Quilt en soies de kimonos japonais
L’inspiration de ce quilt vient de mes longues promenades au fil des saisons à Gion, l’un des quartiers célèbre de Kyôtô
Gion est le quartier ancien où se concentrent les maisons de Geishas, appelées Geiko à Kyôtô, les maisons de thé et les restaurants traditionnels qui, bien que luxueux, se révèlent dépourvus d’ostentation, la discrétion et la sobriété restant un charme de bon aloi !
Les Geishas de Kyôto les plus recherchées actuellement !
Gion où les vitrines des boutiques raffinées consacrées aux accessoires indispensables au port du kimono restent toujours un plaisir pour les yeux lors des flâneries dans ce quartier
Kyôtô est la ville où l’on observe couramment des personnes portant de façon habituelle le kimono
Le kimono n’est pas un vêtement folklorique, s’il se porte de façon formelle lors des cérémonies et des fêtes, les femmes le revêtent aussi pour faire du shopping ou aller au restaurant mais il est vrai que l’ancienne capitale Kyôtô est restée l’arbitre des élégances !
De nos jours, certaines jeunes femmes portent le kimono de façon beaucoup plus décontractée, choisissant des couleurs bariolées, en allégeant l’obi qui devient une simple ceinture, en le customisant avec des dentelles, d’énormes nœuds de tulle et divers frou-frou et accentuent ce côté tapageur en chaussant des baskets et même des bottes !
Les boutiques de Gion sont une mine d’observation et recèlent tellement de merveilles d’artisanat traditionnel…Que d’inspirations pour de futurs projets !
Je choisis donc le motif Senmen-ga, modèle très fréquent dans l’art japonais, composé d’un support de papier au format d’un éventail pliant, destiné à recevoir dessins, peintures ou calligraphies
Si les Senmen-ga sont montés généralement en éventails, contrecollés sur une armature de fines lamelles de bambou, ils peuvent aussi très souvent décorer des paravents ou des Kakemono
J’aime les quilts d’éventails, ceux très sobres réalisés par les Amish ou à l’inverse les Crazy victoriens extravagants avec de la dentelle, des soies chamarrées et des plumes dont l’envie d’en réaliser un à ma façon me titille depuis quelque temps…plutôt que ceux vus le plus souvent, faussement japonisants versant dans un exotisme de pacotille !
Pour composer le centre de ce quilt, je n’ai utilisé que des chutes de soies de kimonos achetées ici et là lors de mes voyages et thésaurisées avec soin
Le quilt se compose de grands blocs dont la disposition composée sagement laisse « respirer » les motifs et affirmer leur caractère propre tandis que des petits blocs, apparemment placés au hasard, provoquent un intermède bienvenu sur cette surface un rien trop linéaire !
J’ai mélangé dans ce quilt des soies unies, imprimées, teintes au cadre ou au pochoir ou peintes à la main selon la technique de Yuzen aux motifs soulignés de fines lignes d’or
Les soies de ma collection se partagent aussi dans différentes épaisseurs, aspects que j’aime marier en principe mais qui, évidemment, n’ont pas facilité le montage du quilt !
Les couleurs des blocs sur la surface du quilt ont été à dessein mélangées
Si je n’ai pas choisi ici de dégradés de teintes selon mon habitude c’est que je tenais à illustrer la foisonnante et chatoyante diversité des kimonos
Les tissus de fond ont été découpés dans des Juban, les kimonos de dessous ou encore dans les doublures des kimonos d’hiver
Généralement ces soies se répartissent dans une gamme de teintes claires, blanc, écru, gris pâle ou bleutées ou encore marbrées de rose dans une grande variété de texture, satin lisse et glissant ou mat structuré
Et quand certaines soies blanches se révélaient trop brillantes à mon goût, je n’ai pas hésité à les utiliser sur l’envers !
