Voyage d’été à Aomori
Depuis peu, beaucoup d’amateurs découvrent ces poupées de bois artisanales, forme d’expression traditionnelle, originaires du Japon que l’on appelle Kokeshi
Elles sont apparues il y a 140 ans, au moment de l’ouverture du Japon sur le monde moderne, à une époque où le régime féodal disparaissait mettant fin à l’isolement du pays
Hélas, ce nom est utilisé à tort pour désigner des fabrications industrielles « made in China » en sciure de bois agglomérée ou pire, en résine, peintes de couleurs criardes censées leur attribuer des vertus !
Elles sont commercialisées pour satisfaire les adeptes de feng shui et autres fariboles prétendument extrême-orientales
Les traditionnelles Kokeshi sont des poupées artisanales en bois, on ne les trouve, encore maintenant, que dans leur région d’origine, au nord du Japon uniquement, région appelée Tohoku qui garde jalousement ses traditions, même si leurs habitants passent aux yeux des gens de Tokyo pour des ruraux mal dégrossis !
Le Tohoku est une région encore préservée de montagnes, de forêts et de lacs d’une beauté sauvage. La neige y très présente pendant les longs hivers rigoureux
Le passé volcanique de ce pays a donné naissance à de nombreuses sources d’eau chaude qui alimentent chacune un Onsen, établissement thermal un peu partout
L’eau y est soufrée, et si on n’est pas incommodé par l’odeur dégagée, le bain chaud aux vertus thérapeutiques est très agréable
Si les Onsen sont très nombreux à être inclus dans des auberges offrant le dernier confort moderne en guise d’hôtellerie, ils se distinguent de ceux existants encore dans la campagne aux prestations plutôt spartiates ! Même les temples bouddhiques de la région abritent des sources d’eau thermale dans leur enceinte !
C’est justement dans ces Onsen que depuis très longtemps, venaient se délasser les gens de la campagne après la saison des travaux des champs
Les artisans spécialisés dans la confection d’objets de vaisselle en bois, bols et plateaux, désœuvrés par le profond bouleversement du Japon, vers 1870, y vinrent pour vendre des jouets aux enfants des paysans
Les premières Kiboko (poupées de bois en langage régional) étaient des poupées frustes de petite taille destinées aux jeux des fillettes
Les Onsen favorisant un artisanat populaire tourné vers le tourisme, ces poupées devenant plus raffinées, elles commencèrent à intéresser les marchands et les collectionneurs
On les dénomma Kokeshi (de Kogesu : enfant taillé dans du bois) lors de leur première exposition en 1939
Les six départements du Tohoku ont chacun leurs Kokeshi spécifiques…
…même si toutes partagent la caractéristique de porter sur un corps tout droit dépourvu de membres une tête ronde d’un seul tenant ou emboîtée, plus ou moins mobile et des couleurs rouges, vertes et noires
Leur décor tout de simplicité n’a que faire d’une ornementation excessive
L’artisan après avoir dégrossi une bille de bois, sculpte la forme désirée au ciseau à bois et tout en actionnant le même tour…
…d’un pinceau expert trace les lignes colorées sur le corps et finit en donnant l’expression du visage
Chaque artisan qu’il travaille seul ou dans un atelier signe son œuvre
Les Kokeshi sortant de la main d’un maître-artisan très réputé atteignent des prix très élevés
Le Japon fait peu de différence entre artistes et artisans, le moindre objet sortant de mains expertes est assimilable à une création artistique
Les artisans s’amusent à exécuter toutes les tailles de la plus minuscule 2 cm à la plus grande 1,90m
Diverses essences de bois sont utilisées, selon la région, mais celle que je préfère est en bois de Sugi, le cryptomère dont l’odeur subtile me rappelle tellement le Japon !
