Salon « Pour l’amour du fil » 2011 – Exposition de Sashiko et Kogin

Voyage à Nantes – Salon « Pour l’amour du fil » 2011

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J’ai déjà abordé le thème des broderies traditionnelles du Japon comme le Sashiko et le Kogin -ici- travail du fil rendu indispensable mais magnifié en broderies décoratives sur les vêtements de travail afin de les rendre plus durables

Exposée avec les quilts japonais de Kuroha Shizuko, la collection de vêtements ruraux anciens de Suzuki Mitsuko m’a passionnée

Originaire de Yamagata, celle-ci a réuni des pièces venant de sa région d’origine et d’Aomori, deux préfectures du nord du Tôhoku où les traditions ont longtemps persisté

Ces vêtements de travail sont presque complètement abandonnés dans le Japon contemporain, remplacés par les jeans et les blousons en fibres synthétiques

Collection de vêtements anciens du Japon rural

Avant l’arrivée du coton dans le Nord du Japon à la fin du XIXe siècle, les populations cultivaient différentes plantes poussant dans les pays froids, ces régions connaissant des hivers rigoureux aux neiges persistantes pendant de longs mois

Des plantes dont on tirait à grand peine la matière permettant de fabriquer des textiles ainsi que des colorants naturels pour leur teinture, comme tous les bruns

Costume de pompier avec le protège-nuque renforcé par la broderie sashiko – Fin du XIXe siècle

Les étoffes pour les vêtements du monde rural étaient tissées avec ces fibres libériennes, surtout le chanvre et la ramie

Le lin ne fut cultivé qu’à la fin de l’époque Meiji vers 1910, dans l’île d’Hokkaido et pendant quelques décennies seulement, la production étant surtout destinée aux besoins spécifiques de l’armée

 

Hanten dont la broderie en sashiko recouvre entièrement le tissu de base

Les Hanten, vestes courtes avec ou sans manches, renfermant entre le dessus et la doublure une épaisseur de molleton de coton, étaient des vêtements destinés à tenir chaud en toute circonstance, aussi bien à l’extérieur que dans les maisons au chauffage presque inexistant

Les Hanten neufs n’étaient pas tous nécessairement brodés en sashiko

Hanten aux manches remplacées dans une alliance heureuse

Les vêtement s’usaient toujours à des endroits particulièrement exposés, autour du col et le long des manches, aussi remplaçait-on les parties usées par d’autres tissus neufs selon les  disponibilités, la différence de motifs importait peu, les pièces rapportées sur les vêtements faisant partie d’une habitude fort ancienne

Hanten masculin imprimé à la planche de carpes bondissantes, symbole du courage attribué aux garçons

Le Japon ne dérogeait pas à l’habitude universelle de porter les vêtements neufs pour les grandes occasions, puis défraîchis et salis, de les garder pour le travail, ensuite de recycler les bons morceaux en chiffons pour divers usages, d’abord pour essuyer et pour enfin terminer en serpillères

Une tendance actuelle au Japon est de rechercher activement ces serpillères, tachées, trouées, en lambeaux ou presque, et de les exposer comme des œuvres d’art dans les galeries à la mode

Des collectionneurs passionnés ont fait monter les prix de ces chiffons, les Boro au point qu’ils valent maintenant infiniment plus cher que les vêtements anciens en bon état !

Longues lignes brodées de sashiko entre les motifs imprimés

Les chiffons servaient aussi, pour les jeunes filles, de matériel peu coûteux pour leur apprentissage des points variés de sashiko

Fukin – Chiffons collectés précieusement

En général, quand le vêtement passait pour le travail, on renforçait les parties sujettes à l’usure par des broderies en sashiko

Puis devenant encore plus usé on le teignait en indigo, avec pour fonction de solidifier un peu plus les fibres tissées artisanalement

Sur ce Hanten, les fils de la broderie en sashiko à l’origine blancs ont été teints après le passage dans la cuve d’indigo, par contre, la partie gauche remplacée ultérieurement ne présente pas la même couleur de fils

Hanten entièrement matelassé de broderies en sashiko

Les épaules des vêtements étaient particulièrement renforcées afin de permettre à l’étoffe de résister aux frottements des courroies des traineaux, chargés de toutes sortes de matériaux, que l’on tractait sur la neige

Pièces d’épaules renforcées avec du sashiko

Pendant les longs hivers, les femmes brodaient les vêtements de travail destinés généralement à leur mari…

Devants de tabliers aux motifs élaborés

…Une épouse méritante devait faire preuve de ses talents de brodeuse sous l’œil attentif de sa belle-mère !