La surface de l’ouvrage n’est donc pas uniforme, la lumière se réfléchit et rebondit sur certains blocs quand elle se trouve absorbée par d’autres
Contrairement à l’habitude bien française de centrer les motifs, j’ai choisi, en fonction des chutes dont je disposais, de positionner pour chaque éventail les motifs en privilégiant toujours l’asymétrie, style adopté par les artistes japonais dans leurs compositions picturales
J’intitule aussi ce quilt « Go-nin Gosho ningyô » car si l’ouvrage est fait de soies toutes différentes, j’ai inclus quand même parmi elles trois fois le même tissu aux motifs de poupées de Kyôtô
Les poupées de Kyôtô sont réalisées avec un raffinement extraordinaire; et parmi toutes les créations, j’aime particulièrement ces Gosho ningyô ou poupées du Palais…
…car à la fin de l’époque Edo, elles étaient offertes par l’administration impériale, comme symbole de prospérité, aux Daimyô, les grands feudataires, revenant de leurs fiefs de province présenter leurs respects à l’Empereur
Les motifs de Gosho ningyô me plaisant infiniment, un quilt actuellement en chantier les mettra de nouveau en scène …
Si toutes les soies de ma collection ont été rapportées du Japon, une plus particulièrement d’une belle teinte de rouge mouchetée d’or et provenant d’un Juban, m’a été offerte très gentiment par Patricia, l’amie Argentine de Katell, rencontrée dans une journée de l’Amitié à Toulouse en 2012
La bordure seule utilise toute la longueur d’un kimono en soie Rinzu, satin de soie damassé, fort glissant, kimono très tâché donc décousu sans remord !
Ce kimono avait reçu comme motif décoratif des éventails peints à la main soulignés d’or, placés de manière assez discrète dont seule la moitié du motif était visible sur le vêtement
Le quilt est entièrement cousu en « piécé » et non en appliqué comme il est d’usage habituellement pour ce motif
Si les tissus du fond sont rigoureusement coupés dans le droit fil, les soies des éventails jouent souvent avec le biais en fonction des motifs que je voulais décentrer
Les motifs des tissus sont en général importants, d’où la nécessité de bien choisir son patron afin de garder leurs spécificités
Le patron habituel de ce bloc applique la courbe de l’éventail juste sur les côtés du carré dans lequel il s’inscrit, forme classique mais banale dont je n’étais pas satisfaite, je me suis donc résolue à redessiner le bloc (En vérité, je dois avouer que mon époux participe beaucoup à l’élaboration des gabarits ! )
En fonction du choix de mes tissus aux grands motifs, je devais trouver de nouvelles proportions du dessin de l’éventail pour que le modèle reste harmonieux
Sur mon patron redessiné, le fond du bloc laisse détachée la courbe de l’éventail, ce patron doit être reporté sur le tissu de façon méticuleuse et ne souffre pas d’à peu près sinon la couture en devient impossible
Évidemment la difficulté de montage s’en trouve accrue, surtout avec des courbes en soies mouvantes, de nombreux repères sur les tissus du fond et du motif se révèlent indispensables lors de l’assemblage
Toutes les soies ont été pulvérisées d’amidon puis découpées aux ciseaux cranteurs afin d’éviter l’effilochage, qui reste quand même important à force de manier les tissus en tous sens
Cranter soigneusement les courbes, même si cranter de petite courbes en soie reste une tâche délicate, permet d’obtenir un bloc bien plat
Un crayon craie me guidant à travers des fentes pratiquées dans un gabarit de carton à la mesure des blocs m’a beaucoup aidée pendant le quilting et surtout à ne pas laisser de traces indélébiles sur les soies
La doublure recycle deux coupons d’ameublement achetées dans une brocante, les impressions fleuries à la manière des Indiennes, même si ce sont des étoffes au goût européen, complètent bien l’esprit de l’ouvrage
Pour compléter mon article, une autre utilisation charmante de chutes de soie pour une poupée reçue récemment en cadeau d’anniversaire !
Une poupée habillée d’un kimono en soie bleue unie sur un Juban en soie rose qui contraste heureusement avec les kimonos sophistiqués des poupées d’artistes dans ce domaine
Enfin des photos de famille sur lesquelles les motifs des kimonos portés par la grand-mère de mon époux sont semblables aux étoffes de ma collection !
Des kimonos formels aux vêtements d’été en soie légère, les motifs, au-delà du temps passé, se révèlent toujours semblables et toujours aussi séduisants !
Je suis émerveillée par votre travail d’un extrême raffinement, un grand bravo à vous 🙂
Merci, je prends votre remarque si sincère comme un encouragement dans les moments de doute
bonjour Marie-Claude
comment dire mon admiration pour ce travail contemporain ancré dans la tradition des tissus et les racines familiales
merci pour ces émotions
Merci Ella, mais je connais votre indulgence !
