Le mois de novembre qui précède la fin d’automne, peu apprécié en général, reste pour moi une période doucement mélancolique …
…quand, à l’intérieur, bien au chaud, la lecture distraite par une pluie glacée qui tambourine aux carreaux, je profite de ce moment délectable…
…ou quand je vais, dans quelques jardins parisiens, fouler les feuilles mortes détrempées en me remémorant les poches enfantines bourrées de marrons bien luisants…
… ou quand je vois les couleurs qui roussissent lentement, pas de rouge flamboyant comme au Japon mais des teintes qui se diluent lentement sous la pluie avant que le vent mordant presse les dernières feuilles à chuter inexorablement…
…pas vraiment de la tristesse, un peu de spleen pour l’année qui se prépare à s’enfuir…vite tempéré par une douce et succulente consolation !
A deux pas du jardin des Tuileries, la Grande Dame de fer toise maintenant ces arbres qui, dans l’été rayonnant, s’obstinaient à lui faire de l’ombre
Les lieux propices à la nonchalance sous les allées ombreuses ne tentent plus la foule …
…grande foule qui trop souvent prompte à des débordements entraîne grillages, barrières et clôtures
Le jardin des Tuileries offre aux promeneurs de bien beaux morceaux de l’art de quelques sculpteurs chargés à la fin du XIXe siècle de célébrer de manière grandiloquente les gloires de la IIIe République
En hommage au chantre de la liberté des syndicats, Marianne extatique présente au grand homme deux ouvriers reconnaissants que l’on imaginerait plus à l’aise en bleu de chauffe qu’en tenue d’éphèbes socialistes
Que deviendrait l’inénarrable sculpture académique de l’époque si les jardins et parcs publics n’abritaient plus tous ces Apollons et ces Vénus à la veine populaire ?
Les allergiques au genre bellâtre ne jetteront qu’un regard indifférent sur la belle plastique d’un Apollon néo-classique contemporain
Si Perrault m’était conté j’y prendrais toujours un plaisir extrême…surtout par surprise au détour d’un bosquet…
…ou une évocation charmante des lectures de jeunesse tourbillonne et fait rentrer dans la danse un magnifique Chat botté sorti tout droit de nos rêves d’enfant
Enfance toujours que l’on peut ne pas abonner aux chansons niaises d’une chanteuse qui n’en finit pas de jouer à la petite fille endimanchée
La belle surface des Tuileries se prête aux expositions de sculptures contemporaines qui souvent me laissent dubitative sur le sublime de l’œuvre d’art distinguée
D’autres, bien plus subtiles, s’amusent à des trompe-l’œil intrigants…
…ou le fait de démultiplier la végétation en cet automne demande une certaine participation du promeneur pour renforcer le plaisir naïf de la contemplation
Des œuvres proposées par la FIAC sont chargées d’embellir la promenade des Tuileries…
…ainsi « Le pont » illusoire de l’artiste chinoise Shen Yuan, comme jeté entre deux civilisations difficilement faites pour se rencontrer…
…passerelle impossible à emprunter ne permettant pas la traversée, métaphore des sentiments que peut éprouver tout exilé contraint de vivre dans un monde étranger à sa culture
La pluie venant jouer les trouble-fête en cette fin d’après-midi de Toussaint, nous quittâmes à regret toutes « ces statues qui se tiennent tranquilles tout le jour mais qui, la nuit venue, doivent s’ébattent sur le gazon »…le rêve est permis même en novembre !
Un thé de rentrée pour le réconfort certes, mais en restant fidèle à des contenants moins rigolos que ceux aperçus dans une vitrine d’un magasin de décoration proche des arcades de la rue de Rivoli
J’ai eu quelque idée peu avouable en contemplant cet instrument mais je ne dirais pas laquelle !