A partir de la conquête ottomane au XVe siècle, Istanbul se couvre de mosquées
On transforme en premier lieu les églises byzantines en sanctuaires musulmans puis on construit dans le style architectural typique de la Turquie de très grands lieux de culte nécessaires à une ville dont la population ne cesse de croître
Les sultans bâtisseurs renforcent ainsi leur pouvoir et leur prestige
La grande mosquée, dénommée « Mosquée bleue » grâce à ses carreaux bleus de faïence d’Iznik qui revêtent l’intérieur, est bâtie au début du XVIIe siècle en recherchant la grandeur, mais avec le désir de faire la synthèse des modèles architecturaux classiques précédents
De l’extérieur, le bâtiment assez massif avec son empilement de coupoles en pyramide et ses lourds contreforts de pierre ne laisse pas présager du splendide espace intérieur
On lui a ajouté six minarets, comme à La Mecque (laquelle en a reçu un septième pour garder la primauté !) qui marquent avec bonheur le paysage
A l’intérieur, la coupole centrale s’appuie sur quatre énormes piliers, recouverts de peintures décoratives pour tenter d’en atténuer la lourdeur
Les 4 demi-coupoles associées au dôme central, percés d’une multitude de fenêtres donnent une transparence à l’espace intérieur, propice à la méditation
L’abondance des carreaux de céramique à dominante de bleu, les vitraux colorés, les élégantes peintures murales, l’absence de parois, l’élévation des colonnes, tout concours à la splendeur recherchée
Le palais de Topkapi
C’était la résidence des sultans pendant plusieurs siècles
Chaque souverain y a ajouté ou transformé des bâtiments, au cours des temps pour donner un ensemble disparate où tous les styles se confondent…
…Et où pourtant le charme de l’ensemble reste évocateur d’un style de vie évanoui
Les kiosques de structure légère, avec de grandes ouvertures pour laisser la brise venant du Bosphore rafraîchir leurs occupants…
…Les cours intérieures, les passages sont couverts de carreaux de faïence d’Iznik, avec les motifs naturalistes favoris des Ottomans, roses, œillets, tulipes et cyprès
Une multitude de motifs géométriques classiques complètent ce décor si raffiné
Le pavillon de Bagdad et son auvent créant un vaste périmètre d’ombre pour jouir de la vue sur le Bosphore tout en prenant le frais
La couleur bleue des carreaux de faïences est dominante…
…L’harmonie créée avec l’or des éléments sculptés est très subtile
Les pavements des sols prouvent bien que les décors géométriques classiques font partie de la grammaire stylistique de toutes les civilisations et ce, depuis la plus haute antiquité
En plus des carreaux de céramique et des marbres polychromes, des marqueteries de bois précieux, ébène incrusté de nacre, d’écaille de tortue ainsi que de pierres dures viennent compléter le décor exubérant
Le palais Topkapi est devenu un musée, renfermant entre autres des joyaux célèbres dont un film, naguère, a vanté l’attrait irrésistible !
J’avoue que ces amoncellements éblouissants d’or, de diamants et perles par milliers, de plus grosses pierres précieuses, surveillés par des gardes armés (et bien sûr interdiction de prendre des photos !) ne m’intéressaient guère
…Si ce n’est pour constater le goût d’enrichir à tout prix des objets usuels comme des chandeliers très kitch pesant 50 kg d’or massif et incrustés de 6666 diamants !
Ce goût de la démesure était d’ailleurs partagé aussi par les cours européennes à la même époque…
Combien j’ai préféré la salle des textiles anciens ou quelques remarquables caftans portés par différents sultans sont exposés
Les plus belles pièces d’habillement sont pieusement conservées à la mort du souverain, car chargées symboliquement de sa majesté
Les vêtements luxueux sont l’apanage des dignitaires et des fonctionnaires de la Cour, octroyés par le souverain en fonction de la hiérarchie et de la charge occupée
Les costumes sont dessinés, tissés et cousus dans l’enceinte du palais
Leur confection est très surveillée et la composition de chaque vêtement, nombre de fils, poids des fils d’or et d’argent, qualité de la soie, couleurs, est sévèrement réglementée D’innombrables ateliers répartis dans l’enceinte du palais travaillent à la fabrication de la garde-robe impériale
La soie provenant des routes caravanières est transformée en lampas aux grands dessins tissés en relief, en velours tissés de fils d’or et d’argent, en satin moiré
La grande tradition antique des textiles orientaux se poursuit avec l’empire ottoman
Celui-ci n’oublie pas son passé nomade et ses lointains campements dans lesquels les textiles jouaient un rôle important de décor et de confort
Les motifs décoratifs appartiennent à un répertoire de base fournis par le palais impérial, mais les tisserands savent contourner avec art et maestria la contrainte imposée
Sur des fonds rouge cerise se déploient des fleurs stylisées: tulipes, œillets, jacinthes, rose en bouton, toute une flore décorative habilement exploitée pour obtenir des textiles chatoyants et raffinés
Les motifs sont grands mais bien adaptés à la confection des caftans à la coupe simple et ample
Ces textiles si précieux étaient fort appréciés dans les cours étrangères où l’on ne dédaignait pas les retailler en vêtements ecclésiastiques !
Les motifs récurrents de la décoration, fleurs stylisées, motifs géométriques et animaux affrontés antiques, palmettes « boteh » venant de l’Inde et dessins chinois relevés sur les porcelaines importées, ont inspiré les artisans qui les ont repris et arrangés de diverses manières pour en faire un art typiquement ottoman
Ces motifs se retrouvent sur les poteries, les carreaux de céramique, les textiles décoratifs et naturellement sur les tapis
Les tapis turcs fabriqués en Anatolie, dédaignés par la cour du sultan qui leur préférait les tapis persans, se trouvaient essentiellement dans les mosquées et les mausolées
L’exportation vers le monde occidental où leur renommée était très grande était déjà active à la fin du Moyen Age
Comme marque d’objets de luxe, les tapis sont souvent présents dans la peinture italienne et flamande
On appelle maintenant d’ailleurs quelques styles de tapis du nom des peintres qui les ont systématiquement représentés dans leurs tableaux: Lotto, Holbein…