Quilt recyclant les chutes de soie d’anciens kimonos japonais
Les éventails au Japon se divisent en deux catégories, l’Uchiwa ovale et rigide de type écran et l’Ôgi ou Sensu, éventails de même nature, mais pliables
Le terme Ôgi désigne surtout un éventail à la valeur artistique, utilisé lors de danses, au théâtre ou lors de cérémonies à caractère esthétique
Sensu désigne l’éventail « ordinaire » qui n’a rien, bien souvent, à lui envier pour la qualité, la beauté et le raffinement
L’éventail pliant fut inventé à l’époque Heian (794-1185) pour les besoins cérémoniels de la Cour impériale puis connu des améliorations pratiques à la suite de va-et-vient avec la Chine pour finalement devenir un accessoire à la mode dans toutes les couches de la société à l’époque Edo (1602-1868)
Du Japon, les Portugais, au XVIe siècle, exportèrent la pratique de l’éventail en Europe où il connut un succès jamais démenti par la suite
Considéré comme un symbole de prospérité de par sa forme rayonnante où les feuilles vont en s’élargissant, le Sensu était un cadeau privilégié lors des mariages
Malgré la généralisation de la climatisation, l’éventail « ordinaire », manié avec distinction ! est toujours pratique pour s’éventer pendant les étés caniculaires
Il garde pendant certaines cérémonies, dans la société contemporaine, sa place d’accessoire indispensable comme barrière symbolique entre le sacré et le profane même s’il reste le plus souvent fermé comme lors de la cérémonie du thé
Montées sur une armature de bambou ou de bois laqués, les feuilles de l’éventail sont découpées dans du Washi, un papier doux mais solide qui reçoit le décor réalisé au tampon et à la main
La soie au décor peint, mais plus rarement, peut aussi constituer les feuilles de l’éventail
Pour mon quilt, je me suis inspirée des décors tissés, teints ou brodés ornant les kimonos des XIXe et XXe siècles, où les éventails aux motifs variés, comme projetés sur l’étoffe au fil du vent, révèlent une esthétique moderne pleine de fantaisie
Pour cet ouvrage j’ai surtout privilégié des soies de Juban (kimonos de dessous) en raison de leurs couleurs éclatantes et j’ai sélectionné les impressions dans une dominante de teintes rouges mâtinées de blanc
Quelques petites notes de bleus et verts renforcés par des violets toniques apportent la touche indispensable pour animer chaque éventail
Toute quilteuse connaît les particularités assez délicates des coutures en courbes !
Dans ce genre d’exercice il vaut mieux réduire au maximum les marges de couture afin d’obtenir des courbes bien formées
J’ai compliqué mon travail par l’utilisation délicate d’étoffes de soie de seconde main, toutes différentes par leur souplesse, leur tenue et leur degré d’usure
En raison des prompts effilochages dus à la soie, j’ai gardé d’assez grandes marges de couture, les courbes n’y ont pas gagné en élégance !
Le tissu de fond est aussi une soie de Juban particulièrement fine et mouvante qui m’a donné quelques frayeurs en voyant les blocs se déformer immanquablement au moment de les coudre entre eux !
Le quilt est terminé par une petite bordure de soie rouge très fine issue d’une doublure de kimono
Pour le quilting en fils de soies, j’ai commencé par stabiliser les pièces en matelassant le milieu de chaque feuille de l’éventail puis ensuite en contournant sagement les contours des blocs
La doublure recycle aussi des lés de Juban en polyester, matière que je n’utilise que pour les dos de quilts
Si les kimonos en soie reçoivent une doublure de la même matière, les Juban, et ce depuis un siècle, sont souvent coupés dans différentes matières synthétiques qui d’ailleurs, à ma grande satisfaction, se comportent bien généralement sous le fer à repasser !
Le patron d’éventails ondulants parut pour la première fois dans les revues destinées aux quilteuses vers la fin du XIXe siècle, sous l’influence des œuvres venues du Japon admirées dans l’Exposition internationale du Centenaire tenue à Philadelphie en 1876
Si dans les années 1930 plusieurs déclinaisons du modèle furent à l’origine de nombreux quilts réalisées dans les couleurs acidulées de l’époque, les femmes Amish, quant à elles, avaient déjà auparavant repris le patron dans les teintes sourdes qui les caractérisent