mura, le village de l’ère Shôwa fut constitué par la réunion de deux hameaux en 1928, au tout début de l’ère Shôwa dont il hérita le nom de « Paix éclairée »
Shôwa mura pendant l’hiver disparaît sous ses deux mètres de neige accoutumés, paralysant les activités habituelles d’un monde rural qui ne reprennent qu’au moment de la fonte des neiges seulement vers la mi-mai
Le village de Shôwa est constitué en majorité de Nôka, grandes fermes habitées par des agriculteurs qui, le printemps venu s’affairent dans les nombreuses rizières ainsi que dans les champs cultivés en sarrasin
Les Minka, ces habitations populaires de la campagne aux grands toits de chaume traditionnels des pays de neige de la préfecture de Fukushima, sont en voie de disparition, sauf dans les villages à visée touristique où bien restaurées et leur couverture de paille naturelle soigneusement reconstituée témoignent d’un mode de vie qui appartient déjà au passé
Ces maisons n’abritant plus de famille paysanne sont devenues des conservatoires pour les arts et traditions populaires
Shôwa mura possède encore beaucoup de maisons traditionnelles mais leur entretien devient problématique, la population rurale vieillissante manque cruellement de moyens financiers pour entretenir ces fermes constituées majoritairement de bois et de pisé, dont les lourdes toitures de chaume demandent à être renouvelées régulièrement
Alors même dans un village à vocation paysanne de presque 1400 habitants, où les famille se réduisent à une petite cellule familiale, les fermes se transforment en élégantes maisons semblables à celles des citadins où le confort devenu légitime à notre époque ne sera plus exclu !
Les campagnes japonaises changent alors d’aspect, des maisons toutes semblables se regroupent en nouveaux villages, tels qu’on peut les observer tout au long de la Tadami sen
Les toits des nouvelles maisons, tout comme les anciennes au chaume abandonné, sont constituées de plaques d’acier galvanisé, couvertures d’un coût raisonnable et adoptées pour leur longévité, des fenêtres en aluminium calfeutrent les habitations devenues plus confortables en retenant la chaleur intérieure
Sans se leurrer, pour qui a vécu dans les anciennes maisons traditionnelles, agréables et rafraîchies en été mais ouvertes aux quatre vents en hiver, un peu plus de confort et surtout de chaleur sont des améliorations appréciables !
Le village, en raison de chutes de neige spectaculaires et inhabituelles se trouve quelquefois complètement isolé pendant de longues périodes et ses habitants sont contraints de vivre en autarcie
Mais les paysans prévoyants engrangent pendant l’été des denrées, en séchant les fruits de la forêt et en conservant des légumes en saumure qui viendront pendant l’hiver compléter les menus habituellement frugaux de la campagne
Les vieux du village, dont plusieurs centenaires, affirment qu’avec seulement du Genmai, du riz complet et du miso, cette pâte de haricots ingrédient primordial de la cuisine japonaise, ils peuvent tenir tout l’hiver !
Les allers et venues dans la campagne entourant le village se restreignent en hiver, les visites pour les dévotions aux sanctuaires shinto deviennent impossibles…
…car habituellement établis sur une hauteur, leur accès devient quasi périlleux
Des Minka, demeures traditionnelles, devenues trop grandes pour des familles restreintes, recyclent leur espace pendant l’été en Minshuku, ces auberges du style chambres d’hôtes, afin de faire découvrir aux citadins blasés les charmes de la vie à la campagne !
L’hiver, dans ces contrées n’est pas propice au tourisme, c’est pourtant le choix que nous avions fait, bien que je n’apprécie que modérément le froid et la neige…mais la soif de connaissance est un puissant aiguillon !
La vie quotidienne dans une Minka en pleine campagne et en hiver de surcroît, sera l’objet du prochain article…et il y fera terriblement froid…
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Japon – Printemps 2014 Voyage d’hiver en train dans les Alpes japonaises :
I – Tadami sen
II – Shôwa mura
III – Minshuku à Shôwa mura
IV – Karamushi à Shôwa mura
V – Un restaurant populaire à Kaneyama
VI – Fin du voyage