Les traits des visages, intuitivement propres à chaque artisan, pleins de jovialité tendre ou d’étonnement naïf reflètent bien la sérénité des habitants vivant en symbiose avec la nature dans ces régions rudes mais pourtant tellement accueillantes
J’ai acheté, lors de mon premier séjour au Japon, une Kokeshi en bois de Sugi que j’aimais particulièrement pour sa simplicité
Et j’ai retrouvé 30 ans après le premier modèle de l’artiste, celui à l’origine de sa production de Kokeshi ! Cet artiste représentait la 7e génération d’une lignée d’artisans
Les artisans contemporains tout en respectant les traditionnelles couleurs rouges, vertes et noires, en introduisent de nouvelles selon le goût d’aujourd’hui…
La légende dit que le fils d’un empereur aurait octroyé aux artisans leur tout premier tour à bois ; celui-ci devenu le dieu des artisans, selon la mythologie shinto, est honoré par le décor de chrysanthèmes peint sur beaucoup de Kokeshi, car c’est la fleur emblématique de la maison impériale
Depuis les années 1950, dans tous les lieux touristiques du Japon, on trouve des Kokeshi dites modernes, de la petite figurine achetée comme souvenir n’ayant pas de caractère propre à celles signées par des artistes dont les formes sont extrêmement variées
Elles sont souvent caractérisées par un décor peint ou gravé illustrant les saisons, les fêtes traditionnelles ou symbolisant le caractère idéal attribué à la femme japonaise
Leurs prix varient de quelques centaines de yens à plusieurs milliers ! Selon la créativité de l’artiste, son savoir-faire, l’harmonie avec le matériau … et sa renommée !
Toutes les essences de bois sont utilisées et la mise en valeur de la structure du bois, de ses veines ou de ses défauts sont exploités de manière ingénieuse
La poésie et le charme qui se dégagent de ces poupées sont des critères séduisants pour les collectionneurs passionnés, dont je suis depuis longtemps !
Évidemment, mes Kokeshi ont perdu leur fraîcheur d’antan, elles nous accompagnent depuis de si nombreuses années, les manipulations, les jeux de mes enfants ( que j’ai laissé faire !) leur ont fait prendre une belle patine !
Elles reflètent pour moi le geste artisanal authentique, images symboliques d’un Japon pas encore disparu sous les fabrications industrielles
Le reste de ma collection est sur mon site « chambre.des.couleurs«
Bonjour,
merci pour cet article ! J’ai vu quelques kokeshis anciennes dans la région de Matsushima, mais elles n’étaient pas à vendre ! Je ne connaissais pas l’existence du musée. Vous me donnez envie d’aller voir sur place !
Beatrice.
Béatrice, pour les amateurs de kokeshi, ce musée est un vrai bonheur ! De plus, la boutique en propose un grand choix
Encore un bel article, j’étais intriguée par cette collection de poupées de bois sur ton site (les dés m’étant bien plus familiers…), merci de nous faire découvrir cet artisanat si raffiné !
Katell, le Japon est le pays rêvé pour les amateurs de bel artisanat: bois, bambou, papier, tissu tout y est exploité avec un savoir-faire unique !
Magnifiques ces poupées, mon fils part en court séjour au Japon en mars, je vais essayer de l’orienter sur cet artisat superbe et peut-être aussi des tissus. Merci pour vos articles, toujours très intéressants
Piccolo, votre fils ne trouvera des kokeshis traditionnelles que dans le nord du Japon, elles sont à peu près inconnues ailleurs. Merci de votre visite
J’ai appris très récemment ce qu’étaient ces poupées japonaises pour en avoir acheté deux. Le hasard d’un vide-grenier m’a fait tomber sur un couple dont le décor est vestimentaire et fleuri. Chaque poupée en contient deux autres à la manière des poupées russes… Je les ai photographiées au moment de cet achat et les avais mises en ligne sur mon blog. Par le mot-clé, vous pourrez aller les voir et me dire ce que vous en pensez ?
Vos Kokeshis dateraient des années 50 ou plus sûrement 60…Ce genre de Kokeshis dites modernes se trouve encore un peu partout au Japon dans les lieux touristiques.
Elles sont faites sans prétention artistique, souvent proposées comme jouets pour les enfants ou comme souvenirs de vacances.
Elles reflètent bien le caractère enjoué et bon enfant du Japon populaire.
Les Kokeshis ont inspiré les Matriohkas russes au début du 20° siècle.
Je regrette fortement tous les dérivés absurdement commerciaux de ces poupées qui ont l’art de transformer un artisanat authentique en marchandises privées d’âme et d’authenticité !
Merci pour cet article très interessant!!
Je suis fan des arts et de l’artisanant japonais!
Merci, oui je comprends, nous avons donc beaucoup de goûts en commun !
Votre collection est magnifique !
