Voyage de printemps à Kyôto
Voyage de printemps 2014 – Kyôto – Le site d’Arashiyama
autres articles : I | II | III | IV
Les grands temples bouddhiques regroupent toujours, dans l’espace géographique qui leur est dévolu, plusieurs temples annexes partageant la même obédience, le zen de la branche Rinzai pour le Tenryûji, mais consacrés, selon les vœux des donateurs, à des figures différentes du panthéon bouddhiste
Dans le complexe du Tenryûji, se succèdent plusieurs temples indépendants, qui en dehors des célébrations religieuses sont souvent fermés à la visite
Mais si ces temples possèdent un jardin remarquable ou des peintures murales, la visite est possible contre le prix modique d’accès de 500 Yens (environ 3 €50 en 2014)
Ces modestes temples, qui n’ont pas l’honneur d’une mention dans les guides de voyages, ne drainent pas les foules de touristes, c’est pourquoi nous aimons tant nous y promener en étant sûrs d’y trouver calme et recueillement…et souvent une tasse de thé offert par une aimable personne affectée au temple se trouvant en veine de bavardage !
Le plus important de ces temples annexes, le Kôgenji, a été édifié à l’époque Muromachi, au XVe siècle par un membre du puissant clan militaire des Hosokawa…
…à qui fut attribué le titre honorifique de Kaizan, celui qui « ouvre la montagne » selon la formule désignant le fondateur d’un temple
Le Kogenji possède un petit jardin dans lequel sont réunis les éléments indispensables d’un Kare sansui, le jardin sec typique du bouddhisme zen, une mer de graviers blancs, des pierres-îles et le Shakkei, le paysage « emprunté » à l’horizon
Ce jardin serait l’œuvre du petit-fils de Musô Soseki, Supérieur de plusieurs temples à qui est attribué la création des premiers espaces zen à Kyôto, la tradition orale et secrète de maître à élève étant une constante dans l’art des moines-jardiniers
Comme il était d’usage poétiquement d’assimiler le rugissement du tigre au grondement de la terre, le nom du jardin Kôsho no Niwa, « jardin du Tigre rugissant » est aussi une métaphore du moment de l’Éveil spirituel dans le bouddhisme zen
Les jardins secs, situés au sud de la résidence du Supérieur, sont généralement accompagnés d’un ou plusieurs jardins « verts » où l’eau courante sous la forme d’un bassin et d’un ruisseau devient l’élément indispensable
Au Kogenji, une petite pièce d’eau bornée par de belles pierres savamment disposées évoque l’image familière d’un puits, comme le symbole d’une eau toujours claire et pure
Les jardins de ces temples secondaires sont passionnants à arpenter car chaque pouce du terrain est propice à l’observation !
En ces temps de cerisiers en fleurs, les moines qui ratissent chaque matin le gravier du jardin sec, se plaisent à dessiner aussi de façon ludique le sujet de ce printemps tant espéré !
Souvent ces jardins, espaces quelquefois bien encombrés, démentent l’ordonnancement classique si savant et si admiré par ailleurs !
Des pots de fleurs se disséminent au pied des rochers, les lanternes de pierre disparaissent sous une végétation anarchique et des effigies bouddhiques sans trop de style achèvent de brouiller la belle harmonie de l’espace
Mais tels qu’ils sont, ces jardins ne laissent pas d’être vivants et échappent avec bonheur à la standardisation quelque peu hermétique des jardins zen dans d’autre lieux plus renommés !
Des statues en bronze de grande taille, offertes au temple par des dévots particulièrement généreux, servent à réviser sa grammaire des représentations des déités bouddhiques !
Des lanternes de pierre sont dispersées en des points du jardin particulièrement intéressants à contempler, elles peuvent encore servir à éclairer le cheminement de nuit
Ces Ishidôrô, lanternes de pierre, de factures très diverses, sont un des grands charmes des jardins japonais, mais au-delà d’un rôle décoratif…
… beaucoup d’entre elles, offertes par des croyants, témoignent toujours d’une piété populaire encore très vivante dans le Japon de notre siècle
Le jardin n’est jamais silencieux, en dehors des pépiements d’oiseaux ou des croassements moins mélodieux des corbeaux, la contemplation s’accompagne de l’écoulement de l’eau d’un ruisseau, d’une fontaine mais aussi du bruit de la brise agitant de petites cloches accrochées sous les auvents des toitures
De l’architecture typique du zen, j’ai un faible pour les Katô mado, les fenêtres cintrées si élégantes avec leur treillis de fines baguettes de bois …
… les courbures de leurs châssis plus ou moins accentuées…
…et leurs formes toujours reconnaissables et pourtant jamais les mêmes !
Les édifices fermés à la visite sont signalés généralement par une barrière de bambou à ne pas franchir, mais au Kôgenji, un pot de fleurs disposé sur une dalle placée devant la porte close remplit cet office de façon bien plus bienveillante !
Au Kôgenji comme ailleurs, les démons malfaisants rôdent près des temples, mais ils doivent, avant de nuire, affronter les redoutables Shishi, chiens-lions empruntés à la mythologie chinoise, qui veillent jalousement sur les toitures des temples
La fin d’après-midi s’achève, les portes se referment dans le complexe du Tenryûji…
…Notre balade devenue nocturne s’attardera dans une forêt de bambous avant de regagner le centre de Kyôto…dans le prochain article…
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Voyage de printemps 2014 – Kyôto – Le site d’Arashiyama :
I – Arashiyama
II – Le Tenryûji
III – Le Kôgenji
IV – Autour du Tenryûji
Quelle paix, quelle esthétique aussi…
Amitiés.
Oui Catherine, c’est le Japon traditionnel, le but de mes voyages ! Mais c’est aussi celui des touristes pressés qui « font » trois temples majeurs en une matinée ! Tout cela reste un peu en dehors de la vie réelle, quand même …
Oui, merci Marie-Claude de me ramener sur terre…
Ah ! Catherine, la vie au Japon est empreinte de beauté et d’harmonie bien sûr dans la visite des temples, des musées, lors de ses achats dans de nombreux magasins traditionnels…et de laideur, de bruit et de trivialité, les villes (Kyôto en dehors de ces temples avec jardins est une ville sans grâce) et leurs poteaux électriques et panneaux encombrants en tout genre, l’anarchie des bicyclettes roulant sur les trottoirs, la circulation automobile démente et la pub agressive partout, la musique d’ascenseur omniprésente et je ne parle même pas de la télévision à laquelle on ne peut échapper qui atteint le degré zéro de la bêtise et de la vulgarité !
Et même si visiter le Japon est déroutant et si je navigue dans ces contradictions avec un peu de schizophrénie, je n’aurais de cesse d’y retourner encore… avant que la vie n’en décide autrement !
@ bientôt, Marie-Claude, merci
dans les lanternes, pour éclairer, de l’huile, de la cire, de l’électricité (?)
Mais oui Ella, des bougies dans les lanternes au-dehors qui se trouvent ainsi à l’abri des courants d’air
A l’intérieur des temples, l’électricité évidemment dont les câbles rampent un peu partout…sans grand souci de l’esthétique ! Mais c’est cela aussi le Japon !