Variations de triangles pour l’été
Ce modèle de patchwork reste un grand classique dans la série de quilts inspirés par la littérature anglo-saxonne
Le nom, sous lequel depuis plus d’un siècle est répertorié ce modèle, ne laissait pas de m’intriguer
Lady of the Lake est le titre d’un long poème de Walter Scott; publié en 1810 relatant des légendes écossaises, il reste considéré comme un manifeste de la littérature romantique en ce début du XIXe siècle
Walter Scott publia nombre de romans historiques inspirés par l’histoire de l’Écosse comme les inoubliables Ivanhoé et Quentin Durward, dont les éditions destinées à la jeunesse dans la bibliothèque Rouge et Or m’enthousiasmèrent enfant et restent toujours dans ma mémoire avec un vif souvenir !
Lady of the Lake, ce poème tombé maintenant dans l’oubli, influença portant tout au long du XIXe siècle la culture européenne, nombre de représentations peintes et gravées illustrèrent l’histoire de ce jeune homme ébloui par la vision irréelle d’une Dame sur une frêle embarcation traversant un lac ténébreux
De longs passages de ce poème se récitèrent dans les ouvroirs, il fut tentant pour les quilteuses ainsi assemblées de baptiser leur ouvrage de ce nom si évocateur !
Rossini, à l’origine de l’opéra romantique, composa sa version de la Donna del Lago une dizaine d’années plus tard et c’est cet opéra où la nature est présente avec la sérénité mystérieuse de son lac, ses radieuses barcarolles et tendres cavatines chantées par les protagonistes de l’histoire, qui fut à l’origine de mon inspiration
La tendre couleur rose s’imposa donc et pour éviter de tomber dans l’écueil du « rose layette », je choisis des teintes foncées pour donner à mon quilt du dynamisme et plus de vitalité
Les premiers blocs juste cousus furent confortés dans la couleur choisie par une boite de bonbons reçue à ce moment du Japon dont l’emballage des sucreries s’accorda merveilleusement au choix qui fut le mien!
Ce projet en couleur claire et joyeuse fut aussi conçu pour servir de dérivatif aux trois mois de préparation d’un déménagement qui s’avéra plutôt laborieux
Le déclic pour mettre en route cet ouvrage fut un tissu trouvé dans le dernier Salon parisien de loisirs créatifs, là où un couple d’Anglais proposait des faux Liberty ou des Liberty avec défauts donc sans lisières explicites (je n’ai pu déterminer laquelle des deux offres était la bonne !) à des prix assez doux
Cet imprimé, dûment sélectionné, fut utilisé dans chaque bloc pour donner le ton et l’unité au quilt
Des petits motifs furent privilégiés pour cet ouvrage et comme à mon habitude, j’ai mélangé des tissus de toute provenance, des étoffes pour patchwork mais aussi des chutes de tissus français de confection, des rayés de Kaffe Fasset, des Liberty et d’anciens imprimés d’ameublement légers de Laura Ashley
Aux tissus fleuris sont venues s’ajouter des étoffes unies, à pois, à rayures et à carreaux afin d’éviter une trop grande uniformité; utiliser tous les tissus en ma possession reste toujours un défi mais une grande satisfaction quand le quilt est réussi
Je ne pouvais évidemment pas ne pas inclure aussi dans cet ouvrage des cotonnades japonaises !
Chaque couple de triangles unit une teinte claire à une teinte foncée, les pièces roses pâles étant souvent remplacées par des triangles de différentes nuances de vert clair
Mais des blocs constitués d’une gamme de roses même vifs avec du carmin foncé et quelques touches de violet et de vert restaient un peu trop classiques encore, alors pourquoi ne pas y inclure une troisième teinte intrigante ?
J’ajoutai donc du jaune d’or pour des éclats de lumière et pour donner le pep qui manquait encore !
Je ressortis de mes tiroirs d’anciens tubinos de fils DMC dans différentes nuances de rose, les centaines de mètres de fil encore solides malgré les ans furent bien employés !
La doublure du quilt est un assemblage de deux cotonnades anglaises aux imprimés fleuris, tissus légers qui furent très agréables à matelasser
Le matelassage qui suit sobrement les contours des grands triangles et la diagonale des petits fut réalisé en deux semaines, mettant à profit la retraite quasi forcée dans la maison pendant les quatre jours du festival des « Vieilles charrues » dans cette petite ville de Carhaix envahie à cette occasion par de phénoménales bandes de joyeux drilles !
Bien sûr, comme je vis dorénavant en Bretagne, là où les contes et légendes sont encore bien enracinés dans la mémoire collective, comment ne pas évoquer une autre Dame du lac ?
La fée Viviane, personnage emblématique de la légende arthurienne peut encore hanter quelque étendue lacustre…
…ainsi que fées, elfes et autres korrigans, ce petit peuple de la nature que je ne désespère pas un jour de voir surgir au détour d’un chemin ou d’une bâtisse abandonnée…