Sampler de sashiko, les fils à l’origine blancs ont été teints en indigo avec le tablier

Les accessoires nécessaires au travail recevaient aussi des broderies en sashiko, longs gants de protection, chaussettes, protège-talons…

Dessus de mitaines brodés en sashiko

…ou encore étuis, sacs et porte-monnaie, le sashiko servant à renforcer et à embellir en même temps

Longue bourse portée à cheval et renforcée par du sashiko,

Dans la région d’Aomori, le sashiko devient le Kogin, du nom premier du tissu dans cette région et servait également à renforcer les tissus en chanvre ou en ramie tissés artisanalement

Large Kimono décoré de broderies Kogin en fils de coton blancs

Les kimonos sont grands et larges, bien épais et confectionnés pour protéger du froid, on les mettait aussi pour dormir soit en les enfilant, soit en apport calorifique au-dessus du futon !

Hanten brodé en Kogin

Les plus anciennes broderies en Kogin sont en fibres de chanvre, mais les fils de coton blancs se démocratisant à la fin du XIXe siècle, les brodeuses les adoptèrent et recouvrirent abondamment les hauts de leurs kimonos de ces motifs immaculés

Détail de Kogin avec ses motifs de losange récurrents

Contrairement à une idée reçue, beaucoup de tissus bleu indigo anciens, c’est-à dire ne dépassant que très rarement une centaine d’années, ne sont pas forcément teints avec ce colorant naturel

Motifs traditionnels de sashiko

L’indigo de synthèse de la firme allemande Baeyer fut introduit au Japon très tôt après sa mise sur le marché européen à la fin du XIXe siècle

Les teinturiers japonais utilisaient quelquefois cet indigo « chimique » en mélange avec l’indigo « naturel » afin d’approfondir plus rapidement la teinte bleue de leurs textiles

Motifs traditionnels de sashiko

Il est extrêmement difficile de départager les tissus teints par ces deux méthodes

Motifs traditionnels de sashiko

Le fait de déteindre toujours, en dégorgeant sans remède sur les autres tissus, prouverait une teinture naturelle, c’est en tout cas, ce que l’on affirme dans ma famille japonaise !

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18 réflexions sur « Salon « Pour l’amour du fil » 2011 – Exposition de Sashiko et Kogin »

  1. Quel article passionnant encore Marie ! J’ai souvent insisté dans mes cours que le sashiko était à l’origine un renforcement ou un raccommodage intensément élégants -forcément puisqu’on est au Japon… Je suis sensible au souvenir de ces femmes cousant et brodant inlassablement, ces hommes partant à la pêche, au labour ou vers l’incendie, vêtus de ces vestes si belles mais si dérisoires contre la pluie, le froid… ou le feu.
    Ce que tu racontes sur l’indigo est fort intéressant aussi. La teinture chimique est donc arrivée bien plus tôt que je ne le pensais ; une raison supplémentaire de son succès est peut-être qu’elle sentait moins fort que l’indigo fermenté !

    • L’indigo dit « chimique » n’avait pas besoin pour donner un beau bleu profond, de longues, pénibles et coûteuses préparations, aussi a t-il remporté un franc succès chez les teinturiers qui voyaient ainsi leur travail allégé…Par contre, cette nouvelle teinture ne rendait pas les tissus plus résistants comme c’était le cas avec l’indigo « naturel »
      De là les anciens tissus bleu pâle délavés, tellement fragiles, bien qu’ils ne soient pas spécialement usés
      Quelquefois, il arrive que l’on se fasse des idées fausses par le biais de traductions erronées (cf. l’article sur le lin)

    • La volonté des hommes de tout temps a été d’embellir leur vie quotidienne, surtout si elle était difficile…Notre époque ne propose que des objets manufacturés sans valeur …
      Alors, chercher à créer de la beauté pour pouvoir supporter la laideur du quotidien n’est pas si futile…

    • Béatrice, on ne peut pas dire que j’aime spécialement, moi j’ai un profond respect pour les tissus et ceux qui les ont fabriqués, donc j’essaie de ne pas les dénaturer
      Cette artiste australienne ne les utilise que pour pouvoir les plier à ses désirs… une approche tellement différente de la mienne !

  2. bonjour Madame
    j’aime beaucoup vos articles , vos photos de voyages ,j’aime tout
    comment dois-je faire pour en recevoir les dernières parutions en sachant que je suis nulle en informatique ?
    merci de me répondre et bonne journée

    • Merci Marie Dominique, de votre intérêt pour mes articles
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  3. Votre blog est très intéressant, merci beaucoup pour tout ce que nous pouvons y apprendre. Pour ma part, je suis attirée par tout ce qui concerne le Japon et les travaux d’aiguille le concernant en particulier et tous les travaux d’aiguille en général. Vos images sont magnifiques. Merci encore.

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