Un périple bleu – Bibliothèque Forney – IV – 2015
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L’Afrique bleue de cette exposition, est dans la réalité peu à peu détrônée par les cotonnades et les tissus synthétiques de couleurs vives de fabrication chinoise inondant les marchés mais plébiscitées par les divers peuples du continent
Le savoir-faire des teinturières, ce sont souvent les femmes qui œuvrent auprès des cuves d’indigo, et des brodeurs disparaissent ainsi petit à petit malgré quelques résistances locales
Même si le Malien Aboubakar Fofana, ayant complété son apprentissage de la teinture indigo au Japon, essaie de perpétuer les procédés de teinture végétale sur des textiles naturels, coton, chanvre ou soie en tentant de renouer avec les traditions ancestrales africaines
Le langage de l’indigo, au-delà de la recherche de la couleur, lui permet de transmettre la dimension spirituelle qui animait les artisans africains
Ses productions décoratives pour l’ameublement sont plutôt destinées aux Occidentaux dont l’engouement récent pour la teinture bleue, longtemps oubliée, renoue avec le goût qui prévalait à d’autres époques !
Actuellement, comme dans bien d’autres contrées, l’indigo de synthèse remplace le pigment naturel, associée à des produits venant de l’industrie chimique, la poudre magique permet de teindre, avec des motifs devenus sommaires, beaucoup plus rapidement pagnes et tuniques, assurant aux artisans la rentabilité recherchée
Les pratiques de teinture à la réserve sont le fait des femmes qui inventent toujours des motifs nouveaux destinés à agrémenter le bleu indigo uni jugé trop austère et réservé plutôt aux femmes âgées
Les motifs rencontrés partout en Afrique de l’Ouest, reflétant l’environnement des teinturières, se combinent entre eux pour donner des petits cercles ou « ballons », des « v » superposés symbolisent les tresses des femmes, des carrés se nomment tapis, les « cous de corbeau » sont des grandes lignes horizontales ou encore les croisillons rappelant les décors des murs sont appelés « mosquée » sans oublier les traits en diagonale faisant référence aux lames Gillette !
Tous ces motifs en étoiles et en spirales sont obtenus en réserve par des coutures à l’aiguille, des pliages, des pinçages ou des nouages, et ressortiront blancs ou bleu clair de la cuve d’indigo
Pour économiser le fil servant au nouage, de fines bandes sont découpées dans les sacs en plastique contenant le riz ou dans de vieux pneus ! Il suffit alors de serrer fortement pour que la teinture ne pénètre pas dans l’étoffe, les motifs bleutés prouvent que ce n’est pas toujours au point !
La technique de l’ikat est aussi fort pratiquée, les fils teints sont ensuite tissés en petites bandes puis, celles-ci assemblées entre elles, offrent une variété infinie de combinaisons de motifs
Les étoffes des pagnes tissées sur des petits métiers sont formées de bandes étroites qui, une fois cousues à la main ou sur de vieilles machines à coudre, constituent le métrage nécessaire dans lequel les tailleurs taillent les pagnes et les boubous
En Afrique du Nord, l’indigo venu de l’Inde par les routes caravanières marchandes permettait de teindre en bleu les textiles et les fils mais de nos jours cette pratique a complètement disparu
En Mauritanie, les femmes se drapent dans des pièces de coton très fin utilisées comme voile
La pièce de coton est pliée afin de ligaturer ensemble quatre épaisseurs, le décor après la teinture en indigo donne un motif symétrique
Les teintureries au Moyen Orient ayant perduré jusqu’aux années 1950-60 et produisaient des toiles servant à confectionner des robes aux manches pagode et de longs manteaux cintrés unis ou rayés bleu et blanc
Certaines étoffes étaient décorées de motifs en réserve obtenus par nouage autour de légumes secs ou de noyaux
D’autres étaient plongées dans plusieurs bains d’indigo afin de prendre une teinte presque noire puis le tissu fortement battu, un calandrage en règle, permettait d’obtenir une brillance fort appréciée
Les broderies exécutées séparément étaient souvent récupérées, prélevées sur un vêtement usé, elles étaient recousues pour décorer de nouveau un vêtement neuf
Les vêtements de l’Asie centrale dans l’exposition datent de la fin du XIXe siècle, et demeurent des témoignages rescapés d’anciennes traditions textiles aujourd’hui évanouies
Un voyage en indigo en Amérique centrale est à venir…
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Exposition Indigo – Un périple bleu – Bibliothèque Forney :
I – Le Japon
II – Les minorités chinoises
III – L’inde et le sud-Est asiatique
IV – L’Afrique et le Moyen Orient
V – L’Amérique centrale
VI – L’Europe
Merci Marie-Claude…
Dans plusieurs billets je vois le mot « calandré » et je ne suis pas sûre de bien comprendre ce dont il s’agit.
Je suis avec passion ce tour du monde : lors de mon séjour au Mali j’ai aidé une jeune femme à couper les liens des réserves : elle travaillait pour une teinturière (mais teintures chimiques et liens en plastique usinés…il y a dix ans)
Ella, beaucoup de populations aiment les vêtements brillants ! Comme les tissus ressortent mats de la cuve d’indigo, ils sont longuement battus avec un maillet de bois sur des pierres plates afin de rigidifier l’étoffe et lui donner un apprêt lustré chargé de transformer en couleur luisante la couleur bleue jugée un rien trop austère, c’est le calandrage qui rend aussi les étoffes craquantes et c’est très apprécié ! En revêtant des costumes calandrés, c’est le son du froissement qui plaît énormément ! C’est un chic absolu !
Il y a 10 ans déjà dites-vous …le processus de recourir à l’industrie chimique ne s’arrêtera plus évidemment