Sensu no mai – La danse de l’éventail

Quilt recyclant les chutes de soie d’anciens kimonos japonais

Sensu no mai – La danse de l’éventail – 70 cm x 85 cm
Cousu et quilté à la main – 2020

Les éventails au Japon se divisent en deux catégories, l’Uchiwa ovale et rigide de type écran et l’Ôgi ou Sensu, éventails de même nature, mais pliables

Le terme Ôgi désigne surtout un éventail à la valeur artistique, utilisé lors de danses, au théâtre ou lors de cérémonies à caractère esthétique

Sensu désigne l’éventail « ordinaire » qui n’a rien, bien souvent, à lui envier pour la qualité, la beauté et le raffinement

Sensu des années 1960 en Washi argenté
Inspiré d’une œuvre de l’école Rinpa ( mouvement artistique du XVIIIe siècle)
Collection personnelle

L’éventail pliant fut inventé à l’époque Heian (794-1185) pour les besoins cérémoniels de la Cour impériale puis connu des améliorations pratiques à la suite de va-et-vient avec la Chine pour finalement devenir un accessoire à la mode dans toutes les couches de la société à l’époque Edo (1602-1868)

Du Japon, les Portugais, au XVIe siècle, exportèrent la pratique de l’éventail en Europe où il connut un succès jamais démenti par la suite

Sensu « vintage » célébrant la fierté d’être Japonais !
Collection personnelle

Considéré comme un symbole de prospérité de par sa forme rayonnante où les feuilles vont en s’élargissant, le Sensu était un cadeau privilégié lors des mariages

Sensu plus récent parsemé de mouchetures d’or sur papier Washi blanc
Collection personnelle

Malgré la généralisation de la climatisation, l’éventail « ordinaire », manié avec distinction ! est toujours pratique pour s’éventer pendant les étés caniculaires

Sensu sur papier Washi blanc évoquant la chaleur de l’été
Collection personnelle

Il garde pendant certaines cérémonies, dans la société contemporaine, sa place d’accessoire indispensable comme barrière symbolique entre le sacré et le profane même s’il reste le plus souvent fermé comme lors de la cérémonie du thé

Petit Sensu en Washi destiné à la pratique du Sadô, la cérémonie du thé
Appartenu à ma belle-mère, il est la copie d’une œuvre du peintre Imao Keishô, artiste du mouvement Nihon ga (peinture traditionnelle japonaise)
Peint pour célébrer l’année du rat en 1986
Collection personnelle

Montées sur une armature de bambou ou de bois laqués, les feuilles de l’éventail sont découpées dans du Washi, un papier doux mais solide qui reçoit le décor réalisé au tampon et à la main

Sensu contemporain monté sur soie
Éventail proposé lors de la visite de châteaux qui sont très chers au cœur de tous les Japonais !
Collection personnelle

La soie au décor peint, mais plus rarement, peut aussi constituer les feuilles de l’éventail

Sensu peint en Yûzen zome sur soie venant de Kanazawa
Collection personnelle

Pour mon quilt, je me suis inspirée des décors tissés, teints ou brodés ornant les kimonos des XIXe et XXe siècles, où les éventails aux motifs variés, comme projetés sur l’étoffe au fil du vent, révèlent une esthétique moderne pleine de fantaisie

Obi tissé à l’époque Showa (1926-1989) –
Photo du livre « Kimono and the motifs of Japan » (en japonais)

Pour cet ouvrage j’ai surtout privilégié des soies de Juban (kimonos de dessous) en raison de leurs couleurs éclatantes et j’ai sélectionné les impressions dans une dominante de teintes rouges mâtinées de blanc

Quelques petites notes de bleus et verts renforcés par des violets toniques apportent la touche indispensable pour animer chaque éventail

De la difficulté d’obtenir de jolies courbes !

Toute quilteuse connaît les particularités assez délicates des coutures en courbes !

Dans ce genre d’exercice il vaut mieux réduire au maximum les marges de couture afin d’obtenir des courbes bien formées

Beaucoup de rouge et blanc, un peu de vert…

J’ai compliqué mon travail par l’utilisation délicate d’étoffes de soie de seconde main, toutes différentes par leur souplesse, leur tenue et leur degré d’usure

…et du violet !

En raison des prompts effilochages dus à la soie, j’ai gardé d’assez grandes marges de couture, les courbes n’y ont pas gagné en élégance !

Des impressions de fleurs …

Le tissu de fond est aussi une soie de Juban particulièrement fine et mouvante qui m’a donné quelques frayeurs en voyant les blocs se déformer immanquablement au moment de les coudre entre eux !

…et de multiples petites impressions géométriques de Kanoko Shibori

Le quilt est terminé par une petite bordure de soie rouge très fine issue d’une doublure de kimono

Petite bordure de finition en soie rouge

Pour le quilting en fils de soies, j’ai commencé par stabiliser les pièces en matelassant le milieu de chaque feuille de l’éventail puis ensuite en contournant sagement les contours des blocs

Quilting aux deux couleurs de fils de soie

La doublure recycle aussi des lés de Juban en polyester, matière que je n’utilise que pour les dos de quilts

La doublure blanche mouchetée de rose

Si les kimonos en soie reçoivent une doublure de la même matière, les Juban, et ce depuis un siècle, sont souvent coupés dans différentes matières synthétiques qui d’ailleurs, à ma grande satisfaction, se comportent bien généralement sous le fer à repasser !

Détail du Sensu au décor estival où la veine naturaliste n’est jamais absente !
Collection personnelle

Le patron d’éventails ondulants parut pour la première fois dans les revues destinées aux quilteuses vers la fin du XIXe siècle, sous l’influence des œuvres venues du Japon admirées dans l’Exposition internationale du Centenaire tenue à Philadelphie en 1876

Si dans les années 1930 plusieurs déclinaisons du modèle furent à l’origine de nombreux quilts réalisées dans les couleurs acidulées de l’époque, les femmes Amish, quant à elles, avaient déjà auparavant repris le patron dans les teintes sourdes qui les caractérisent