Quand j’imagine un ouvrage, je suis attentive à tous les stades de la composition et de la réalisation mais en fait je reste toujours surprise de l’effet que rend le quilt terminé ! Mais il est vrai que c’est plus qu’un travail de bouts de tissus !
Ne doutez pas, vos réalisations m’enchantent et m’emerveillent merci pour ces merveilles et votre partage. Bien à vous
Merci Martine, mais pour moi jamais de certitude, le doute est un état indispensable qui me fait avancer…J’apprends tous les jours et ce que je ferai demain sera forcément mieux…du moins je l’espère !
Je trouve dans votre article une multitude d’astuces pour créer un quilt en soie. Le moment venu (s’il vient) je penserais à l’amidon et aux ciseaux cranteurs !
En quelle matière sont fabriqués vos gabarits de découpe des pièces ?
Suivre le processus mental de la création d’un quilt est un bien joli voyage. Je suis curieuse de lire cette poiésis ! J’adore ces récits tellement riches.
Quittez définitivement le doute vos pièces sont toujours un morceau de beauté qu’il est généreux de partager avec nous !
Le lien avec les ancêtres me plaît aussi beaucoup. C’est la magie de la vie (et de l’amour !) qui fait que ce soit vous (française peut être parisienne…) qui vous emparez et sublimez des fragments de vie de cette famille par alliance d’un pays tellement lointain dans l’espace et dans l’esprit. Quel voyage merveilleux ! Je suis fascinée par le fait que ces personnes mortes, continuent de vivre à travers vous. Des personnes qui n’ont rien à voir avec vous si ce n’est l’amour. C’est tellement magique et fascinant.
Alors, comme toujours, je dis merci. Je suis fan de ce que vous faîtes !
Je vous embrasse.
Christine
Christine, votre sensibilité vous inspire des propos qui me plaisent beaucoup ! Ce que c’est que la vanité quand même !!!
Votre remarque me fait d’autant plus plaisir que je créé, mais vous l’avez deviné ! tous mes ouvrages en étant soutenue par la musique ! Pour ce quilt, musique japonaise de Koto et Shamisen dont le tempérament convient à merveille avec mon ouvrage !
Je vois le doute comme un sentiment qui me fait avancer, sinon je resterai dans les redites et j’ai tellement de choses à exprimer par le biais de mes textiles
Je suis très attachée en effet à ma famille japonaise devenue au fil du temps une famille selon mon cœur et avec qui je partage tellement de connivences …
Mon prochain quilt qui en est au stade du matelassage sera -encore- un hommage affectueux à une tante de mon époux …
Bonjour,
Je ne vois aucune vanité mais plutôt une fierté légitime de réaliser de belles pièces personnelles, avec un savoir-faire certain et avec régularité. C’est ce à quoi j’aspire mais pour l’instant ce n’est pas gagné. Je m’accroche ! Je m’en vais quérir une feuille de polypropylène (?) pour mes gabarits…
Au plaisir de vous lire
Amitiés.
Christine, je ne peux que vous souhaiter de persister dans vos projets mais en vérité je n’ai pas trop d’inquiétude car j’ai constaté à la lecture de vos articles que vous avez une prédilection pour les choses bien faites et harmonieuses…
Bonjour Marie Claude,j’ai un peu de mal avec ces couleurs très acidulées et je préfère de loin vos quilts sombres et pleins de mystères…Mais comment ne pas rester ébahie devant votre exigence et votre talent?! Et j’adore votre doublure !
Merci encore de nous faire partager tout ce savoir et cette perfection(même si on dit qu’elle n’est réservée qu’à Dieu)!
Véro pique-Atelier la masure
Merci Véro d’être sensible à mes travaux
Oui je comprends bien votre point de vue, il est vrai que ce sont les tissus de type indigo foncé qui remportent la faveur des Françaises
Mon cœur balance entre ces étoffes sombres et les tissus aux couleurs vives des kimonos … Pour moi, ce sont les deux faces d’une même passion !
Quant à la perfection, Dieu m’en préserve…Je me contente de faire aussi bien que je peux !