Merci de cet article passionnant. Je ne connaissait les kokeshi que pour en avoir vu dans la vitrine d’un antiquaire à Tokyo. N’y connaissant rien, j’ai eu peur de me tromper. Maintenant, grâce à vous, je saurais reconnaître le travail des VRAIS artisans japonais :).
Merci Heileen, vous n’en verrez pas dans les quartiers touristiques, c’est sûr ! Chez les antiquaires, elles sont trop chères, hélas…
Et dire que j’en avais une. Une vraie en bois. Il y a des années. Un jour de mise à plat, je l’ai donnée à Ema!us. Bien avant de découvrir le japon. Parfois on pêche par ignorance !
Oui, c’est dommage…Mais ne vivons pas de vains regrets…la vie continue avec d’autres découvertes !
En cherchant des modèles de sashiko je découvre votre blog. J’aime beaucoup Je m’intéresse au Japon et à tout ce qui les concerne. Ma belle-fille est japonaise. Je vais lui demander de me rapporter une petite kokeshi, mais une vraie. Celles que l’on vend ici m’ont toujours paru « criardes ». Merci pour cet article sur ces petites poupées dont je ne connaissais absolument pas l’origine.
SYLVIA
Merci Sylvia de votre intérêt pour mes articles
En effet, les « vraies » kokeshi sont bien différentes des poupées de « décoration » qui sont fabriquées en Chine, hélas !
bonjour je possede 2 poupees kokeshi je pense qu elle sont tres anciennes puisque cela fait 40 ans que je les possede elle ont la tete qui se separent du corps et les dessins representes sont des peinture plutot romantique (paysage) j aurais aimes en connaitre leur valeur pourriez vous m y aider merci cordialement
D’après votre description elles dateraient des années 1950-60 au plus tôt
Les dessins de paysages sont typiques des Kokeshi de Onsen (station thermale) que l’on rapportait comme souvenir
Le prix est toujours déterminé par la taille de la Kokeshi, en général de 10 à 25 cm de haut, elles valent à peu près de 10 à 30 € si elles sont en bon état évidemment
Merci pour ce reportage fort intéressant je ne connaissais pas du tout l’origine des kokeskis, je ne pourrai jamais hélas visiter ce musée.
Tu a une très belle collection
Oui, je sais que ce musée est assez confidentiel sauf pour les habitants de la région qui aiment beaucoup « leurs » Kokeshi !
Mais les blogs peuvent servir à faire connaître… merci d’avoir été sensible à mes petites explications
Ma fille étant fan de poupée russe c’est mise depuis peu au kokeshi (moderne , grand plublic, normal à 6 ans) mais dans un vide grenier , elle a craqué sur un modèle ancien comme ici. il y a un décor peint de chrysanthèmes rouges et une signature dessous…je peux le laisser à ma fille ou est-ce que ça a de la valeur ?
Laissez donc jouer votre fille avec cette nouvelle poupée, après tout elle a été faite pour cela !
Merci pour cette petite visite, j’ai acheté pour offrir une petite Kokeshi, je vais maintenant en plus pouvoir expliquer sa petite histoire.
Merci, j’espère que l’heureuse destinataire saura apprécier sa Kokeshi !
Je viens de découvrir ce qu’est la vraie poupée kokeshi; quelle merveille; quelle belle collection vous avez et merci de nous faire partager toutes ces belles choses;je me contente de la poupée »touriste » que l’on vend en boutique mais rien à comparer; amicalement cathy(de belgiq)
Merci Cathy, les vraies Kokeshi sont loin d’être connues …Je suis ravie qu’elles vous plaisent !
Bonjour,
j’ai chez moi deux Kokeshi que j’ai acheté dans un magasin japonais il y a 30 ans au moins
Je voudrais les faire estimer,ou puis-je m’adresser
Merci par avance
Cdlt
Dominique
Dominique, si vous m’envoyez une photo de vos Kokeshi, je pourrais vous dire leur valeur
Je ne connaissais pas les Kokeshi…encore une jolie découverte.
Je continue à parcourir votre blog, toujours avec le même bonheur : merci pour tout ce partage enrichissant 🙂
Merci de cet éloge qui flatte mon égo ! mais que je prends aussi comme un encouragement à continuer
Votre blog m’apprend beaucoup sur les techniques de peinture, entre autres…Moi, qui ne m’intéressais jusqu’à présent qu’à l’émotion que dégage l’art sans me pencher sur « les dessous » des tableaux ! Apprendre, toujours apprendre, quel bonheur !