Quilt étoilé en tissus japonais – Rayures et indigo
L’idée de ce quilt m’a été inspiré par un voyage en automne dans la région d’Aizu auquel il doit son esprit, ses tissus et ses couleurs
La région Aizu-Wakamatsu bruisse encore des épisodes tragiques qui, à la fin du XIXe siècle, entraînèrent la destruction de l’ancien fief des puissants Daimyô du clan Matsudaira
Cette grandeur évanouie imprègne encore l’atmosphère autour du château accompagnant le visiteur dans une mélancolique déambulation
A la visite lors d’un automne flamboyant se mêlait encore la réminiscence de l’histoire tragique de ses ultimes défenseurs se sacrifiant en pure perte mais avec une noblesse héroïque
Les tissus rayés donnent une impression nette d’alignement, droits et directs exempts de sinuosités, et en coupant les losanges pour que les rayures forment des angles aigus, j’ai accentué l’idée de rendre le caractère indomptable des guerriers d’Aizu
Sur mon quilt, les couleurs des automnes sans cesse renouvelés laissent pourtant dans l’ombre ces souvenirs d’honneur sublime et racontent la vie qui inlassablement continue…
…tout comme la région d’Aizu qui perpétue encore pour l’instant le tissage de ces étoffes rayées destinées à confectionner des kimonos
Au premier regard, les étoiles retiennent l’attention, laissant s’enfoncer les cubes en arrière plan, mais si l’œil détaille en premier les cubes bleus, la vision d’ensemble se trouve inversée
Les étoiles centrales aux couleurs d’automne se massent au centre du quilt rejetant dans l’ombre les étoiles bleues sur lesquelles pourtant elles prennent appui, le présent prenant en compte le passé
Les étoiles des blocs sont placées sur une pointe afin que les cubes de liaison placés en biais donnent l’impression de dégringoler du haut du côté gauche pour ensuite venir valser entre les étoiles dans différentes directions
Les tissus à rayures des étoiles ont été trouvés un peu partout dans la région d’Aizu sous forme de petits rouleaux de 50 cm sur 30 cm de large, quelquefois dans les magasins pour touristes mais aussi dans les kiosques de gares, dans le coin d’un supermarché, dans un magasin de vêtements… j’en ai même acheté dans une pâtisserie !
A chaque fois la surprise de la découverte fut constante, un rouleau rayé bleu ici, trois autres couleurs là, des petits métrages assortis dans une pochette échouée chez un marchand de journaux, mon attention fut constamment en éveil lors des sorties !
Quelques manufactures artisanales dans la préfecture de Fukushima tissent encore ces textiles mais elles sont vouées à terme à disparaître
J’ai complété ma gamme d’Aizu momen, tissus rayés d’Aizu avec des Tate Bayashi momen, textiles tissés à rayures venant de la préfecture de Gunma qui, comme beaucoup de tissages traditionnels japonais, ont presque disparu de nos jours
Les tissages Awa Shijira ori apportent aussi à l’ouvrage des rouges bien francs et leur texture crêpée se marie bien avec les trames plus sèches des autres tissus
A ces tissus trouvés récemment, sont venus s’ajouter des tissus neufs mais âgés d’une bonne trentaine d’années et des textiles encore plus anciens recyclés avec toutefois les rayures comme dénominateur commun même si quelques écossais viennent rompre l’uniformité de l’ouvrage
De même, j’ai mêlé aux étoiles rayées majoritaires en coton, du chanvre, des soies, et des étamines de laine, le quilt étant destiné à rester une tenture murale
La différence de structure ou d’épaisseur entre les tissus neufs et ceux usés ont posé, quand même, quelques menus problèmes à l’assemblage !
Les losanges des cubes quant à eux ont été taillés dans d’antiques Juban masculins en coton (kimonos de dessous) de différentes épaisseurs mais tous teints de façon traditionnelle en véritable indigo
Les variations des tissus teints en l’indigo sont étonnantes allant du bleu très clair au presque noir en passant par des mauve-violet selon les bains successifs de la teinture initiale, des lavages répétés et de l’usure inhérente des tissus
Sur les Juban restent attachés de nombreux résidus de coton, ouatine mise entre le dessus et la doublure chargée de tenir au chaud le porteur du vêtement
J’utilise des morceaux de papier adhésif en grande largeur dont je tamponne le tissu afin d’emprisonner ces fibres de coton qui font de la résistance
J’ai joué sur les teintes de bleu, du plus clair au plus foncé mais tous les cubes varient en intensité et sont chargés de se fondre dans les étoiles bleues des côtés
Les gabarits sur ce genre de tissus rayés sont extrêmement difficiles à relever, aussi j’utilise des crayons de couleur japonais qui ont l’avantage d’avoir une mine plus grasse que nos crayons habituels
J’ai eu la chance de trouver sur mon marché hebdomadaire un soldeur qui écoule des bobines de fil français d’excellente qualité à des prix imbattables
Pour la couture des blocs la couleur bleu indigo était parfaite !
La bordure est taillée dans un rayé rouge neuf d’Aizu momen trouvé à Kyôtô, rouleau de tissu destiné à confectionner un kimono mais quelques défauts de tissage m’ont valu de l’acheter à un prix intéressant
Le petit bord de finition joue avec les rayures mais cette fois dans le sens horizontal
Le matelassage de la bordure suivait au commencement les lignes droites tissées mais le rendu étant monotone, j’ai quilté petit à petit quelques cubes pour me distraire, puis je me suis « lâchée » sur la fin et les cubes sont devenus omniprésent sur deux grands côtés… fantaisie à réitérer !
Le quilting souligne simplement les diagonales des losanges dans une gamme de fils Valdani que j’aime décidément beaucoup utiliser car ils conviennent bien aux tissus rustiques japonais
Mais trouver des aiguilles à matelasser petites et fines avec un chas assez gros pour ces fils devient quasi impossible à se procurer
La doublure est un coupon de coton pour habillement trouvée à Montmartre, piquer dans cette étoffe tissée très serrée n’a pas été sans mal…
…mais m’aura procuré des petits cals bien commodes venus couronner les doigts de ma main gauche, qui se révèlent très utiles pendant le quilting actuel d’un autre ouvrage bientôt achevé