Depuis mon enfance, à la seule évocation de noms comme Byzance ou Constantinople, mon imagination partait en voyage pour des mondes révolus…
Le dernier séjour à Istanbul m’a fait découvrir que la fascination pouvait être réelle…
La muraille achevée au milieu du Ve siècle qui entourait et doublait la superficie de la cité antique est bien présente encore et domine de sa masse la ville moderne
Pendant un millénaire la protection de la cité a été assurée par des kilomètres de fortifications, les vestiges restants sont restaurés peu à peu, comme quelques unes des 96 tours de garde réparties sur les murailles
Au VIe siècle, à Constantinople, l’empereur Justinien, issu du peuple tout comme comme son épouse, l’intelligente et ambitieuse Théodora entreprit de reconstruire une immense église palatiale pour affermir son pouvoir spirituel et temporel
Elle fut inaugurée en 537 et adroitement dédiée à la Sainte Sagesse divine, Hagia Sophia en grec, communément appelée Sainte Sophie depuis
Elle fut et resta pendant des siècles le plus grand monument de la chrétienté
Quatre minarets lui furent ajoutés successivement aux XVe et XVIe siècles
Sa construction, bien qu’inspirée par l’architecture antique, mais devenue le prototype du style byzantin est un défi à la matière et une affirmation de la nouvelle spiritualité chrétienne
Les énormes et tristes contreforts lui ont été ajoutés plus tard pour la protéger des secousses sismiques l’ayant déjà affectée et pour assurer la stabilité de la grande coupole
L’immense coupole perçue comme le microcosme de la voûte céleste, marquera définitivement l’orientation de l’architecture religieuse ottomane
La monumentale coupole qui culmine à 49 mètres du sol, dont la poussée est transmise à 4 demi coupoles, procure un sentiment d’apesanteur tout à fait étrange, compte tenu de la masse considérable de l’édifice
Les coupoles s’appuient sur des piliers massifs dont la structure est camouflée sous des plaques de marbre de couleur
La conquête ottomane au XVe siècle la transforma en mosquée, selon la tradition islamique qui l’assimilait au temple céleste rencontré par le prophète Mohammed lors de son ascension nocturne
En respectant sa beauté et sa majesté, les nouveaux maîtres de l’empire ottoman se contentèrent de masquer les décors chrétiens sous d’épais badigeons recouverts d’élégantes frises et motifs décoratifs
On pilla les plus beaux temples grecs et romains ruinés, colonnes de jaspe et de porphyre, plaques de revêtement en marbre, portes de bronze pour lui donner une splendeur inégalée
La lumière du jour et les éclairages nocturnes se reflétant sur les millions de tesselles des mosaïques d’or devaient donner au temps de sa splendeur antique un inoubliable saisissement de stupeur et d’admiration
Les innombrables fenêtres, qui allègent la maçonnerie, semblables à des puits de lumière accentuent l’atmosphère irréelle du lieu, et font vibrer de façon impondérable les décors peints et les marbres de couleur
Comme l’édifice n’est plus un lieu de culte, les grands travaux de restauration se poursuivent depuis de nombreuses années
En raison des travaux, je n’ai pu voir les célèbres mosaïques des étages, sauf celle-ci, en haut du vestibule d’entrée, où les empereurs Constantin pour la cité et Justinien pour Sainte Sophie mettent leurs réalisations sous la protection de la Mère du Sauveur
Les deux empereurs ne vivaient pas à la même époque et avaient depuis longtemps disparu quand cette mosaïque anachronique fut réalisée au XIe siècle
La façade de Sainte Sophie est précédée d’un atrium, suivant le style de l’architecture romaine…
…Et les portes de bronze viennent de temples antiques ruinés
D’immenses citernes pourvoyaient au besoin en eau des habitants de la cité
Plusieurs furent enterrées, entretenues et utilisées pendant de nombreux siècles
La citerne-basilique desservait le palais impérial byzantin, puis plus tard approvisionnait en eau les jardins du palais de Topkapi
Dans la citerne, aménagée pour la visite, le niveau d’eau reste suffisant pour que les nombreuses colonnes soutenant la construction s’y reflètent et se perdent dans la pénombre…
…Donnant le spectacle étrange et fascinant d’un palais englouti
Deux têtes de Méduse, provenant de fûts de colonnes antiques ont été ré-employées censées protéger l’édifice des forces malfaisantes
L’immense palais impérial, centre symbolique de la cité, ville dans la ville, dont Sainte Sophie n’était qu’un élément du complexe palatial a complètement disparu
Il ne reste, comme vestiges, de cette splendeur évanouie que des mosaïques, les plus anciennes d’Istanbul
Retrouvées dans les années 1930, elles sont exposées « in situ » dans le péristyle d’une cour de l’ancien palais
Elles datent de l’époque de Justinien au milieu du VIe siècle et sont plutôt du style de l’art antique finissant
Ces pavements font la part belle aux sujets allégoriques de la mythologie, aux travaux champêtres, aux jeux d’enfants…
…Aux scènes de chasse ou de combats avec des animaux, à la faune et à la flore orientale, palmiers, chameaux, lions et singes…
La ressemblance des sols avec des tapis se manifeste dans les bordures décorées de feuilles d’acanthe avec mascarons et feuillages
La gamme chromatique subtile des mosaïques et leur technique élaborée laissent imaginer ce que pouvait être la peinture antique presque totalement disparue